Frohes neues Jahr! Bienvenue en 2011. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas cette expérience, voici à quoi ressemble Silvester, la Saint-Sylvestre made in Germany. C'est très simple et ça se résume en quelques mots : alcool et feux d'artifice. Ah, nos amis les Teutons sont parfois d'une émouvante simplicité. Ainsi, là où les Romains se contentaient de panem et circenses, pour les Allemands le must c'est böllern und trinken.
Laissons de côté la boisson : ce n'est un scoop pour personne que les Allemands aiment boire de grandes quantités de bière, et pour les jours de fête tels que le réveillon, de Rotkäppchen ("Petit Chaperon Rouge"), cette marque de "Sekt", des vins mousseux généralement bon marché, connue de tous ici et que certains ont l'insolence de comparer à du champagne, une telle remarque en présence de Français, incrédules et consternés, étant généralement le prélude à une discussion enflammée qui dégénère inévitablement en échange d'invectives, d'épithètes monosyllabiques et d'accusations graves sur les actions des aïeuls des uns et des autres entre 1933 et 1945. Le point Godwin est alors vite atteint et des amitiés sont sur le point d'être détruites à jamais, mais plutôt que d'en venir aux mains, l'on se rabiboche cahin-caha, les coupes de Sekt aidant, avant de la jouer de Gaulle / Adenauer puis enfin Mitterrand et Kohl à Verdun, reconstituant ainsi en accéléré des décennies de relations franco-allemandes en l'espace de dix minutes. Passons donc.
Ainsi, à Berlin comme dans le reste de l'Allemagne (je suppose), et d'ailleurs comme en Martinique mais à l'inverse de la France, un réveillon se fête dignement dans un maximum de bruit et une explosion de feux d'artifice d'amateurs. Il y a comme ça des points communs tout à fait inattendus entre l'Allemagne et mon île ensoleillée. Qu'il est beau de se sentir comme chez soi au plus profond de l'exil, au moment où l'on s'y attendait le moins.
Ne croyez pas que cela va de soi, dans un pays où l'ordre et la discipline sont les deux mamelles de la nation. Le législateur y a bien sûr mis son nez crochu et a très strictement défini le cadre dans lequel les manants peuvent faire mumuse avec le feufeu :
- avoir 18 ans révolus ou plus,
- interdiction de vendre des feux d'artifice avant le 27 décembre,
- interdiction absolue d'utiliser des feux d'artifice toute l'année du 2 janvier au 30 décembre,
- feux d'artifice autorisés du 31 décembre à 18h au 1er janvier à 1h dans certains secteurs, sinon, les deux jours entiers,
- limitation aux pyrotechnische Gegenstände der Klasse II, c'est-à-dire concrètement aux articles d'une énergie cinétique inférieure à 7,5 Joules (et qu'on ne vous y prenne pas à faire joujou avec du 8 Joules ou plus, si vous ne voulez pas avoir maille à partir avec la redoutable Feuerwerkspolizei).
Il est fort possible que la liste soit plus longue mais ces articles de droit en allemand sont des lectures assez arides. Et puis, vous avez compris l'idée. Dura lex sed lex. Mais alors, une fois que le bon peuple a le feu vert (haha) des autorités, il ne fait pas les choses à moitié. La ville devient une poudrière géante. Les vitrines des magasins disparaissent derrière des affiches et des bannières passablement répétitives dans le paysage urbain. La tension monte.
Hé ! Pssst ! On vend des Feuerwerk. Attention c'est un secret. |
"Bonjour, je voudrais un croissant, deux Mehrkornbrötchen et deux Kürbiskernbrötchen s'il vous plaît.
– Nous n'avons pas de pain aujourd'hui, mais nous avons des FEUERWERK !
– Euh, pardon ? C'est plus la boulangerie ici ? Hier encore...
– Si, si mais aujourd'hui et demain nous vendons uniquement des FEUERWERK !
– J'ai faim...
– Des FEUERWERK !!!
– OK merci quand même.
– Vous ne voulez pas de FEUERWERK ?
– Non j'aime pas le goût de la poudre. Au revoir.
– Dommage. Tschüß und guten Rutsch!"
Arrive le grand moment de la fête. L'on boit et l'on mange, l'on boit et l'on danse, l'on boit et l'on s'amuse (c'est une sorte de pléonasme), l'on boit et l'on boit. Les Français supportent comme ils peuvent l'absence de foie gras, de saumon, d'huîtres et de champagne. Même pas un petit blini tartiné au tarama à se mettre sous la dent. À la place, un vrai festin gastronomique : saucisses, Pringles, guacamole, bonbons Haribo, bière et bien sûr le Rotkäppchen. Nous autres les Français de Berlin, privés des vraies bonnes choses dont nos compatriotes font une indigestion chaque fin d'année, avons prévu un dîner de rattrapage spécial foie gras : nous n'en avons toujours pas eu !
À minuit, des centaines de milliers de Berlinois armés jusqu'aux dents sortent dans les rues, bravant le froid et la neige, pour faire en quelques heures tout le bruit qu'ils ne pourront pas faire pendant le reste de l'année. J'ai bien observé et je suis formel : les fêtards lançaient leurs pétards avec ordre et discipline, avaient tous 18 ans révolus et aucun explosif ne dépassait le seuil énergétique légal de 7,5 Joules... ou pas. En fait c'était plutôt un grand défoulement collectif. Quand les Allemands se lâchent, ils y vont à fond et il n'y a pas Ordnung qui tienne. Ça y va toute la nuit. Des pétards étaient parfois lancés directement sur les façades des immeubles ou vers les voitures, et on a eu à déplorer quelques cheveux brûlés et quelques manteaux partiellement carbonisés. Mais en général l'ambiance reste tout de même bon enfant.
Expérience qui prouve que la neige berlinoise, c'est du solide :
Explosion de joie dans une rue de Friedrichshain :
Le 1er janvier, c'est l'heure du bilan. La ville se réveille avec une gueule de bois effroyable. Les rues sont incroyablement sales, presque comme à Tyr. Les restes de pétards et de feux d'artifice de toutes tailles jonchent les trottoirs, éparpillés dans la neige, et mêlés à d'autres débris : bouteilles entières ou cassées, gants ou bonnets perdus, allumettes et briquets, sans parler des crottes de chien (qui n'ont rien à voir avec le réveillon mais qui restent là, cryogénisées sur les trottoirs de décembre à mars), et des couches d'immondices divers destinés à sédimenter sur la voie publique jusqu'à la fonte des neiges et à la reprise du nettoyage des rues. C'est cher payé pour une nuit d'ivresse. Allez hop, vite une bonne tempête de neige et que tout ça "disparaisse" de notre vue !
Bonne année 2011 à toutes et à tous !
La bouteille, c'est du Rotkäppchen bien entendu |
Hahahaahahah! Bon sang, je n'ai pas encore vécu MAIS ton post me donne envie de mettre ça au programme de l'année prochaine. Ceci dit au passage, j'adore ton humour, tes billets valent leur pesant de cacahuètes. Tu continues comme ça, ok? (Ceci est une demande amicale. Une supplique. Une prière. Zenfin bref). Bonne année 2011 à toi aussi!
RépondreSupprimerHey!!
RépondreSupprimerpareille pour moi,j'M, j'adore, je suis, je lis...etattendais impatiemment ce nouveau post!!
Pauline on lui fait plus de pub pour cette nouvelle année????
encore plus d'humour, bcp plus de commentaires, et de critiques efficaces!
dans l'attente de tout ça,
je t'embrase, je l'embrasse et vos souhaite une très, très bonne année 2011!
Mon Dieu du simple, du vrai, de l'authentique...et de la santé et beaucoup d'amour à tous!!
Bonjour et bonne année ! Nous avons eu notre baptême de Feuerwerk cette année et le b. dépassait laaargement tout ce que l'on avait imaginé --- c'était assez euphorisant. On avait l'air de petits joueurs avec nos pov' munitions... mais nous on avait du foie gras ;-)
RépondreSupprimerMerci pour les chroniques et belle année berliniquaise.
PS. et pour connaître le Liban, je confirme le parallèle avec Tyr :-)
Bonjour Pauline, Sophie et Marie, merci pour vos commentaires. Bonne année à vous. Pauline, oui l'an prochain fais-toi un Silvester sympa à Berlin, mais pense à être aussi bien préparée Marie car le foie gras ça manque ici ! Et pourquoi pas toi aussi Sophie :-)
RépondreSupprimerJe ferai de mon mieux avec le blog cette année bien sûr !
Beau reportage! Je confirme: c'est partout pareil en Allemagne, j'ai vécu la même chose à Munich. défoulement, pétarade incroyable et ville dégueulasse le lendemain.
RépondreSupprimerCa a fondu chez vous aussi?
Ah, la confirmation que j'attendais ! Effectivement, plus de neige à Berlin. Et ironie du sort, je peux plus faire de vélo ces jours-ci car j'ai un peuneu crevé. Je te parie que dès que je l'aurai réparé, on aura à nouveau 20 cm de neige !
RépondreSupprimerC'était pareil pour moi, mais j'ai pu regonfler le vélo et même l'utiliser avant le retour de la neige... Hier.
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