Je vais être franc avec vous, chères lectrices que je sais toutes jeunes, jolies, mais aussi intelligentes n’est-ce pas, comme un croustillant mélange d’Emma Watson, de Kate Middleton et de Marie Curie : cette semaine, je me suis superficiellement intéressé au Royal Wedding. J’ai parcouru distraitement quelques articles publiés dans mes journaux favoris, qui en général s’adressent à un public qui se veut intelligent : The Guardian, Der Spiegel et Le Monde.
L'obscur archipel néo-zélandais de Niue honore le couple princier... en attribuant à William et à Kate leur juste valeur respective. |
D’ailleurs, grâce à ce mariage et à l’indécent battage médiatique qu’on nous a infligé, j’ai pu avoir un débat intéressant avec un ami espagnol et enfin comprendre à peu près pourquoi et comment diable on peut être monarchiste au XXIème siècle. La réponse est courte et limpide : les monarchies sont attachées à leurs rois comme des symboles de la nation, et le fait que ces personnes ne soient pas élues par le peuple semble aussi normal que le fait de ne pas avoir à voter tous les cinq ans pour désigner un nouveau drapeau ou un nouvel hymne national, puisqu’il s’agit tout simplement d’un symbole, quoique de chair et d’os. Raisonnement impeccable s’il en est. Je n’ai rien trouvé à redire. Très bien, chers Espagnols, Britanniques, Bénéluxiens et Scandinaves, si cela vous convient si bien, alors vous m’en voyez fort aise, et ce n’est pas moi qui tenterai de vous convertir aux vertus de la République à la sauce Sarko, qui fait plutôt figure de repoussoir chez les plus clairvoyants d’entre vous, et ce à juste titre.
Dès lors, que m’inspire cet événement d’une importance au mieux très moyenne, à propos duquel je me suis laborieusement évertué à finir trois paragraphes toute la semaine, en vain jusqu’ici ? Pas grand-chose, à part une réaction à cet article du Guardian qui détaille et analyse la pluie de titres de noblesse qui s’abat sur les tourtereaux comme une giboulée printanière, like rain on your wedding day comme l’a d’ailleurs ironiquement chanté Alanis Morrissette : la Reine, pimpante et élégamment chapeautée, a fait son petit-fils William et sa belle-petite-fille Kate, en guise de cadeau de mariage,
Duc et Duchesse de Cambridge, Comte et Comtesse de Strathearn et Baron et Baronne Carrickfergus.Elle s’est arrêtée là de justesse, alors qu’elle aurait très bien pu les honorer du titre de Docteur et Doctoresse en Droit à l’université de Bayreuth, si tel était son bon vouloir, et ce sans même qu’ils ne se donnent la peine de plagier une thèse, mais il est vrai que ce dernier titre s’est quelque peu galvaudé par les temps qui courent... L’implication logique de tout ceci, c’est que William, qui depuis sa sortie triomphale du noble utérus de feu sa mère, porte le titre de “Prince William of Wales”, gagne aujourd'hui trois lignes sur sa carte de visite, tandis que son épouse Catherine entre dans la Family en recevant les distinctions qui jusqu’ici lui avaient cruellement manqué. On comprend aisément, si on veut bien respecter de vieilles traditions, que l’épouse du deuxième prétendant au trône d’Angleterre mérite mieux qu’un simple « Madame », ce terme banal qui convient mieux à une vulgaire bouchère de banlieue. Du coup, dans le cas de Kate M., ces titres rutilants sont mérités dans la mesure où, pour les recevoir, elle ne s’est pas simplement contentée de naître : elle a tout de même dû pécho le fils de Lady Di, un exploit peu commun qui en soi n’est pas à la portée de la première fille de millionnaire et étudiante en histoire de l’art venue. Elle devient officiellement une altesse royale mais ne reçoit surtout pas le titre de princesse, alors attention à ne pas vous tromper dans le protocole hein, bande de gueux et de gueuses. Etc, etc, etc.
Fi, vous dis-je, fi ! Outre le fait que ce soit la grande classe d’offrir un duché, un comté et une baronnie comme cadeau de noces, bien plus la classe qu'un bon de 50€ sur Printemps à Deux ou une parure de lit achetée en deux clics chez 1001Listes.fr, à quoi riment-ils, tous ces titres, vains et dans le fond assez ridicules ? Guillermo y Catalina, comme les nomme joliment la presse espagnole, deviennent Ducs de Cambridge pour de faux. La ville de Cambridge garde son maire et sa structure démocratique, merci pour elle, et il n’est pas question d’y réintroduire la taille, la gabelle, les corvées et le droit de cuissage, Dieu soit loué. Alors, quid de toutes ces distinctions ? Si jamais, en un jour béni, nous autres manants étions brièvement élevés du caniveau où nous sommes vautrés, et amenés à rencontrer William Windsor, devrons-nous lui faire trois révérences de plus, une au duc, une au comte et une au baron ? Si jamais Catherine Middleton Windsor devait un jour débarquer dans notre salon pour des leçons d’élocution comme Helena Bonham Carter alias l’épouse de George VI dans The King’s Speech, devrons-nous lui faire trois fois plus de baisemains ? Devons-nous les respecter trois fois plus ? Ou peut-être notre respect et nos salamalecs ne doivent pas être augmentés de manière arithmétique, mais plutôt logarithmique, pour respecter la hiérarchie des différents titres conférés, en vertu du Théorème d’Henry VIII ?
Son Excellence, le Président à Vie, Maréchal, Docteur El-Hajji, Idi Amin Dada, Conquérant de l'Empire Britannique, Roi d'Écosse, etc, etc. |
En somme, cet empilement de distinctions et de titres est aussi débile que dans le cas de ces potentats africains qui se décernaient à eux-mêmes des titres ronflants, ces Colonels usurpateurs, Généraux d’opérette, Maréchaux autoproclamés, ces Derniers Rois d’Écosse d’imposture. Mouammar Kadhafi n’était un simple capitaine ? Et hop, promu par lui-même au grade de colonel, il a tout de suite acquis de la stature. Idi Amin Dada se sentait-il quelque peu à l’étroit dans son uniforme de major-général ? Qu’à cela ne tienne, un costume de Maréchal fort seyant, taillé sur mesure et par ses propres soins lui permit aussitôt d’y coudre toutes les décorations qu’il s’est lui-même attribué. Et Bokassa Ier, empereur de Centrafrique ? Ah, Bokassa...
Oui, c’est tout de même moins crevant de collectionner ainsi les titres que de travailler pour les mériter. À ce petit jeu, même les faux docteurs qui semblent abonder dans la classe politique allemande (pas si classe que ça justement, puisqu'après l'élégant baron von Googleberg, c'est au tour de Silvana Koch-Mehrin d'être démasquée) font figure de laborieux crétins et de vertueux imbéciles qui n’ont rien compris à l’art d'acquérir du prestiiiige en cinq minutes chrono.
Maintenant que j’ai pigé le truc pour se hisser définitivement au-dessus de la masse fétide des mortels, je ne vais pas me priver. Pécho le prince Harry étant relativement improbable, un anoblissement par la Reine d’Angleterre semble peu envisageable. En plus il paraît que c’est vraiment un gros boulet ce Harry. Au lieu d'abandonner au premier contretemps, je passe donc au plan B : me faire adouber par une Reine, n’importe laquelle. Cela tombe bien, j’en connais une : ma propre mère bien sûr, qui pour moi vaut toutes les Reines de ce monde. Je suis allé mander ma génitrice :
Oui, ma mère ressemble un peu à Galadriel, dans Le Seigneur des Anneaux |
– OK mon fils, aujourd’hui, je te fais Baron du Balcon de la Maison, Comte du Cocotier au Fond du Jardin, Chevalier de la Chaise-Cassée dans le Garage, et Grand Chambellan de ta Chambre d'Ado.
– Wouaouh, rien que ça ! Ça pète ! Mais dis, tant qu'on y est, un titre académique me dépannerait bien, là tout de suite...
– Je te décerne ce diplôme de Docteur ès Techniques du Lavage de Vaisselle et t'attribue cette chaire de Professeur Émérite en Repassage de Chemises à Manchettes à l'université de la Buandery.
– Chanmé de ouf !
– Tu conserveras ces titres jusqu'à la prochaine lune. Tâche d'en faire bon usage !
– Merci M'man, tu es vraiment la meilleure ! Bisou ! »
Voilà, c'est chose faite depuis aujourd'hui : j'ai trop la classe et je suis l'égal de toutes ces têtes couronnées. Me voilà un homme neuf, que dis-je, un homme tout court, un gentilhomme. OK, je vous laisse, mon Eurostar vient d'entrer en gare de Saint-Pancras, et je dois vite filer à la réception du mariage de ces chers Will et Katie. J'espère qu'ils vont apprécier le coffret arts de la table de chez Christofle que je le leur ai trouvé chez Lafayette Mariage. Il m'a coûté un bras.
Oh là, l'ami, mon cher Duc, ravi de vous revoir ! Que vous avez bonne mine.