samedi 2 juillet 2011

Des filles et du foot

I have a dream that one day, a French football club will win the Champions’ league again. I have a dream that the Olympique Lyonnais is European champion!

Parler de Martin Luther-King à côté d'une couverture
de Playboy? Ce blog c'est vraiment du n'importe quoi!
Les rêves du pasteur Martin Luther King ont une fâcheuse tendance à se réaliser, et ce n’est pas celui-ci qui fera exception à la règle. Et comme de juste, c’est déjà chose faite: l’OL est champion d’Europe 2011, mais bien entendu, comme cest chez les femmes, donc cest pour de faux. Pour le vrai titre, on patientera encore jusqu’en 2012, ou alors 2048... Pourtant, depuis une semaine, en Allemagne, le foot est devenu un sport de filles. Je serais tenté de dire qu’il l’a toujours été mais là n’est pas le propos. Un an après que les vuvuzelas bourdonnants se sont tus dans les rues de Johannesburg et de Berlin, et que les cafés berlinois ont rangé leurs centaines décrans plasmas installés en terrasse, une nouvelle Coupe du monde de football se joue; mais dans ce cas précis, les athlètes font au moins aussi souvent la une de Playboy que celle des journaux sportifs. Ah les bonnes vieilles habitudes sexistes à l’allemande, est-il possible de sen étonner encore davantage... Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les sportives effeuillées, fines communicantes, ont fait mouche et créé le buzz, bien plus efficacement que la campagne d’affichage gentillette, où les chaînes de télé allemandes prêtaient à la Frauenmannschaft des propos un brin provocateurs, aux accents martiaux comme «Les gars, on vous vengera» ou encore «Les troisièmes places, c’est bon pour les mecs», allusions caustiques au résultat de l’équipe masculine lors des deux dernières compétitions, notamment à domicile en 2006. Assurer sa promotion en rouvrant des blessures narcissiques mal cicatrisées, ça déchaîne donc moins les foules que la stratégie qui consiste à exhiber du téton pour flatter les hormones mâles. Le scoop de l’année quoi. En tout cas, à lire le ton du court article de Bild, les journalistes de la feuille de chou la plus lue du pays, émoustillés comme des collégiens devant le Journal du Hard, en ont souillé leur clavier...

Une semaine avant le début de la compétition, à Friedrichshain: "Les troisièmes places, c'est un truc pour les mecs!"

Pourtant, il y a sans doute un fond de vérité à ces affirmations. Les Allemandes sont après tout doubles championnes du monde en titre et, évoluant à domicile pour cette compétition, sont archi-favorites pour un troisième sacre consécutif, tandis que la Nationalmannschaft court piteusement après un titre qui lui échappe depuis 1990. Même Wile E. Coyote arrive à chopper le Bip-Bip plus souvent que ça, c’est dire. Je me venge, je me venge. C’est de bonne guerre après les couleuvres que j’ai dû avaler suite à la piètre performance des Bleus l’an dernier. Croyez-vous que l’Allemand fait preuve de compassion lorsque votre équipe nationale se ridiculise et vous plonge dans la détresse ? Eh bien non: il vous prend dans ses bras, non pas pour une accolade fraternelle mais pour mieux vous donner le baiser de Judas, il en rajoute des tonnes et amplifie avec une délectation sadique votre désarroi. Mais passons au lieu de ressasser ces douloureux souvenirs. Salauds de Boches!! Oups. Vous n'avez rien vu j'espère.

Café "Hundertwasser" à Friedrichshain. Pour le foot, c'est ici.
On sentait comme une certaine fébrilité dans l’air dans les semaines qui ont précédé le début de la compétition: se déroulera-t-elle dans l’indifférence générale ou le public sera-t-il au rendez-vous ? Les matches seront-ils à la limite du regardable ou mourra-t-on d’ennui (ou de rire) du match d’ouverture à la remise du trophée ? Les joueuses, ayant évacué sans ménagement le mythe de l’athlète peu féminine et pas très jolie en minaudant devant les photographes du magazine au lapin, sauront-elles intéresser le spectateur par leur technique de jeu autant que par leur physique avantageux ? La presse a laborieusement fait son boulot, démontrant par A + B qu’il faut regarder le foot féminin, car c’est un vrai sport de passionnées qui gagnent en un an ce que les Cristiano Ronaldo et autres Rooney gagnent en une mi-temps, voire en quatre foulées paresseuses, qu’elles sont belles, fair-play, intelligentes, ont le feu sacré, commettent moins de fautes et n’ont même pas plagié leur thèse de doctorat. Bref, tout était bon pour nous vendre la soupe, mais on sentait que le cœur n’y était pas vraiment. Un sport, on l’apprécie parce qu’il fait plaisir à regarder, pas pour tous les motifs les plus rationnels du monde, et cela est impossible à mettre en équation. Sinon, un sport propre et intègre tel que le curling serait tout aussi suivi que le foot.

Des buveurs de bière attablés à cette terrasse de la Simon-Dach-Str.
voient la star allemande Fatmire "Lira" Bajramaj entrer en jeu à la
60ème minute du match Allemagne-Canada.
Mais dimanche dernier, la mayonnaise a bien vite pris. Le premier match de la sélection nationale (qui n’était pas le match d’ouverture, une affiche France-Nigeria) a été largement diffusé et suivi dans les bars, tandis qu’à l’Olympiastation de Berlin, pas moins de 73.500 personnes étaient présentes pour voir l’Allemagne dominer les Canadiennes et les battre sur un petit 2-1, bien loin des 11 buts à zéro sur lesquels s’est soldé l’Allemagne-Argentine en ouverture de la coupe de 2007, signe, selon les commentateurs avisés, que la qualité du jeu est en nette augmentation, car des 7-0 ou 11-0 en pagaille, ça ne fait pas très pro. Pour avoir suivi la partie et profité de l’ambiance depuis les terrasses des cafés de Friedrichshain, j’ai trouvé le jeu tout à fait plaisant à regarder, et le public allemand toujours aussi passionné dès lors qu’une équipe, n’importe laquelle, endosse les couleurs nationales. Certes, on était encore très loin de la ferveur avec laquelle le public a suivi le match Allemagne-Australie l’an dernier depuis les mêmes terrasses, et à des années-lumières de l’explosion de joie populaire qui a suivi la victoire 4-0 de la Mannschaft pour sa première partie dans la compétition, mais indéniablement, le public était présent et intéressé. Le jeu que j’ai vu n’était pas particulièrement rapide (un peu comme les Bleus fatigués en 2002), mais d’un niveau technique tout à fait correct et pas mal d’actions. Alors que j’écris cet article, j’ai pu admirer deux magnifiques buts des Américaines contre des Colombiennes qui prenaient l’eau de toutes parts.

Une coupe du monde de foot, c'est bon pour le
business. On trouve même des vuvuzelas!
Quoi qu’il en soit, après une deuxième victoire, un petit 1-0 contre le Nigeria, l’Allemagne a, comme la France, déjà décroché son billet pour les quarts de finale. Grâce à une différence de buts nettement en sa faveur (les Bleues ont tout de même battu les Canadiennes 4-0, cela mérite d'être souligné), la France est pour l’instant première du groupe A, et pourra conserver cette place en cas de nul dans le match qui opposera les deux équipes mardi. À Berlin, il n’est plus possible d’ignorer que l’honneur du Vaterland (la patrie) est en jeu et qu’une compétition de football est en train de se dérouler. Comme j’ai pu le voir à l’Euro 2008 (j’étais alors en cours d’installation ici) ou lors de la coupe du monde l’an dernier, les drapeaux ont recommencé à fleurir un peu partout, et de préférence sur les balcons ou les toits des voitures. Même dans un quartier à très forte population immigrée comme Neukölln, les citoyens allemands, qu’ils soient d’origine turque, égyptienne ou libanaise, affichent bruyamment leur patriotisme teuton et ne lésinent pas sur les drapeaux Schwarz-Rot-Gold.

Cette partie entre deux équipes dores et déjà qualifiées sera loin d’être anodine, au moins pour une joueuse en particulier: l’Allemande Célia Okoyino da Mbabi, qui a marqué le premier but de la sélection nationale dans cette compétition, dans le match contre le Canada, est née... française, d’une mère française et d’un père camerounais, à Bonn. Elle n’a acquis la nationalité allemande qu’à 16 ans, après avoir été remarquée par la Fédé allemande, qui lui a suggéré qu’elle aurait toutes ses chances de jouer en équipe nationale si elle reniait le pays de sa mère. Moi j’en dis qu’il y a des déchéances de nationalité qui se perdent... enfin, c’est ce que je dirais si j’étais idéologiquement proche de nos ministres adorés et de leurs âmes damnées.


Célia Okoyino da Mbabi. Notons que ni elle, ni Lira
Bajramaj n'ont pris part à l'effeuillage collectif sur Playboy
Nous avons donc perdu une joueuse de talent, mais avouons que jusqu’ici, les Bleues, classées 7èmes mondiales par la FIFA, se sont très bien passées de la renégate scélérate, et espérons qu’elles continuent ainsi, malgré l’indifférence du public français.

Mardi, la France et l’Allemagne s’affronteront pour la première place du groupe A. Et moi, je compte bien... ne pas voir le match, puisque je serai en France, et qu’en France, tout le monde s’en foot éperdument de cette coupe du monde, non ? C’est bien dommage. Souhaitons quand même bonne chance aux Bleues, et suggérons-leur de s’inspirer des stratagèmes payants quont adoptés les Allemandes pour créer le buzz en France... Héhé.

J’aime bien voir et photographier les preuves de la ferveur populaire qui accompagne ces compétitions sportives, dans tous les quartiers de Berlin, à l’est comme à l’ouest, chez les Allemands de souche comme chez les immigrés. Laissez-moi, en guise de conclusion, vous montrer quelques photos qui témoignent de l’ambiance.

Le 29 juin près d'Alexanderplatz, à Mitte


Le 30 juin sur la Boxhagener Straße, à Friedrichshain

Rafales de vent le 1er juillet sur l'Urbanstraße, à Kreuzberg
Grande démonstration de patriotisme, le 1er juillet devant le café arabe El-Salam, sur la Sonnenallee, à Neukölln. Je me suis fait proprement recevoir pour avoir eu l'audace de prendre une photo... Ah là là.
Le 1er juillet du côté du Hallesches Tor, à Kreuzberg. Là c'est plus original tout de même sur ce taxi: les drapeaux des 4 pays du groupe B. Le Japon a démoli les Mexicaines 4-0 !

7 commentaires:

  1. La ferveur fait plaisir, d'autant que je suis en train de regarder Métroppolis qui consacre un reportage à la question et j'apprends que le foot était interdit pour les femmes jusqu'en 1970 et que la 1ère fois que les Allemandes ont gagné la coupe du monde en 89, elles ont un reçu un service à thé.
    Je te confirme que la question est passée sous silence ici..mardi on e parlera peut-être 2mn30, à la fin du JT..

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  2. Chère Line, c'est fou ça, je ne le savais pas... Comment peut-on "interdire" un simple sport à des gens ? La police effectuait des rondes autour des terrains de foot pour s'assurer qu'aucune femme ne tapait dans un ballon ??? Pour l'histoire du service à thé, ça j'étais au courant.
    Héhé :-)
    C'est sûrement de l'humour allemand décalé :-)

    Quand même, allez les Bleues quoi !!

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  3. Le truc c'est qu'en France si tu sors un drapeau français ou que tu chantes l'hymne national, tu es de suite considéré comme un facho car être patriotique c'est voter pour le pen tout le monde le sait...(soupir et lever de yeux au ciel).

    J'espère que les Françaises vont arriver en finale, ça leur autorisera peut-être une finale sur France 3 comme pour les handballeuses...

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  4. Moi non plus je ne savais rien de tout ça... tu vis vraiment dans un pays de brutes: entre ça, les pubs et même leur sexisme de langue envers les "places" bien féminines grammaticalement (les incompréhensibles DER à tout va)et tout le reste...je ne comprends pas ce que tu y fais encore... sauf si tu as deux amours! faut croire que oui, et ça craint!

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  5. Ach, chère Zénopie, en Allemagne non plus ce n'est pas très très pien fu de parater dans la rue en achitant des trapeaux et en jantant "Deutschland, Deutschland", ça fait trop nazionaliste et zertaines perzonnes ne troufent pas zela de fort bon goût.

    Quand le phénomène est apparu il y a quelques années, beaucoup de médias se sont interrogés et étaient globalement contre ce soudain regain d'orgueil national aussi bruyamment manifesté, mais finalement tout le monde s'est rendu compte que c'était assez inoffensif, et que même les immigrés s'y sont mis avec plus d'ardeur que les autres...

    Quand je parle de désintérêt en France, il n'est pas forcément question de mettre des drapeaux partout. Pendant la Coupe du monde "normale" (celle des mecs), on ne voit pas de drapeaux sur les bagnoles et aux fenêtres des maisons. Mais au moins les médias en parlent, les gens savent que les Bleus jouent, rencontrent tel ou tel pays, etc. Juste ça. Mais bon, c'est pas grave hein... maintenant il y a le Tour de France alors faut pas rêver non plus ! Même la télé allemande couvre largement l'événement d'ailleurs.

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  6. Eh oui Line, tiens je ne vois que maintenant ton commentaire: pareil que Josephine, j'ai deux amours, mon pays et Berlin.
    :-)
    C'est si grave que ça? Allez j'aurai 2 semaines de séjour culturel et linguistique en France pour me purifier un peu des miasmes allemands :-)

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  7. Je te souhaite de bien profiter de ton séjour alors...
    Aimer c'est grave? je suis mal placée pour te répondre; demande à ton médecin ou à Chateaubriand...!

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Un petit bonjour ?

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