“POUR le premier ministre Charest, l’initiative concernant les étudiants étrangers est «un geste audacieux pour garder cette jeunesse et son potentiel chez nous».Actuellement, un étudiant sur dix demeure au Québec une fois ses études complétées. «Nous nous fixons comme objectif de tripler le nombre d’étudiants étrangers qui font le choix de demeurer au Québec» a dit M. Charest.«Le Québec accueille chaque année quelque 22 000 étudiants étrangers. Ils sont jeunes. Ils sont brillants. Ils sont talentueux. Le monde entier se les arrache» a souligné le premier ministre. «Je veux que pour eux, le Québec ne soit pas qu’un heureux souvenir, mais qu’il soit un projet d’avenir», a renchéri M. Charest.”
Québec, le 10 mars 2009. Le message est on ne peut plus clair : le Québec annonce sa volonté de se mettre en quatre pour retenir une partie des étudiants étrangers qui y ont suivi une partie de leur cursus, plutôt que de les voir faire leurs valises et quitter le pays une fois leur diplôme en poche. Pourtant, avec 8% de sans emploi en 2010 (un chiffre plutôt en hausse), le chômage est loin d’être un phénomène inconnu dans la «Belle-Province». Le gouvernement provincial aurait-il l’intuition que permettre l’accès au marché du travail à quelques milliers d’étrangers hautement qualifiés n’empêche pas de lutter efficacement contre le chômage ? Voyons un peu le détail des mesures appliquées :
“Si vous voulez travailler au Canada après avoir obtenu votre diplôme, vous devez demander un permis de travail au titre du «Programme de travail postdiplôme».
Programme de travail postdiplôme
Le Programme de travail postdiplôme permet aux étudiants ayant obtenu un diplôme dans un établissement postsecondaire canadien participant d’acquérir une expérience professionnelle précieuse au Canada.
Il vous est possible de vous voir délivrer un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme valide pour la durée de votre programme d’études, soit pour une période maximale de trois ans. La période de validité du permis de travail postdiplôme ne peut dépasser la durée du programme d’études de l’étudiant, laquelle doit être d’au moins huit mois. Par exemple, si vous avez eu votre diplôme après quatre ans d’études, vous pourriez être admissible à un permis de travail de trois ans pour autant que vous remplissiez les critères, mais pour un certificat obtenu après huit mois d’études, vous seriez admissible à un permis de travail valable au maximum huit mois.”
Pour se voir délivrer un permis de travail et de manger le pain des Canadiens après l’obtention de son diplôme, l’immigré potentiel remplir un certain nombre de conditions, notamment : avoir étudié à temps plein au Canada pendant huit mois au minimum, avoir terminé le programme d’études avec succès et entamer ses démarches dans les délais impartis.
C’est tout ? Pas d’humiliations dans les sous-préfectures ? Pas de «circulaires» félonnes tapies dans les tiroirs ? Pas de douches obligatoires à l’eau de Javel pour désinfecter ces masses grouillantes de crève-la-faim enguenillés et malodorants, tout qualifiés qu’ils se prétendent ? Pas de carrières prometteuses détruites d’un coup de tampon désinvolte, par une armada de gratte-papier au teint blafard et aux cheveux gras, s’essuyant un filet de morve sur la joue du revers de la main en même temps qu’ils condamnent des promotions entières d’indésirables diplômés à une «déportation» (selon la terminologie locale) certaine et imminente ? Non, rien de tout ceci. Sainte Mère, quelle inconscience, quelle grave erreur ! Le Canada court à sa perte, et sera incessamment submergé de vagues d’immigration incontrôlée, et les Canadiens ne tarderont pas à ne plus «se sentir chez eux» ! On devrait leur envoyer Guéant en mai 2012, lorsqu’il se retrouvera au chômage chez nous : il remettrait de l’ordre vite fait dans cette maison ! OK, j’ai donc choisi un mauvais exemple avec le Québec : sans aucun doute, plein d’autres pays, dans le monde, ont une politique aussi restrictive (et de bon sens bien sûr) que la nôtre pour limiter l’emploi des anciens étudiants étrangers ?
EN ALLEMAGNE
C’est bien connu, l’Allemagne n’aime pas beaucoup les étrangers. Après tout, c’est ce pays qui a tout bonnement inventé le concept de xénophobie, pas vrai ? Jusqu’au début des années 2000, il était presque impossible pour les étrangers d’obtenir la nationalité allemande, sauf pour ceux ayant des origines allemandes, si lointaines soient-elles. Droit du sang, interdiction stricte de la double nationalité jusqu’en 2003 (de plus en plus grignotée par différentes dispositions) : il y a encore seulement quelques années, les politiques allemandes vis-à-vis de l’immigration et de l’intégration n’avaient rien à envier aux propositions les plusdélirantes conservatrices du conglomérat politique français qu’il convient d’appeler UMFN, actuellement au pouvoir. Aussi peut-on supputer légitimement que les étudiants étrangers, une fois diplômés des facultés allemandes, sont chassés sans cérémonie et priés d’aller se faire pendre ailleurs, que ce soit dans leur pays d’origine où ils ont «vocation» à travailler (dixit Le Guéandertal), ou ailleurs s’ils le désirent, mais surtout pas en Allemagne, n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?
Eh bien en fait pas du tout. Schock und Konsternation ! Depuis septembre 2007, les étrangers non-européens ayant terminé leurs études dans une université allemande disposent d’un délai d’un an pendant lequel il peuvent rester sur le territoire en toute légalité (et donc en toute sérénité) pour y trouver un emploi en rapport avec leur qualification. Ils bénéficient même d’un «examen prioritaire» de leur dossier pour obtenir le précieux Arbeitserlaubnis, le permis de travail. N’est-ce pas tout bonnement révoltant, ces masses crasseuses et enturbannées se ruant sur les emplois qui devraient revenir au bon peuple allemand ? Le chômage a dû partir en flèche, certainement ? On aimerait pouvoir dire cela pour donner raison à notre gouvernement, mais en fait le taux de chômeurs a fortement diminué, passant de 11,4 à 6% de la population active entre le printemps 2005 et le mois dernier... Et encore, pour la Bavière, fière et prospère, il faut diviser ces chiffres par deux. Késako ? Tous ces ingénieurs indiens ou mexicains, ces comptables égyptiens ou brésiliens, ces chercheurs canadiens ou australiens n’ont pas transformé le pays en tiers-monde invivable ? On en perd son latin. Le Chancelier à la moustache doit faire des bonds, dans sa fosse commune anonyme quelque part autour de Berlin... Quant à nos ministres, on aimerait bien avoir leur opinion sur ces faits. Je me demande ce que font les journalistes.
EN GRANDE-BRETAGNE
Comme d’habitude chez nos Rosbifs adorés, rien n’est simple. Le gouvernement conservateur de David Cameron, arrivé au pouvoir en mai 2010 dans un contexte de grande morosité économique, de crise financière et de chômage galopant, a été élu sur un programme où il était question de réduire fortement l’immigration de travail. Ah, enfin des politiciens raisonnables qui s’inspirent des lumières de notre UMP Nationale, direz-vous. Mais en fait, petit à petit, les contours des nouvelles mesures se sont précisés, et bien que l’on puisse parler de quotas très restrictifs, on est encore très loin de la politique aveugle que poursuit notre gouvernement. Les mesures entrées en vigueur en avril 2011 donnent les critères suivants : limitation du nombre global de permis de permis de travail à 21.700 par an, dont 1000 visas pour les exceptionally talented people, détenteurs de Ph.D ou de MBA, certains chercheurs et autre big brains ou big money bags (chefs d’entreprises & investisseurs) et 20.700 “Tier 2 Visas” pour les gens qui ont un diplôme, savent parler anglais et peuvent satisfaire des critères extrêmement détaillés et rébarbatifs à souhait. Chaque critère rempli attribue au candidat un certain nombre de «points» qui s’additionnent. De même, l’employeur potentiel doit satisfaire quelques requirements spécifiques et objectifs. Les jeunes diplômés ayant étudié au Royaume-Uni sont en concurrence avec les candidats qui postulent depuis l’étranger, mais les premiers ont l’avantage de recevoir des «points» supplémentaires dans leur dossier de candidature du fait d’avoir suivi leur cursus dans une université britannique, et peuvent, dans une certaine mesure, demeurer sur le territoire pendant leurs démarches, ce qui est un autre atout non négligeable.
C’est bien connu, l’Allemagne n’aime pas beaucoup les étrangers. Après tout, c’est ce pays qui a tout bonnement inventé le concept de xénophobie, pas vrai ? Jusqu’au début des années 2000, il était presque impossible pour les étrangers d’obtenir la nationalité allemande, sauf pour ceux ayant des origines allemandes, si lointaines soient-elles. Droit du sang, interdiction stricte de la double nationalité jusqu’en 2003 (de plus en plus grignotée par différentes dispositions) : il y a encore seulement quelques années, les politiques allemandes vis-à-vis de l’immigration et de l’intégration n’avaient rien à envier aux propositions les plus
Eh bien en fait pas du tout. Schock und Konsternation ! Depuis septembre 2007, les étrangers non-européens ayant terminé leurs études dans une université allemande disposent d’un délai d’un an pendant lequel il peuvent rester sur le territoire en toute légalité (et donc en toute sérénité) pour y trouver un emploi en rapport avec leur qualification. Ils bénéficient même d’un «examen prioritaire» de leur dossier pour obtenir le précieux Arbeitserlaubnis, le permis de travail. N’est-ce pas tout bonnement révoltant, ces masses crasseuses et enturbannées se ruant sur les emplois qui devraient revenir au bon peuple allemand ? Le chômage a dû partir en flèche, certainement ? On aimerait pouvoir dire cela pour donner raison à notre gouvernement, mais en fait le taux de chômeurs a fortement diminué, passant de 11,4 à 6% de la population active entre le printemps 2005 et le mois dernier... Et encore, pour la Bavière, fière et prospère, il faut diviser ces chiffres par deux. Késako ? Tous ces ingénieurs indiens ou mexicains, ces comptables égyptiens ou brésiliens, ces chercheurs canadiens ou australiens n’ont pas transformé le pays en tiers-monde invivable ? On en perd son latin. Le Chancelier à la moustache doit faire des bonds, dans sa fosse commune anonyme quelque part autour de Berlin... Quant à nos ministres, on aimerait bien avoir leur opinion sur ces faits. Je me demande ce que font les journalistes.
EN GRANDE-BRETAGNE
Comme d’habitude chez nos Rosbifs adorés, rien n’est simple. Le gouvernement conservateur de David Cameron, arrivé au pouvoir en mai 2010 dans un contexte de grande morosité économique, de crise financière et de chômage galopant, a été élu sur un programme où il était question de réduire fortement l’immigration de travail. Ah, enfin des politiciens raisonnables qui s’inspirent des lumières de notre UMP Nationale, direz-vous. Mais en fait, petit à petit, les contours des nouvelles mesures se sont précisés, et bien que l’on puisse parler de quotas très restrictifs, on est encore très loin de la politique aveugle que poursuit notre gouvernement. Les mesures entrées en vigueur en avril 2011 donnent les critères suivants : limitation du nombre global de permis de permis de travail à 21.700 par an, dont 1000 visas pour les exceptionally talented people, détenteurs de Ph.D ou de MBA, certains chercheurs et autre big brains ou big money bags (chefs d’entreprises & investisseurs) et 20.700 “Tier 2 Visas” pour les gens qui ont un diplôme, savent parler anglais et peuvent satisfaire des critères extrêmement détaillés et rébarbatifs à souhait. Chaque critère rempli attribue au candidat un certain nombre de «points» qui s’additionnent. De même, l’employeur potentiel doit satisfaire quelques requirements spécifiques et objectifs. Les jeunes diplômés ayant étudié au Royaume-Uni sont en concurrence avec les candidats qui postulent depuis l’étranger, mais les premiers ont l’avantage de recevoir des «points» supplémentaires dans leur dossier de candidature du fait d’avoir suivi leur cursus dans une université britannique, et peuvent, dans une certaine mesure, demeurer sur le territoire pendant leurs démarches, ce qui est un autre atout non négligeable.
Bref, tout ceci est très complexe et fortement indigeste, mais en définitive les règles sont transparentes, bien définies si on prend vraiment la peine de s’y plonger, et s’appliquent à tous d’après des critères plus ou moins objectifs.
EN SUISSE
Disons-le franchement : en Suisse, les racistes et xénophobes de tout poil ont pignon sur rue et ne s’embarrassent pas de subtilités pour faire passer leur message. Quand ce ne sont pas les affiches électorales qui représentent les étrangers indésirables en brebis galeuses, ignominieusement jetées hors du pré carré helvétique à coup de sabots, ce sont les frontaliers italiens, français ou allemands qui se voient comparés à des corbeaux, à des rats ou alors désignés sous le sobriquet affectueux de «racaille d’Annemasse». À cette aune, les quelques courageux qui bravent un climat si hostile pour aller étudier dans la petite république alpine sont sûrement boutés hors de Suisse comme le mouton noir de l’affiche UDC dès l’obtention de leur diplôme ?
Disons-le franchement : en Suisse, les racistes et xénophobes de tout poil ont pignon sur rue et ne s’embarrassent pas de subtilités pour faire passer leur message. Quand ce ne sont pas les affiches électorales qui représentent les étrangers indésirables en brebis galeuses, ignominieusement jetées hors du pré carré helvétique à coup de sabots, ce sont les frontaliers italiens, français ou allemands qui se voient comparés à des corbeaux, à des rats ou alors désignés sous le sobriquet affectueux de «racaille d’Annemasse». À cette aune, les quelques courageux qui bravent un climat si hostile pour aller étudier dans la petite république alpine sont sûrement boutés hors de Suisse comme le mouton noir de l’affiche UDC dès l’obtention de leur diplôme ?
Non, non, non, et non. Sur le site de l’Office fédéral des migrations, un court article publié en juin 2010 et intitulé Admission facilitée pour les ressortissants d’États tiers diplômés d’une haute école suisse annonce la couleur :
“Le 18 juin 2010, le Parlement a accepté l’initiative parlementaire Neirynck qui prévoit une modification de l’art. 21 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr). Cette décision implique que les étrangers diplômés d’une haute école suisse pourront être admis sans tenir compte de l’ordre de priorité défini à l’art. 21 LEtr. Le séjour leur sera provisoirement accordé pendant les six mois suivant la fin de leur formation ou de leur perfectionnement en Suisse pour leur permettre de trouver un emploi en adéquation avec leur diplôme. Seuls les diplômés aspirant à des postes importants du point de vue économique ou scientifique bénéficieront d’une autorisation de travail. La modification de loi entrera en vigueur le 1er janvier 2011.”
Tout est dit en quelques courtes lignes. En Suisse, les racistes glapissent, et les populistes gémissent, mais des lois sensées entrent malgré tout en vigueur, en fonction de l’intérêt du pays, et pas pour séduire un électorat de beaufs incultes qui mettent tous les étrangers dans le même sac et les rendent responsables de tous les maux du pays.
Je crois que cela suffit : j’ai fait ma démonstration. Les règles applicables aux États-Unis étaient trop compliquées à trouver, donc je ferai sans. Mais vous voyez où je veux en venir : il n’y a donc qu’en France que la situation est aussi défavorable aux diplômés étrangers, et ce au mépris des lois existantes. Il n’est pas farfelu d’imaginer les conséquences désastreuses pour l’attractivité internationale de nos universités, si cette situation devait perdurer. À terme, comme l’a dit un de mes amis marocains (et récemment naturalisé français, heureusement pour lui), on en arriverait presque à souhaiter que les anciennes colonies françaises se détournent de la francophonie et adoptent l’anglais comme langue d’enseignement et de travail, pour réagir à ce mépris avec lequel leurs ressortissants sont traités en permanence : ainsi, il y aurait bien moins de candidats à l’immigration en France. Notre pays n’aurait peut-être plus que le rayonnement culturel de la Pologne ou de la Finlande à l’échelle mondiale, mais nos beaufs de Vitrolles ou d’Orange voteraient alors peut-être, oui peut-être, UMP plutôt que FN, et bien sûr ne seraient plus embêtés par personne pour organiser leurs apéros préférés...
Je crois que cela suffit : j’ai fait ma démonstration. Les règles applicables aux États-Unis étaient trop compliquées à trouver, donc je ferai sans. Mais vous voyez où je veux en venir : il n’y a donc qu’en France que la situation est aussi défavorable aux diplômés étrangers, et ce au mépris des lois existantes. Il n’est pas farfelu d’imaginer les conséquences désastreuses pour l’attractivité internationale de nos universités, si cette situation devait perdurer. À terme, comme l’a dit un de mes amis marocains (et récemment naturalisé français, heureusement pour lui), on en arriverait presque à souhaiter que les anciennes colonies françaises se détournent de la francophonie et adoptent l’anglais comme langue d’enseignement et de travail, pour réagir à ce mépris avec lequel leurs ressortissants sont traités en permanence : ainsi, il y aurait bien moins de candidats à l’immigration en France. Notre pays n’aurait peut-être plus que le rayonnement culturel de la Pologne ou de la Finlande à l’échelle mondiale, mais nos beaufs de Vitrolles ou d’Orange voteraient alors peut-être, oui peut-être, UMP plutôt que FN, et bien sûr ne seraient plus embêtés par personne pour organiser leurs apéros préférés...
C’était donc ça la «France d’après» ? Ma foi, je ne suis pas mécontent d’être parti alors. Le dernier qui sort pensera à éteindre la lumière ? |