mercredi 19 octobre 2011

Occupy the Reichstag (révolution d’Octobre)

Samedi 15 octobre vers 18h à Berlin

Q : Quel est le point commun entre le mouvement Occupy Wall Street et les semblables d’Alessio Rastani, ce «trader freelance» parfaitement inconnu jusqu’à une interview choc qu’il a accordée à la BBC fin septembre au cours de laquelle il a fait avaler son oreillette à une journaliste chevronnée à l’irréprochable diction oxfordienne ?



R : Eh bien ces deux groupes, que tout semble opposer, s’accordent sur le constat que les banques jouissent d’un pouvoir considérable. Pour reprendre les mots du trader gominé, elles «gouvernent» le monde. Mais alors ce dernier semble s’en accommoder parfaitement, cet état de fait est précisément le nœud d’un problème inacceptable aux yeux des contestataires (et on les comprend).

Samedi 15 octobre, à Berlin comme dans plusieurs autres villes allemandes, et plus de 900 villes à travers le monde, une grande manifestation solidaire avec le mouvement Occupy Wall Street a été organisée. Pourtant, avec un taux de chômage tombé sous la barre des 7% cette année, le pourcentage le plus bas depuis la réunification, l’Allemagne ne constitue pas, à première vue, le terreau le plus fertile à ce mouvement de contestation du capitalisme financier, qui n’a pas provoqué les mêmes dégâts qu’en Irlande, aux États-Unis ou en Grèce. Mais il faut bien dire que les Berlinois ont la manif’ facile, et ne sont pas du genre à se faire prier pour descendre dans les rues et agiter des pancartes. Manifester contre les aires de survol aérien du futur aéroport ou contre l’autoroute A100, contre le nucléaire ou contre les industries polluantes qui émettent trop de «Céodeux», contre le pape ou contre les anti-papes, ou alors contre les anti-papophobes, contre les «nazis» ou contre les néo-anti-nazis, contre les «violences» policières et contre les viols, contre les mosquées ou contre l’homoxénotransphobie... Quel que soit le mouvement de protestation dans l’air du temps, quelque part dans le monde, il se trouvera toujours des groupes pour y faire écho dans la capitale allemande, comme si le Berlinois avait besoin de se trouver une caution idéologique pour aller se promener par une belle journée d’automne. J’exagère ? Pas si sûr. Après tout, ce n’est pas moi qui ai soufflé sa réplique à Jessica B., qui a répondu lors d’un micro-trottoir : «I think it’s good. I’m for protests of every kind. [...] It’s good that the western world is beginning to protest against something though.» Édifiant.

Cependant, ce serait injuste de tout mettre sur le compte d’un engouement local pour la contestation en général. Selon la presse, environ 10.000 personnes se sont déplacées à Berlin pour exiger un monde plus démocratique, où ce sont les peuples et leurs émanations légitimes (les gouvernements) qui décident, pas des institutions financières opaques et soucieuses de profits à court terme. Le fait qu’un tel message mobilise autant dans un pays à l’économie prospère et qui ne souffre pas directement des problèmes dénoncés ne fait que renforcer le message de ras-le-bol mondial.

Voici quelques photos pour traduire l’ambiance devant un Reichstag rougeoyant ce samedi, à l’heure du coucher du soleil.

De toute évidence, de nombreux manifestants on préféré venir à vélo, les risques pesant sur le métro et le S-Bahn étant encore trop lourds après une semaine d’alertes à la bombe dans la ville.



Le masque devenu emblématique de la contestation :


Autre slogan déjà emblématique du mouvement Occupy Wall Street, et le journal qui va avec.



Quelques contestataires ont tenté de camper sur les pelouses du Reichstag, mais ont été promptement délogés par la maréchaussée dans la soirée. Après tout, lesdites pelouses sont l’un des rares endroits de la ville où il est strictement interdit d’organiser des barbecues, alors le camping, pensez-vous... Le tableau d’école dit : «Nous sommes votre dernière crise».


Yes We Camp! Zeltstadt Berlin (un jeu de mots sur Weltstadt, «ville d’envergure mondiale», et Zelt, «tente»). Oh, oh, oh, mais qu’est-ce qu’on s’marre.




«Ceux qui changent le monde sont ceux qui s’en croient capables». Ce n’est pas faux dans le fond. Comme de dire qu’au loto, 100% des gagnants ont tenté leur chance.



«Nous sommes le peuple : ça ne vous rappelle rien ?» Wir sind das Volk est resté l’un des slogans marquants des protestations de masse en RDA en 1989, celles qui ont fait chuter le régime socialiste de Honecker. Rappel salutaire.



Les mouvements apparentés aux partis communistes étaient très présents, surfant sur la vague de mécontentement populaire et récoltant des soutiens à peu de frais.



Une manif’ à Berlin sans femme nue au regard dément n’est pas une vraie manif’! Certaines se prendraient presque pour la Liberté de Delacroix.




«Assez payé les pots cassés» dit (en substance) cette pancarte rageuse.




«Qu’est-ce qui est pire : dévaliser une banque, ou en fonder une ?» C’est vrai que la subtilité, c’est bien, mais point trop n’en faut.



«La solution : partager les ressources mondiales». Je me méfie toujours quand des Allemands lancent un mouvement d’«occupation» et s’empressent de trouver des «solutions». Oui je sais, elle était trop facile celle-là, mais c’était plus fort que moi !



J’ai parlé à ce monsieur et je peux témoigner qu’il n’était pas grec. C’est la solidarité qui s’exprime ici et pas le chacun-pour-soi.



«Votr€ drogu€ n€ fait plus d’€ff€t»«Et maintenant, ça cogne». Allons donc. Sont-ce des menaces, jeunes gens ?

Ah, une autre tarte à la crème présente à chaque manifestation à Berlin cette année... c’est qu’on se serait presque inquiété de son absence jusqu’ici !


Tiens, revoici notre jeune contestatrice qui n’a pas froid aux yeux... Avant que vous ne me clouiez au pilori pour atteinte à la personnalité de cette jeune dévêtue, sachez que le journal Stern a fait bien pire sur son édition en ligne !



Un grand sit-in devant le Reichstag au crépuscule. L’ambiance était vraiment bizarre. Des meneurs hurlaient des slogans et la foule devait répéter. Ceux qui bavardaient se faisaient rabrouer sans ménagement. L’analogie avec une sorte de messe noire anti-capitaliste n’est pas exagérée.



Comme je disais tout récemment à un ami : il est difficile de croire que ces manifestations de hippies et d’excentriques dénudés changeront la donne. Mais quand on y pense, lorsque les manifestations contre le régime ont débuté en Tunisie, j’ai mis longtemps à croire qu’elles avaient une chance de renverser la dictature, et elles y sont parvenues. L’avenir nous le dira. En tout cas, c’est peut-être une banale coïncidence, ou alors un signe du destin, mais deux jours après les manifestations, la redoutable banque Goldman Sachs, grand bénéficiaire de la déréglementation financière à tout crin et très critiquée pour son rôle dans la crise actuelle, a annoncé un résultat dans le rouge au troisième trimestre de cette année : la banque a enregistré une perte de 428 millions de dollars, sa deuxième perte depuis 1999. Comme quoi, même Goldman ne gagne pas à tous les coups...

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