Bäckerin: “Hallöchen.”
Ich: “Hallo, ich möchte bitte ein Weltmeisterbrötchen und ein Kürbiskernbrötchen.”
Bäckerin: “Das war aber sehr schön gesagt!”
Ich: “Echt? Danke!”
Bäckerin: “Bitteschön.”
La Boulangère: «Bonjour.»
Moi: «Bonjour, je voudrais s’il vous plaît un Weltmeisterbrötchen et un Kürbiskernbrötchen.»
La Boulangère: «Mais c’était très bien prononcé tout ça!»
Moi: «Vraiment? Merci alors.»
La Boulangère: «Mais je vous en prie.»
Et un service avec le sourire, en prime.
YES!!! Trois ans, il a fallu trois ans pour que ce moment béni arrive. Entre-temps, que d’échecs et de moments de solitude et de découragement, de moqueries sadiques et de malentendus débiles. Et il est vrai que la tâche n’est pas aisée à la boulangerie, les redoutables Bäckerinnen étant d’expérience les commerçantes les plus enclines à se gausser méchamment de ma chancelante diction. Il faut dire que, vu les noms tordus qu’elles donnent en général à leur marchandise, il y a de quoi suer à grosses gouttes avant de se risquer à prononcer ces vocables torturés qui s’écrivent toujours en quatorze lettres minimum. Et là, ne voilà-t-il pas que je me présente tranquillement, complètement enrhubé à cause de ce temps pourri qui sévit sans trêve depuis des semaines, et je me fais encenser...
En fait, c’est un précepte tout particulier auquel obéit la confrérie des Boulangers Teutons: «À ton pain un nom à coucher dehors tu donneras, et le client français impitoyablement tu humilieras», une règle d’or que respectent scrupuleusement des générations de Bäcker. Le commandement est tout aussi imprescriptible que le fameux «Édit de Pureté de la race bière», ce Reinheitsgebot avec lequel les Allemands nous rebattent copieusement les oreilles depuis 1516 et qui a gravé dans le marbre les règles invariables de la brasserie germanique. Pour les Teutons, en-dehors du Reinheitsgebot, point de salut. Ainsi, la bière belge, par exemple, ne mérite même pas ce nom, car elle contient des trucs interdits comme, juste Ciel... du blé ou du sucre, ou de la levure ajoutée. Bah! La petite histoire continue ainsi: un an après la promulgation de ce fameux Édit de pureté de la race, un “indignado” du nom de Martin Luther, courroucé contre la bière de contrebande et contre la mauvaise gouvernance (pour causer moderne) dans l’Église catholique, lançait la Réforme protestante. Un petit détail méconnu de ce grand chamboulement politico-religieux est que le fourbe hérétique, emporté dans son zèle, est allé rajouter en douce une ligne à la prière de Notre Père dans la nouvelle version traduite par ses soins dans la langue du peuple. La manœuvre fut fort subtile, et personne n’y a vu que du feu pendant un long moment. Ainsi, depuis près d’un demi-millénaire, les Allemands protestants prient ainsi:
«Notre Père, qui es aux Cieux
[...]
Donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour
Et aux papistes, donne-leur des pains dans la gueule,
[...]
Amen.»
Les boulangers prussiens ont donc toujours été en première ligne pour démoraliser les ouailles papistes subversives, et en particulier parmi celles-ci, les blogueurs français. Voilà tout le contexte historique et culturel de l’histoire. Fin de la petite digression historique.
Sitôt rentré, je suis allé mander mon voisin Marco (*) pour lui conter, triomphal, l’heureuse nouvelle qui me transportait véritablement d’allégresse.
«Elle ne t’a pas dit “très bien prononcé”, elle a dit “très joliment prononcé”! rétorque-t-il d’un ton neutre, l’air de dire cut the crap, man.
– Comment ça?
– Oui, très joli, très mignon, elle a trouvé que ton accent français est très süß, normal quoi.
– Non, tu rigoles?
– Tu crois vraiment que la boulangère t’a félicité pour ta prononciation correcte de Weltmeisterbrötchen? Non mais n’importe quoi. Tu fumes un peu, non?
– Mais, mais... [trémolos] elle a dit... elle a dit... sehr schön, c’est pas rien!
– Attends, redis Weltmeisterbrötchen et Kürbiskernbrötchen pour voir?
– Ich möchte bitte ein Weltmeisterbrötchen und ein Kürbiskernbrötchen.
– LOL! Non, t’inquiète, t’es encore très mauvais.
– Cette langue de marde, diantrefoutre!!!»
Bon, au moins j’y aurai cru pendant une petite heure...
(*) Prénom modifié
Affreuses contrefaçons de bière - l'Allemand est formel: en Belgique, on ne boit que du jus de houblon. |
«Notre Père, qui es aux Cieux
[...]
Donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour
Et aux papistes, donne-leur des pains dans la gueule,
[...]
Amen.»
Les boulangers prussiens ont donc toujours été en première ligne pour démoraliser les ouailles papistes subversives, et en particulier parmi celles-ci, les blogueurs français. Voilà tout le contexte historique et culturel de l’histoire. Fin de la petite digression historique.
Sitôt rentré, je suis allé mander mon voisin Marco (*) pour lui conter, triomphal, l’heureuse nouvelle qui me transportait véritablement d’allégresse.
«Elle ne t’a pas dit “très bien prononcé”, elle a dit “très joliment prononcé”! rétorque-t-il d’un ton neutre, l’air de dire cut the crap, man.
– Comment ça?
– Oui, très joli, très mignon, elle a trouvé que ton accent français est très süß, normal quoi.
– Non, tu rigoles?
– Tu crois vraiment que la boulangère t’a félicité pour ta prononciation correcte de Weltmeisterbrötchen? Non mais n’importe quoi. Tu fumes un peu, non?
– Mais, mais... [trémolos] elle a dit... elle a dit... sehr schön, c’est pas rien!
– Attends, redis Weltmeisterbrötchen et Kürbiskernbrötchen pour voir?
– Ich möchte bitte ein Weltmeisterbrötchen und ein Kürbiskernbrötchen.
– LOL! Non, t’inquiète, t’es encore très mauvais.
– Cette langue de marde, diantrefoutre!!!»
Bon, au moins j’y aurai cru pendant une petite heure...
(*) Prénom modifié