mardi 29 mars 2011

Flâneries printanières à Paris


Aéroport de Roissy Charles de Gaulle : la Patrie accueille à bras ouverts ses enfants prodigues. "Bienvenue en France !" L'émigré de retour, pour une visite forcément trop brève, écrase furtivement une larme d'émotion sur sa joue, laisse passer les derniers passagers débarqués de son avion en provenance de l'étranger, afin de baiser le sol parfumé de son beau Pays à l'abri de leurs regards. Le patriotisme trop démonstratif en public, il vaut mieux laisser ça pour la coupe du monde de foot (avant le premier match des Bleus en tout cas...). Même les acariens de la moquette du terminal 2F m'ont paru particulièrement affectueux et fraternels. Quoi qu'il en soit, ils ne m'ont refilé aucune maladie ou allergie, et je leur en sais gré.



Gare RER "Aéroport de Roissy-Charles de Gaulle 2 TGV". On se sent tellement vite chez soi à Paris. Un inconnu m'accoste dans le RER, insinue que je suis son "cousin" et s'enquiert de savoir si j'ai une cigarette. Dans quelle autre ville au monde, moins de quinze minutes après avoir débarqué, rencontrerais-je ainsi un proche parent manifestement perdu de vue, qui voudrait me confisquer mes cigarettes afin de m'empêcher de fumer ? En l'occurrence, ce cousin bienfaiteur en a été pour ses frais, puisque je ne fume pas.

Dans le métro : je me rappelle encore les pubs que j'entendais à la radio, à Paris, vers 1999-2000 : "Wall Street Institute, c'est 6 centres à Paris, Wall Street Institute, 0-800-300-000". Depuis cette époque lointaine où je n'avais même pas d'adresse e-mail, le nombre d'antennes de l'Institut de la Rue du Mur a augmenté de manière phénoménale, au point d'être sur le point de dépasser le nombre de McDo dans la ville, semble-t-il à vue de nez. Quant aux affiches publicitaires pour Wall Street Institute dans le métro, elles sont devenues aussi omniprésentes que les musiciens roms et font désormais partie du paysage. Pourtant, malgré une telle prolifération, mes amis étrangers continuent de soutenir qu'ils ont du mal à communiquer en anglais avec les Français qu'ils rencontrent. Comment est-ce possible si tout Paris apprend le "Wall Street English" ? Soit mes amis mentent, soit il y a encore du pain sur la planche. Au passage, je me suis toujours demandé comment ils font, au Wall Street Institute, pour se targuer de "97% de Succès, Résultats Garantis Par Contrat", avec leur manie agaçante de mettre des majuscules partout, à l'américaine. Est-ce à dire que les 3% qui échouent, une constante invariable depuis que le monde est monde est que le Wall Street Institute en fait partie, avaient prévu leur échec par contrat eux aussi ?

Le printemps est déjà là, au boulevard Arago, le 5 mars. Trois semaines plus tard, Berlin attend toujours ses premières fleurs... Mais elles ne devraient plus tarder !



Un bref instant de quiétude est toujours bon à prendre, à la rue du Prévôt. On arrive à s'imaginer que l'on est transporté dans le Paris du temps des Fermiers Généraux, si l'on parvient à faire abstraction de l'incessant vacarme motorisé de la rue de Rivoli juste dans notre dos.



Juste à la sortie du métro Saint-Paul : un gentil buraliste nous informe par avance, en pesant ses mots, qu'il ne faut pas le confondre avec l'office du tourisme. C'est sûr que tous ces touristes qui demandent leur chemin, c'est insupportable. Ah les Parigots grincheux ! Ils valent parfois leur pesant de berliner Schnauze. Cette inclinaison à envoyer naturellement balader les gens doit être un trait de caractère inné aux rejetons des capitales, développé après des siècles de sélection darwinienne dans l'univers impitoyable et inhumain des grandes villes.



Comme je disais plus haut, j'ai fait cette promenade printanière début mars. À l'époque, il était tout à fait normal de s'extasier devant la moindre fleur. Ici, la rue Charlemagne. En fait je viens tout juste d'apercevoir le même type de buisson en fleurs à côté de la gare d'Ostbahnhof. Il y a aussi trois crocus et deux narcisses qui se battent en duel au Volkspark Friedrichshain. Ça arrive, ça arrive !



Métro Les Gobelins. Je n'en peux PLUS de ces bouches de métro inutiles où l'on ne peut entrer que si on s'est préalablement "muni de billets" ! Il semblerait que, depuis que je ne vis plus à Paris et n'ai plus de Pass Navigo, je tombe en permanence sur ses entrées de station qui ne servent à rien, et où je me fais refouler plus sûrement qu'à la porte du Berghain. Quand la RATP se décidera-t-elle enfin à installer des automates à tous les accès des stations du métro ?



Un ciel bas et gris, une ligne de tram, un grand boulevard froid et venteux, des entrepôts, du béton à perte de vue, de grandes barres d'immeubles broyeuses d'âmes. Friedrichshain ? Non. Reinickendorf ? Sûrement pas. Marzahn ? Non plus : le boulevard Masséna, juste à la sortie du métro Porte d'Ivry. Quand on arrive de Berlin, on apprécie différemment la laideur urbaine.



Un parc interdit aux chiens ! Pauvres bêtes. Le peuple canin de Paris devrait se révolter afin de gagner les mêmes libertés que ses homologues berlinois...



Un instant de répit à la Cité de Trévise. Il y a encore des recoins où l'on goûte un peu de solitude comme dans les rues calmes de Berlin.



Pont Marie. Dis, Wowi, ça te dirait pas de faire construire d'aussi chouettes ponts à Berlin, par exemple au-dessus du Landwehrkanal ou autour de la Museumsinsel ? Tu pourrais inclure cette proposition dans ton programme électoral, et qui sait, peut-être aurais-tu une chance face à Renate Künast lors du scrutin en septembre. Ne viens pas pleurer quand tu ne seras pas réélu...



Expo Christian Dior au Bon Marché. Cet établissement porte l'un des noms les plus ironiques et mensongers de l'histoire de l'humanité, ex æquo avec la République Populaire Démocratique de Corée (du Nord s'entend). Mais bien que je n'aime guère les magasins, le shopping et encore moins le lèche-vitrines, je me suis laissé aller à lorgner longuement les produits de luxe que je ne suis pas près de m'offrir. À la recherche d'un cadeau pour un mariage, j'ai admiré pendant de longues minutes, avec la ferveur d'un fétichiste, des chaussures à talons de hauteurs vertigineuses et de prix stratosphériques. Si les mêmes existaient pour hommes, Sarkozy pourrait les porter et regarder Michael Jordan droit dans les yeux. J'ai lu quelque part que les chaussures à talons aiguilles sont les corsets du XXIème siècle ; la comparaison est loin d'être exagérée quand on prête l'oreille aux souffrances de certaines lorsqu'elles chaussent leurs voluptueuses échasses. Mais que ne feraient ces dames pour être belles !

Au moment où je prenais cette photo (et beaucoup d'autres au Bon Marché), au début du mois, la maison Dior était dans la tourmente, John Galliano était démasqué comme réincarnation d'Hitler, des vidéos de cette improbable interview de Françoise Dior se répandaient sur le net pour enfoncer le clou et convaincre les derniers incrédules avec l'argument ultime ("chez Dior, c'est tous des nazis, la preuve"), et le Tribunal Correctionnel de Paris était donc prestement désigné comme le lieu où se tiendra le prochain procès de Nuremberg, le 12 mai prochain. Gageons que le félon à l'œil torve sera condamné à une peine symbolique et que de tristes sires de l'UMP lui dérouleront aussitôt le tapis rouge pour défendre la "liberté d'expression" et grappiller encore quelques voix pétainistes à peu de frais (simplement en piétinant la justice, en fait) comme ils ont fait avec Zemmour. Mais mon petit doigt me dit que non : l'antisémitisme de grand-papa, c'est vraiment très grave et ça ne fait plus gagner de voix. Quel loser ce Galliano ! Il aurait pu faire une mauvaise blague sur "les noirs et les Arabes" par exemple, et tout serait vite rentré dans l'ordre. En plus il se serait fait plein de nouveaux copains et aurait été promu héraut de la liberté d'expression contre le poison de la "bien-pensance". Bouh le nul. Allez, poubelle. Pour revenir à la robe, plus précisément une "robe de tulle de soie, printemps-été 2004" (oui, j'ai pris des notes), la question qui me taraudait était : c'est joli, mais combien de fois ces robes sont-elles portées ? J'avoue, je n'y entends pas grand chose à la haute couture.

À propos de mode, GQ France, avec Jean Rochefort en couverture, nous interpelle, se demande sur les panneaux d'affichage si nous sommes "si mal sapés" et promet "la vérité sur le style français". Cher Monsieur GQ, j'ignorais que les Français étaient mal habillés et je ne sais pas ce que tu entends par là, car je n'ai pas succombé à ton titre racoleur, ni acheté ton numéro. Cependant, quand tu auras fini de t'occuper des Franchouillards mal fagotés, pourras-tu te pencher sur le chevet des Allemands et de leurs habitudes vestimentaires qui font mal aux yeux ? Il y a vraiment une urgence humanitaire.

Les Berlinois doivent attendre jusqu'à la mi-mai avant de voir arriver les premières fraises de Werder sur les étals. Partant de ce constat, je n'ai pas pu résister à l'appel des premières garriguettes de l'année, à 21,90€ le kilo à la rue St-Antoine ! Une jolie fortune, mais ces fraises précoces ont tenu leurs promesses.

J'espère ne pas vous avoir ennuyé avec ces banalités, mais lorsqu'on revient à Paris après y avoir vécu près de dix ans, chaque petite chose, chaque instant, est pratiquement une madeleine de Proust !

8 commentaires:

  1. Bonjour!
    Moi ce qui me frappe quand j'arrive à l'aéroport à Paris, c'est que pour trouver les toilettes, il n'y a pas besoin de chercher, on les trouve... au nez!
    J'avais raté cette affirmation sur le racisme et antisémitisme, merci.

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  2. Bonjour JvH ! Héhé, c'est vrai qu'ils ne sont guère propres les aéroports de Paris. Mais tu devrais utiliser ton sens de l'odorat bien développé pour te remplir les poumons de senteurs printanières à la forêt !

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  3. Enfin une chronique parisienne!
    Elle est jolie mais manque de mélodie...
    Les modèles exposés au Bon marché sont les modèles des défilés qui ont été portés par les mannequins et sont prêtés par la maison.
    Si ces modèles-ci ne sont portés qu'une fois, le Modèle est taillé sur mesure (quand même!) à la demande...en général par des femmes qui laissent entrevoir leur regard et qui sont toutes de noir vêtues!
    Il n'est pas tout à fait à côté de ses talons aiguilles le John quand il fait des blagues!(quand même!)

    tchuss

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  4. Eh oui chère Andrea, je suis d'accord que ça péchait un peu du côté de la mélodie... Tu es bien calée en mode dis donc ! merci d'avoir éclairé ma lanterne. Bonjour de Dresde ! Jolie ville mais il ne faut pas t'attendre à une chronique spéciale... à moins qu'un événement imprévu significatif ne se produise bien sûr !

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  5. Oui j'aime bien intervenir sur tes thèmes girly en général... que tu remets bien dans une perspective sociétale bien moins rose.
    Oui,tu fais ça très bien.
    J'attends en effet une chronique spéciale, plus romantique que mélodieuse, la nôtre...celle que je t'avais proposée et je ne désespère pas de mener ce projet à terme. y tu?
    En tout cas profite bien de Dresde et je te souhaite de vivre un évènement impévu et très significatif qui ne pourra jamais donné lieu à une chronique!

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  6. Non, ne désespérons pas, le moment viendra et puis je n'oublie pas ce genre de choses. J'avais une autre idée, je t'en parlerai...
    Bonne nuit chère Andrea !

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  7. Bonjour,
    chouette chronique!
    ...et chouette blog!

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  8. Bonjour Cess ! Bienvenue aux Chroniques et merci pour ton commentaire sympa ! C'est cool que les lecteurs disent bonjour de temps en temps :-)

    Passe un bon dimanche !

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Un petit bonjour ?

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