– Ils n'ont que ça en tête ! Il ne parlent que de ça ! C'est fou ! C'est l'obsession ! Au secours !
Hilfe !
– Ils ne parlent que de quoi ? De sexe ?
– Mouais, évidemment. Mais bon ça ce n'est pas une nouveauté. Non, c'est autre chose. C'est dans l'air du temps. C'est bien plus pesant. Plus oppressant. Plus déprimant.
– De quoi alors ? Des non-révélations fracassantes de Ouikilix le Gaulois sur les épanchements top-secrets de Caïus Julius Baracus Obamus César, Angela Merkléopâtre, Sarkogétorix et des autres grands (et moins grands) de ce monde ?
– Oui, on en parle un peu mais en fin de compte le petit peuple dont vous et moi faisons partie a des soucis autrement plus pressants, plus terre-à-terre.
– La raclée historique du Real Madrid face au Barça au
Clásico avant-hier au Camp Nou ?
La menace terroriste qui pèse sur les marchés de Noël ?
– Ach,
quatsch! comme on dit ici. N'importe quoi. Au marché de Noël, c'est l'ambiance de Noël qui prévaut, tout simplement. Les gens achètent des casse-noisette en bois de l'Erzgebirge en forme de petits soldats et d'autres bibelots, se gavent de saucisses et se saoulent au
Glühwein comme à l'accoutumée, tout en se pelant stoïquement le derrière. Difficile d'avoir une seule pensée pour les cinglés barbus d'Al-Qaida qui ourdissent leurs prochains méfaits sadiques en cuisant dans leur jus au fin fond du désert lorsqu'on se régale de
Kartoffelpuffer à la compote de pommes encore fumantes par un froid glacial, en humant les doux fumets de liqueur, de cannelle, de saucisse et de plein de sucreries, tout en écoutant pour la millième fois la même musique de Noël dont on a plein le dos au bout de deux jours. D'ailleurs, le prochain terroriste qui débarquera sur un marché de Noël se laissera sûrement gagner par l'ambiance et on le verra troquer sa ceinture d'explosifs contre du pain d'épices au bout cinq minutes ! Quant au
Clásico, c'est déjà oublié. Sauf pour Santi mon collègue catalan bien sûr.
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"Nussknacker aus dem Erzgebirge" |
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Le marché de Noël au Gendarmenmarkt peu avant la fermeture |
– Alors je ne sais pas. Je donne ma langue au chat. De quoi parlent-ils donc tous, les gens ?
– C'est pourtant facile : de l'autre invité de la saison, outres les marchés de Noël. L'hiver, débarqué en avance cette année, et avec lui,
la NEIGE, le FROID, voyons !
– Ah ça c'est bien vrai mon gars, ils ne parlent que de ça les gens. Difficile d'entendre parler d'autre chose !
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Déclaration d'amour à Boxhagener Platz, samedi 27 novembre |
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Déclaration de soif sur la Revaler Straße, le 27 novembre |
– Dans les blogs berlinois, dans la presse, dans toutes les conversations, il n'est question que de froid et de neige. Les vieux de la vieille, qui ont survécu aux affres de l'hiver dernier, indéniablement le plus dur depuis au moins un an, peut-être deux, ressassent les mêmes histoires sordides de cette couche de glace, de 10, voire 20 ou, allons-y franchement, de 50 centimètres d'épaisseur qui a recouvert les trottoirs pendant deux, trois, quatre, six mois, on ne sait plus exactement. Chacun y va de son anecdote navrante sur la mère du pote de leur voisin qui s'est cassé un bras en glissant sur le verglas, d'empilement de couches de vêtements, etc. Ils le font juste par pur plaisir sadique, pour terroriser les nouveaux venus, ces naïfs débarqués à la belle saison et pour qui Berlin rimait plutôt avec baignades au Badeschiff ou au Schlachtensee, beach-volley à Nordbahnhof, cinéma en plein air, barbecue au Görlitzer Park et soirées démentes au fil de l'eau au Klub der Visionäre ou au Bar 25 jusqu'au petit jour. Ils faut dire que les petits nouveaux sont masochistes : ces histoires, ils les ont déjà entendues vingt fois et pourtant ils ne s'en lassent jamais. En fait, chaque hiver berlinois sert à alimenter les conversations pendant un an, jusqu'à l'hiver suivant.
– Loin de nous l'idée d'aller hurler avec la meute, d'y rajouter notre propre grain de sel à toutes ces histoires de froid avec lesquelles on nous a déjà rebattu les oreilles, de mentionner que la température avoisine les -10°C ce mercredi 1er décembre, etc, etc. À d'autres !
– Absolument ! Aux
Chroniques Berliniquaises, nous avons une ligne éditoriale à défendre ! Nous parlons de voyages, d'expériences et rencontres intéressantes, de culture, des Antilles, de Berlin, nous rencontrons des invités de marque pour débattre de la marche du monde (et de sa fin). Mais les sujets aussi triviaux que le froid, vraiment, c'est non !
– D'ailleurs, plutôt que de faire allusion à ces
articles alarmistes qui nous annoncent -13°C pour cette nuit pour doper les ventes de journaux ou de m’appesantir sur mes problèmes d'antivol gelé sur mon vélo ce soir, détournons-nous un instant de ces sinistres métropoles européennes frigorifiées et dirigeons plutôt notre regard vers les cieux plus cléments de la Martinique, pour élever le débat. Là au moins, entre
l'exhibitionniste anonyme (et probablement dérangée de la tête) qui a semé la pagaille hier dans les rues de Fort-de-France et
l'élimination ignominieuse du fleuron du football martiniquais au premier tour de la Caribbean Digicel Cup après trois défaites contre Cuba, Grenade puis Trinidad et Tobago, il y a de vrais sujets de société à aborder. Nous y reviendrons d'ailleurs très prochainement. Ou pas...
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En voilà une qui ferait pas long feu à Berlin !! |
– Bien parlé. Ah, on se sent tout de suite mieux une fois qu'on a élevé un peu le débat !
– Oui, ça fait du bien. Allez, salut !
–
Tschüss !