Ici a commencé mon étrange périple (basé sur des faits réels) |
Perdu dans mes pensées, je monte dans une rame de métro bruyante et brinquebalante à la station Bonne Nouvelle, sur la ligne 8. Tiens donc... Bonne Nouvelle, dites-vous ? Me voilà pris de vertiges soudains. Le vacarme des freins, des lourdes portes coulissantes et des loquets chromés, le bruit diffus des accordéonistes moldaves et des voyageurs entassés s’évanouissent instantanément. La température monte. Les néons blafards laissent la place à une belle nuit étoilée, bercée de tièdes alizés. J’entends le cri-cri lointain des grillons, le tapage strident des insectes et la samba coassante des grenouilles. Battement de tambours, tintamarre de chachas et de ti-bwa bien en rythme. Une fervente cacophonie de voix avinées se fait entendre, dans un unisson approximatif :
« Oh ! la BONNE NOUVELLE (bis)
Qu’on vient nous annoncer !
Une mère est vierge (bis)
Un sauveur nous est né.
Bon, bon, bon (ter)
Accourons-y donc »
Quel
est donc ce prodige ?
Rêvé-je ? Il semble pourtant que je n’aie pas quitté
ma rame de métro. Sur
la ligne 13, l’on
s’égosille avec entrain.
«Ô Dieu quelle nouveauté
GABRIEL
[Péri] a rapportée :
Il dit que le Tout-PuissantSouvenez-vous-en (bis)
...»
Mon périple
sans queue ni tête continue derechef. Les joyeuses voix des
chanteurs de cantiques martiniquais me poursuivent avec entêtement dans le sombre
entrelacs de tunnels chthoniens. Je suis parachuté hic et nunc sur la ligne 10,
au fin fond du 16ème arrondissement, alors qu’à l’instant nous étions à Gennevilliers. Tiens donc.
« Glooooooooooria
in EXELMANS Deo »
Et hop ! Le 20
Minutes que je
feuilletais à l’instant se
métamorphose sous mes yeux en recueil de cantiques, l’indispensable
Annou chanté Noël
(« Chantons Noël »),
compilé par Loulou Boislaville et ses acolytes il y a un bon demi-siècle, et
qui fait toujours autorité dans
les soirées éponymes, où l’on se soûle pour la plus grande gloire du petit Jésus qui fait pitié tout nu dans sa mangeoire dégueu.
Et bim, lignes
1, 5, et 10, d’une traite. On n’est plus à ça près.
« Michaud
veillait (bis)
La nuit dans
sa chaumière
Près du VANEAU
En gardant son troupeau.
En gardant son troupeau.
Le ciel
brillait (bis)
D’une vive
LAUMIÈRE,
Il se mit à
chanter
Je vois
(bis)
Le chœur
chante divinement faux. Mais quelle ambiance ! C’est
l’essentiel après tout. L’ambiance, et un tout de même peu de rhum, ce divin élixir capable de réveiller le Sinatra qui sommeille en chacun de nous. Tout bonnement. Lignes
6 et 10.
Mystère
impénétrable
Un Dieu
QUINET en ce jour
Tout nu tout
misérable
... »
... »
Des
ritournelles plus ou moins paillardes, en créole, s’intercalent
perversement entre les pieux cantiques en français châtié des
contemporains de Molière. Il faut bien faire quelques pauses salutaires entre tous ces plus-que-parfaits du subjonctif à n’en plus pouvoir, hein. Ligne 7. Puis ligne 9 dans la foulée.
« Désann
la CADET,
Kriyé Man
Alexann (bis)
Bernadèt
angajé »
« A fòs Joseph té BOULETS (ter)
Joseph dòmi déwò !»
« A fòs Joseph té BOULETS (ter)
Joseph dòmi déwò !»
Ceux qui
n’ont pas de tambour ou de chacha, tapent sur les tables, sur les
chaises. Ou dans leurs mains. L’essentiel, c’est de faire un maximum de bruit. Ça met encore plus d’ambiance, et puis ça couvre les fausses notes... Ligne 2, métro
aérien.
Cherchons un
logement :
Le temps
presse et LA CHAPELLE
À mon
accouchement
... »
... »
Faites du bruit pour le petit Jésus ! On a trop longtemps sous-estimé le son mélodieux des bassines en plastique. |
« VAVIN d’où venait ce grand bruit
Qui m’a réveillé cette nuit
Et tous ceux de mon voisinage... »
« Quand Dieu naquit à Noël
Dans la PORTE DAUPHINE
On vit ce jour solennel
Une joie divine...»
Fiche qu’il fait froid ce soir, hein ! Ah oui, il y a un ti-vent bien frais sur le balcon. Allez, ma cousine, encore un ti-punch pour nous réchauffer les cordes vocales s’il vous plaît. Ligne 7 à nouveau.
« Pont
MARIE et Joseph veillent
Sur l’Enfant
qui sommeille
Au ciel l’astre luit (bis) »
Au ciel l’astre luit (bis) »
Je descends à
Pont-Marie, et la faille spatio-temporelle se referme avec les portes
de la rame derrière moi. Plus de
tambours, plus de balcons agréablement ventilés, plus de
papillons de nuit virevoltant bêtement autour des luminaires. Mon chanté Noël martiniquais s’achève aussi subitement qu’il avait commencé. Mais, finalement, quand on le souhaite
vraiment, même le métro parisien peut chanter Noël comme aux Antilles.
Cette histoire est entièrement vraie, je vous assure ! Comme disait l’impayable NKM, c’était en quelque sorte un de ces innombrables «moments de grâce» qu’on peut vivre dans le tro-mé... Ni plus ni moins.
JOYEUX NOËL !
Cette histoire est entièrement vraie, je vous assure ! Comme disait l’impayable NKM, c’était en quelque sorte un de ces innombrables «moments de grâce» qu’on peut vivre dans le tro-mé... Ni plus ni moins.
JOYEUX NOËL !
Noël au balcon, sur fond de palmiers, en Martinique |
Les cantiques ! Je me souviens que mon père passait le 45 tours (4 titres) "Noël aux Antilles" pendant les fêtes. Du coup, quand à l'école, on nous demandait de citer des chansons de Noël, je répondais "Michaud veillait" et "Joseph, mon cher fidèle". Bien sûr dans ma classe (du 94 des années 70), personne ne les connaissait. J'avais apporté ce disque à mon institutrice du CE1 qui avait demandé des disques de Noël et à ma grande surprise, elle avait passé toutes les chansons et avait fait un cours dessus.
RépondreSupprimerEt pourtant c’est bien une tradition française à l’origine. Heureusement qu’aux Antilles on a su la conserver.
SupprimerMerci pour ton commentaire et bonne année 2014 à toi!
Bonne année à toi également.
SupprimerEn fait, il me semble que mes camarades ne connaissaient que Petit Papa Noël (ou bien, ils ne voulaient pas montrer qu'ils allaient à la messe). Pour ma part, je connaissais les cantiques et leurs paroles mais je connaissais pas le chanté noël puisque je n'allais en Martinique que l'été. J'ai découvert cette fête en 1999 quand j'y suis allée pour la première fois pendant l'Avent. Ma mère voulait nous faire découvrir cette tradition. J'ai adoré !
En France métropolitaine, on chante surtout dans les stades, mais ce ne sont pas vraiment des chansons d'amour.
RépondreSupprimerAu moins, la ferveur doit être la même dans les stades...
SupprimerBonne année!
Ah bon??? Un chanté Noël à Denver ça ferait "peur"?? Y sont bizarres ces Ricains. Elle est très drôle ton anecdote. J’ai toujours chanté Noël en famille, et seulement en famille, donc je ne connais pas ces «conflits» modernisateurs provoqués par certains «artistes» au talent douteux
RépondreSupprimer:-)
Merci pour tes commentaires et bonne année 2014!
Non, pas les Ricains, les Français. Comme les chants parlent de Jésus, Marie et Joseph, j'ai peur qu'ils pensent que ce sera trop "religieux". Pas de problème de ce côté-là avec les Américains, mais je n'en connais pas beaucoup qui parlent français.
RépondreSupprimerAh bah oui, quelle drôle d’idée que de parler de Jésus et de Marie à Noël, hein! On sait bien qu'à Noël on fête un type barbu habillé en rouge et qui se promène en traineau tiré par des rennes voyons!
RépondreSupprimerDéjà revenu à Berlinpinpin? Regarde ce nouveau groupe allemand insoupsonné que je viens de trouver? http://www.youtube.com/watch?v=z33tH-JdPDg Ca donne envie hein :)
RépondreSupprimerMais c’est trop bon ce son dis donc!! Oui c’est completement NOUVEAU :-) Merci de me faire découvrir les bons sons de demain, en précurseur :-)
SupprimerNon malheureusement je ne suis pas encore rentré à Berlin. Je ne reviendrai qu’en mars...