jeudi 8 septembre 2011

Heidi sur vos écrans

C’est comme une étrange malédiction, un ensorcellement diabolique qui guette tout voyageur non averti lors de son exploration des contrées latino-américaines. Je ne parle certes pas de la redoutable malédiction inca à laquelle Tintin parvient à échapper in extremis dans Le Temple du Soleil. Non, pis que cela. La «maldición alemana», c’est ce maléfice carrément flippant qui fait que, quel que soit le pays d’Amérique Latine où vous élirez de passer vos vacances, l’Allemagne vous collera aux basques. Et de préférence, le pire du pire de l’Allemagne, sinon ce ne serait pas drôle. «Non mais il divague complètement, le malheureux. Le soleil mexicain lui a trop tapé sur la tête ou alors il a abusé de mezcal, ou les deux», dites-vous, sceptiques. Que nenni, j’ai encore toute ma tête. Les preuves de ce que j’avance sont nombreuses. Et accablantes.

Buenos Aires, mai 1960. Isser Harel, citoyen israélien sans histoire, effectue un séjour linguistique sur les rives du Río de la Plata et profite, depuis quelques semaines, de la douceur de vivre incomparable du «Paris de l’Amérique du Sud». Mais la malédiction ne tarde pas à frapper : un soir, entre deux cours de tango, le voilà qui tombe nez à nez avec un expatrié teuton qui n’est autre qu’Adolf Eichmann, le fuyard SS le plus activement recherché à l’époque ! Heureusement pour lui, M. Harel était également chef d’un commando du Mossad, et son équipe d’agents secrets n’était pas loin derrière. L’affreux nazi est promptement maîtrisé, capturé, et envoyé incognito en Israël. Bref, vous voyez un peu le topo : pas moyen de se prélasser en Argentine sans tomber sur des fadas du Führer toutes les cinq minutes. Peut-être la malédiction est-elle plus féroce en Argentine et ses effets se font-ils moins fortement sentir ailleurs, direz-vous. Pas si sûr.

Parral (centre du Chili), décembre 2010. Glen Recourt, journaliste, savoure la douceur de l’été austral dans un coin paradisiaque et paumé du Chili, et fait une halte dans un grand domaine verdoyant, la Villa Baviera. Pas de chance pour lui, ce lieu enchanteur fut le cadre de toutes sortes d’horreurs commises à l’abri des regards, dans une secte fondée par des émigrés allemands pas nets du tout après la guerre, la tristement célèbre Colonia Dignidad. Société néo-nazie, culte sectaire, pédophilie, eugénisme, maltraitances diverses, tortures sous Pinochet... tous les crimes du XXème siècle y ont été commis. Qui sait ce qui s’est passé dans la coquette chambre où vous y êtes hébergé ? Bref, vous commencez à saisir. Flippant hein ? Peut-être les mauvaises ondes teutonnes se concentrent-elles dans l’hémisphère Sud, et le climat est-il moins délétère au nord de l’Équateur, vous entends-je suggérer. Peut-être, mais rien n’est moins sûr.

Mexique, septembre 2011. Un blogueur berlinois crapahute gaiement dans les montagnes du sud du pays, avec pour seuls compagnons son fidèle Lonely Planet, quelques touristes rencontrés au hasard de ses pérégrinitudes, et une douzaine de millions de moustiques. Les journées sont intenses mais éreintantes. Les nuits sont courtes, chaudes, moites, et pas les plus reposantes qui soient. Le matin, pour s’extraire plus facilement du lit et attaquer le programme de la journée, il allume la télé en appuyant machinalement sur la télécommande, et est violemment tiré de sa somnolence par un hurlement féminin aboyé dans la langue de Goethe. «Auf Wiedersehen!», entend-il beugler dans ses tympans, avant qu’un rire d’Érinye propre à glacer le sang ne monte en saccades démentes du poste cathodique. Enfer et damnation ! Passé le premier réflexe de s’enfouir précipitamment sous les couvertures, il jette un œil craintif et incertain vers l’écran, et ce qu’il y voit confirme ses pire craintes. La voilà ! Pas de doute, c’est bien elle. Elle ne le laissera donc jamais en paix ! Certes, elle n’est ni Adolf Eichmann, ni Paul Schäfer, le gourou pédophile fondateur de la sinistre Colonia chilienne de triste mémoire. Mais l’aura maléfique qui se dégage de sa personne ne la place pas trèèèès loin de ces deux affreux criminels dont les fantômes hantent encore le continent. ELLE, si vous ne l’avez toujours pas deviné, c’est :

HEIDI KLUM ! Aaaaaaarghhh !

¡Caramba! La maldición alemana a encore frappé. Ainsi, j’ai été tiré du lit, dans la torpeur de l’aurore mexicaine, par un Auf Wiedersehen sadique que Heidi Klum adressait, son habituel rictus carnassier sur les lèvres, à une candidate malheureuse et éplorée de la 8ème saison de l’émission de télé-réalité américaine «Project Runway». Heidi Klum, c’est cette gorgone blonde qui, depuis qu’elle n’a plus sa place sur les catwalks, ayant atteint la date de péremption de 29 ans en vigueur dans la profession, se consacre corps et âme à son entreprise systématique de destruction physique et mentale de promotions entières d’adolescentes allemandes, jolies et naïvement impressionnables, qui cherchent à briller coûte que coûte et à se faire une place dans cette société du superflu et du paraître, dans l’émission Germany’s Next Top Model, que l’on pourrait tout aussi bien nommer Germany’s Next Fifty Devastated And Fucked-Up Anorexic Teenage Girls, mais ce serait un chouïa moins vendeur.

Heidi et la "socialite" Nicky Hilton
La comtesse Élisabeth Báthory, ça vous dit quelque chose ? C’est cette aristocrate hongroise diabolique qui, à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème, a fait capturer, assassiner et saigner à mort des centaines de paysannes slovaques sur son domaine, persuadée qu’elle était que des bains réguliers dans le sang de vierges lui permettraient de rester éternellement jeune et belle. Ses aimables expérimentations ont alimenté une abondante littérature, dont le film allemand Die Gräfin (La Comtesse), sorti il y a un an ou deux. Ah, les produits de beauté, c’était mieux avant ! Quatre siècles ont passé, les mœurs ont tout de même un peu évolué, et essorer des paysannes vierges, même Slovaques, pour se baigner dans leur sang, ce n’est plus très bien vu en société. Heidi Klum a trouvé une parade astucieuse : humilier cruellement des dizaines d’ados allemandes chaque semaine jusqu’à ce qu’elles pleurent toutes les larmes de leurs corps, recueillir secrètement toutes ces larmes et en faire des bains chauds et bouillonnants dans son jacuzzi de Blankenese, la banlieue jet-set boisée de Hambourg. Voilà enfin révélé le secret de sa beauté ensorcelante.

C'est marrant, elle a presque un air de Julia Roberts ici
Bref, à 10.000 km du premier poste de télé susceptible de recevoir la chaîne Pro-Sieben, la surprise et la consternation sont donc de taille à la vue de cette crinière blonde familière et de ces pommettes saillantes reconnaissables entre toutes. Pourtant, cela fait déjà des années que Heidi éconduit des aspirants stylistes malheureux de son Auf Wiedersehen glacial sur les chaînes américaines. Ici, il n’est plus question de pousser des adolescentes confuses à l’anorexie, mais de faire le tri entre des créateurs de mode avides de reconnaissance et de célébrité, jusqu’à désigner le Grand Vainqueur, qui triomphera d’un certain nombre d’épreuves passionnantes comme, dans l’épisode d’aujourd’hui, dessiner une robe pour Mademoiselle Sœurette, la «socialite» Nicky Hilton, afin que ce soir elle soit la plus belle-eu pour aller danser-hé-é-é. (si j’ai bien compris, le terme anglais socheulaïte n’a rien à voir avec la politique, en revanche il rime joliment avec parasaïte, allez savoir s’il y a un lien).

Scoop ! Heidi est enceinte ! A-t-elle des envies de
fraises lorsqu'elle envoie son Auf Wiedersehen ravageur?
Hélas, dans la mode comme pour le Salut, il y a beaucoup d’appelés mais peu d’Élus, disais-je tout récemment, à titre étrangement prémonitoire. À chaque épisode, diffusé au Mexique sur la chaîne E!, deux Auf Wiedersehen cruels ponctuent l’émission dès lors qu’un(e) candidat(e) est éliminé(e). L’injonction est suivie d’un rire sardonique qui résonne plusieurs secondes, pendant lesquelles Heidi actionne un levier qui ouvre une trappe sous les pieds du candidat malchanceux. Celui-ci ou celle-ci est alors engouffré(e) et consumé(e) directement par les flammes de l’Enfer. À moins qu’il ne s’agisse du four crématoire portatif perso d’Heidi, allez savoir.

Auf Wiedersehen!

Pour  vous remercier d’avoir tenu jusqu’au bout, une ch’tite photo de la cathédrale Saint-Dominique d’Oaxaca.

Les nuits dorées d'Oaxaca

2 commentaires:

  1. Je déteste Heidi Kluuuuuuuuuuuuum je la hais je la hais je la hais, elle est à boicotter tt comme Katty Perry et la femme de Beckham Beurk! :-) Ton billet m'a bien plu en tout cas !

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  2. Merci de venir en renfort, Little Cat. Disons non à la dictature de ces affameuses d'adolescentes confuses qui sont même pas capables de donner des noms normaux à leur progéniture, preuve s'il en est qu'elles haïssent les enfants et les humains en général!

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Un petit bonjour ?

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