jeudi 8 mars 2012

Sales porcs phallocrates !

L’autre jour, alors que je prenais connaissance des dernières conneries infos vachement importantes publiées sur la page de discussion d’un forum de Français à Berlin dont je suis membre, voilà-t-il pas que je tombe sur un ce lien posté par un autre membre, claironnant sous les vivats de la foule en délire, le scoop suivant : «Allemagne : Une pasteure en couple avec une secrétaire d’État annonce sa grossesse [Munich And Co, Bild]». Comme si cela ne suffisait pas, une courte dépêche enfonce le clou, au cas où, comme moi, vous auriez naïvement cru à une faute de frappe multiple dans le titre :
“Eli Wolf, 46 ans, pasteure protestante à Francfort, et Marlis Bredehorst, 55 ans, secrétaire d'Etat à la Santé du Land de Rhénanie du Nord-Palatinat, du parti écologiste allemand (die Grüne), en couple depuis 1997, attendent un enfant, ont-elles annoncé à Bild. Et, expliquent-elles, cette annonce a été saluée par des félicitations jusqu'au sein de leur église. Sur Munich and Co [fr] et Bild [de].
À la vue de cette horreur contre-nature, mon sang n’a fait qu’un tour. Oui, chers gens, vous ne le saviez peut-être pas, mais j’ai, et j’assume, mon côté conservateur-tradi-old school. Je le cultive comme mon petit jardin secret, mon dark side rien qu’à moi. C’est comme ça, on ne se refait pas. Et j’ose même espérer que certains d’entre vous feront preuve d’un minimum de bon sens et partageront sans réserve mon avis : que deux femmes autour de la cinquantaine décident d’avoir un bébé ensemble, soit, parfait, très bien, rien à redire, il faut vivre avec son temps, et touça touça, mais alors oser écrire «une pasteure» !!! Aaaaarrrrrggghhhh ! Naaaaoooonnnn ! Pitié ! Assurément, implorai-je le Ciel avec la ferveur qui sied à l’intégriste aux abois, il existe un enfer pour châtier dans d’éternels tourments les coupables de péchés aussi ignobles contre la langue de Molière !


C’est la réponse cinglante que j’ai voulu faire à l’auteur de ce post (qui, au passage, était bien un auteur, et pas «une auteure») afin de le couvrir de ridicule dans un forum franco-berlinois que je transformerais volontiers en pilori. Mais j’ai réussi à maîtriser in extremis mes spasmes de dégoût et j’ai lâché l’affaire. Ce n’était pas le sujet du débat ; d’ailleurs, au passage, il n’y a pas eu de débat. La nouvelle de cette grossesse n’a pas fait de vagues sur le site. Et puis, bien entendu, je suis au courant qu’il existe cette tendance vers la féminisation de nombreux termes, en particulier les noms de profession.

À titre personnel, je suis contre ce développement et préfère éviter ces néologismes, que je trouve en général moches et grammaticalement illogiques, mais je ne puis empêcher la langue d’évoluer et de se moderniser, comme elle l’a toujours fait depuis des siècles, quoi qu’en disent les ronchons (parmi lesquels je me compte) bataillant vaillamment à l’arrière-garde des évolutions linguistiques. Tiens, d’ailleurs, à propos de «quoi qu’en disent» et de Molière, c’est bien ce dernier qui, dans Les Femmes savantes (donc encore une histoire de bonnes femmes), raillait copieusement ces pédants qui s’arc-boutaient aux archaïsmes préconisés par le grammairien Vaugelas, en particulier dans cette fabuleuse scène du «quoi qu’on die» (Acte III, scène 2). «Quoi qu’on die» est la version ancienne de «quoi qu’on dise», et son emploi était déjà désuet à l’époque du sieur Poquelin, qui en a fait un symbole de la cuistrerie de ces érudits auto-proclamés qui proliféraient déjà parmi ses contemporains.
“PHILAMINTE
Faites-la sortir, quoi qu'on die:
Que de la fièvre on prenne ici les intérêts:
N'ayez aucun égard, moquez-vous des caquets,
Faites-la sortir, quoi qu'on die.
Quoi qu'on die, quoi qu'on die.
Ce quoi qu'on die en dit beaucoup plus qu'il ne semble.
Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble;
Mais j'entends là-dessous un million de mots.
Ainsi, si Molière revenait parmi nous, sans doute moquerait-il tout aussi cruellement les grincheux qui protestent et résistent aux courants modernisateurs de la langue avant de s’en retourner rôtir en enfer comme il mérite. De toute façon, le français n’a pas attendu la vague de féminisation des noms pour tolérer un grand nombre de termes pas follement élégants. Franchement, vous trouvez qu’un mot comme «bouilloire» sonne particulièrement bien à l’oreille ? Et même «grossesse», d’ailleurs, n’est pas le terme le plus musical qui soit. Sans parler des innovations sémantiques comme «implémenter», «proactif», «réceptionner» et toutes ces horreurs qui enjolivent mon quotidien au bureau. Tout compte fait, «pasteure», en comparaison, c’est pas si pire comme disent les Québécois, experts ès mutilations modernisations de notre belle langue.

Alors à l’occasion de cette 102ème journée mondiale de la Femme, lâchons-nous complètement et féminisons la langue à tour de bras. Encore faut-il ne pas se tromper dans la définition des termes féminins que l’on introduit. On aurait par exemple :

Pasteure (n. f.) : ministre protestante, membre féminin du clergé luthérien.

Ingénieure (n. f.) : professionnelle exerçant des activités de conception, d’innovation et de direction de projets, de réalisation et de mise en œuvre de produits, de systèmes ou de services impliquant la résolution de problèmes techniques complexes, pour une rémunération inférieure d’environ 20% à celle de son collègue l’ingénieur (cf. ingénieur).

Proviseure (n. f.) : titre donné à la directrice de certains établissements scolaires, généralement rémunérée 20% à 30% de moins que son collègue le proviseur, à ancienneté et qualifications égales.

Sapeuse Pompière (n. f.) ou Sapière Pompeuse (n. f.) : femme effectuant le métier de sapeur pompier et se contentant de 75 à 80% des indemnités perçues par ses collègues mâles.

Bref, je crois que vous avez pigé. Pour résumer mon propos en m’aidant de la formule employée par un célèbre charpentier juif de Galilée vers l’an 30 de notre ère : «il est plus facile pour une armada de néologismes hideux de faire leur trou la langue française que pour une seule femme d’être payée autant qu’un homme en 2012». Dans le cas, peu probable, mais on ne sait jamais, où certains d’entre vous auraient séché trop de cours de caté («faire catéchisme buissonnier», ça se dit ?), ou pis encore, si jamais vous êtes un mangeur de viande halal, un égorgeur de moutons dans votre baignoire de Villemomble et un exciseur de petites filles, il est tout à fait possible que vous soyez peu au fait des meilleurs soundbites des gourous hébreux du temps de l’empereur Auguste, alors pour vous voici la citation d’origine.

En Allemagne, pays réputé progressiste, le problème du féminin des noms de professions ne se pose pas le moins du monde : il suffit d’ajouter le suffixe -in à un mot (et parfois d’enjoliver la racine du mot avec un joli umlaut) pour en créer la forme féminine. Ainsi, Richter (juge) devient Richterin au féminin, Arzt (médecin) se transforme aisément en Ärztin, Künstler (artiste) en Künstlerin, Ingenieur devient logiquement Ingenieurin, et ainsi de suite, si on zappe les exceptions à la règle.

Dès lors, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, pour la femme teutonne intégrée au marché du travail par le titre idoine et dûment féminisé, n’est-il pas ? Mouahaha, la bonne blague. À l’occasion du Weltfrauentag, le verdict de ces enquêtes publiées aujourd’hui dans la presse est sans appel : avec une différence de salaire atteignant 22% en défaveur des femmes à qualifications égales, l’Allemagne est championne d’Europe de la discrimination salariale contre les gonzesses le sexe faible la gent féminine, selon la dernière étude de l’OCDE, suivie de la Tchéquie et des Pays-Bas, deux autres pays qui cachaient bien leur jeu d’enfer machiste et misogyne, dites donc. L’écart moyen dans les 34 pays de l’OCDE n’est «que» de 16%...

Alors voilà, tandis que je m’amuse à vous pondre un billet aux tournures ampoulées, où je cite abondamment mes confrères Molière, Jésus-Christ et les crânes d’œuf anonymes de l’OCDE (en toute modestie), certains font passer le même message, mais de manière nettement plus percutante, et en seulement quatre mots, comme sur cette petite affiche discrète que j’ai vue hier soir à un arrêt de tram sur la Danziger Strasse, à Prenzlauer Berg.

Pas de pénis ?
-25% sur votre salaire !
J’ai trouvé cette illustration très concrète du terme «phallocrate» particulièrement brillante, et n’ai pu m’empêcher de la partager avec vous, alors que je n’avais pas du tout prévu de parler du Frauentag cette année : après tout, pour les gonzesses j’ai déjà donné, non mais.

Quoi qu’il en soit, l’occasion fait le larron, alors je souhaite bon courage et une très belle Journée de la femme à toutes les Vahinés sous-payées, qu’elles lisent ce blog ou non ! Évidemment, si elles ne le lisent pas, ça va être difficile de les toucher avec mes gentils vœux, mais bon, vous pouvez aussi faire tourner...

Allez, tchô.

Votre dévoué chroniqueur.

21 commentaires:

  1. Ah ces néologismes qui nous écorchent les oreilles ,je viens d'en repérer 2 dans le texte ci-dessus: dark-side , old-school!!!!!!

    A+

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    1. Cher/Chère anonyme, tu manques de vigilance, car tu as oublié soundbites...

      Eh oui, le plus fou avec les intégristes (de toute obédience), c'est qu'ils n'ont aucune logique !!! Alors j'avoue, je suis autant amoureux de la langue de Shakespeare que de celle de Molière, et je joue avec les deux... et why not après tout ???

      Je ne crois pas que je parlerai un jour comme Jean d'Ormesson ni comme Aimé Césaire ; le tout c'est de connaître ses limites et d'assumer à fond ses particularités :-)

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  2. t'as vu t'es célèbre sur fesses de boucs
    https://www.facebook.com/FanFrancoAllemand.DeutschFranzoesischFan

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    1. Cool !! :-) La gloire frappe enfin à ma porte grâce aux femmes allemandes sous-payées ! Comme quoi... :-)

      Bisous !

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  3. Cher Chroniqueur,

    grâce à toi, je vais enfin pouvoir faire ma réac et je te remercie!
    Si le fait que deux femmes dont une pasteure aient un enfant ne me dérange pas, leur âge si! Je trouve assez égoïste d'avoir des enfants sur le tard: 46 et 55 ans! Je ne doute pas qu'elles sauront élever leur enfant mais dans 20 ans, elles commenceront peut-être à avoir des problèmes de santé et que leur enfant devra s'occuper d'elles au lieu ou en parallèle de construire sa vie.
    Une fois grands mères elles appartiendront au quatrième âge et ne pourront pas forcément garder leurs petits-enfants, les emmener en vacances. Leur âge n'empêchera bien évidemment pas une relation d'être établie mais la limitera dans le temps et/ou dans l'intensité.
    Je me projette peut être mais mon père m'a eue à 45 ans et je sais qu'il n'aura pas les mêmes relations avec mes (hypothétiques) futurs enfants qu'avec les enfants de mes 1/2 frère et sœurs. Et cela m'ennuie. Quant à ma mère, son père l'a eue au même âge que le mien. J'ai principalement connu mes grands parents à la maison de retraite. Même s'ils ont eu jusqu'à la fin toute leur tête, et que deux d'entre eux sont morts à plus de 90 ans ce qui m'a permis de ne pas les perdre trop tôt, ce n'est pas la même chose que d'aller chez des grands parents indépendants, qui peuvent donner des conseils etc. J'aurais aimé pouvoir plus profiter d'eux. Évidemment on peut avoir des enfants jeune et mourir tôt ou ne pas s'entendre avec ses petits enfants.
    Alors à chaque enfant sur le tard dont j'entends parler, je ne peux m'empêcher de penser à un certain égoïsme des parents qui veulent un bébé ou se rajeunir ou autre chose.
    Je pense que 45 ans devrait être l'âge limite pour avoir des enfants qu'on soit homme ou femme.
    Voilà j'ai fait m'a réac, il ne me reste qu'à te souhaiter une bonne journée!

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    1. Hello Elsa, merci pour cette réaction bien argumentée et presque aussi longue que le billet :-)

      Tu es trop sévère avec toi-même en te qualifiant de "réac" alors que tu donnes ton avis sur la question en te fondant sur ton expérience personnelle, qui est tout aussi valable et respectable que n'importe quel autre avis...

      Je suis tout à fait d'accord avec toi en réalité ! Je n'ai rien dit sur l'age des mamans dans le billet car je ne voulais pas alourdir le propos. Eh oui on dirait pas comme ça, avec mes phrases à rallonge et tout et tout, mais je veille à ne pas trop en dire dans mes textes. L'âge des mamans m'a interpellé moi aussi mais j'ai préféré ne rien en dire. En fait, à la rigueur le fait de juste commenter l'info de cette manière : "que deux femmes autour de la cinquantaine décident d’avoir un bébé ensemble, soit, parfait, très bien" m'a permis de donner encore plus de poids à l'horreur absolue qu'est ce "pasteure". Mais si j'avais suivi mes convictions à 100% sans souci de lourdeur, j'aurais au moins dit "rien à redire, sauf peut-être pour l'âge des parents"... mon père n'est pas tout jeune tout jeune non plus et je vois bien ce que tu veux dire.

      Bonne nuit :-)

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  4. La féminisation des noms communs, la déconstruction du genre, les cours divers et variés réservés qu'aux femmes...etc... bref, toutes ces dispositions et réflexions féministes me donnent le sentiment de noyer le combat des femmes dans une idéologie élitiste. Alors qu'en réalité il y aurai tant à faire : les salaires, les violences conjugales, les discriminations à l'embauche...
    Je suis une féministe déçue, qui ne se retrouve pas dans ce mouvement. Un ami berlinois avec lequel je discutai de ce sujet me disait qu'à Berlin beaucoup d'hommes avaient peur des femmes, parce que le mouvement féministe est tellement fort qu'il en devient presque extrémiste ! "Quoi qu'on die", il doit bien exister un juste milieu !

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    1. Alors là Lola je dois dire que tu abordes des thèmes qui me sont complètement étrangers ! Pourtant j'ai un petit bagage académique... un peu léger mais bon quand même. Oui, soutenir la cause des femmes est un juste combat, mais je suis d'accord qu'il ne faut pas se cantonner qu'aux angles les plus élitistes.

      C'est dommage ces luttes pour le traitement équitable des "minorités" qui deviennent une sorte de fin en soi et qui tue l'échange au lieu de le favoriser. C'est pourquoi je me méfie énormément, en tant qu'Antillais, du clientélisme communautariste, qui oppose plus qu'il ne rassemble.

      Tu as lu Le Monde selon Garp ? J'ai adoré ce bouquin et entre autre sa description de ce groupe de féministes intégristes, les "Ellen Jamesians"... c'est vraiment très bon. L'excès en tout nuit, "quoi qu'on die" :-)

      (merci Vaugelas)

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    2. Non, je ne connais pas ce livre, mais j'ai lu le résumé et... je l'ai commandé par internet ! Merci pour cette recommandation !

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    3. Je crois bien que je le relirai avec plaisir... Bonne lecture !
      :-)

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  5. Je plussoie avec Elsa, au risque de te faire avoir une attaque en lisant ce beau (ou pas) néologisme...

    Avoir un enfant sur le tard, qui plus est un premier né, est quelque chose qui me choque. Mes parents m'ont eue à un âge assez avancé aussi et ce n'est pas du tout un cadeau. Ce sont des parents que je vois vieillir à vue d'oeil et qui ne connaîtront pas la génération suivante. Je n'ai connu qu'un seul de mes 4 grands-parents, et je vais devoir penser à des questions déprimantes bien avant tout le monde. Sans compter qu'au quotidien, 50 ans de différence, ça fait beaucoup, beaucoup de malentendus et des références qui ne sont pas les mêmes. Bref: marre de cette grande mode irresponsable de défier les lois de l'âge sans penser à l'enfant!! Je me demande parfois dans quelle mesure cet enfant est vraiment voulu...

    Pour les néologismes: je ne suis pas sûre qu'il faille considérer ça comme une évolution. La France, c'est pas encore comme l'Allemagne pour le respect des lois. C'est pas parce que Guigou a fait passer dans la loi que le mot ''sapeuse pompière'' est le seul bon mot qu'on l'utilise au quotidien. Heureusement d'ailleurs que la loi n'est pas forcément suivie sur ce plan, parce que sinon il faudrait être conséquent et imaginer des sapeuses pompières parisiennes exerçant leur métier en jupe (quoique, j'ai un doute: ils ont pas fait sauter ça il n'y a pas très longtemps?!).

    Par ailleurs: on a d'autres chats à fouetter.''Madame le proviseur'' ça me va très bien aussi. A force de trop vouloir insister sur la différence des sexes, on en vient à créer un stigmate. Je ne me reconnais pas non plus dans le féminisme actuel, qui interdit à une femme de trouver de la fierté dans le mot ''mademoiselle'' si on le souhaite. Pour moi faire son beurre seule et ne pas avoir besoin de se marier, faire savoir qu'on se débrouille sans monsieur, c'est une forme de fierté et pas quelque chose que je souhaite cacher comme une plaie. Mais le féminisme version chiennes de garde passe par là et décrète entre les lignes que ne pas être mariée est une sorte de handicap-puisque-pour-les-hommes-on-ne-peut-pas-savoir, tout en laissant de côté des choses essentielles et autrement plus difficiles à combattre, salaires, violences conjugales, inégalités, etc. Cela dit en passant je remarque que personne ou presque ne parle de la violence verbale qui suit le corps de la femme tout particulièrement en France, de cette façon que nous avons de toujours d'être considérées comme un bout de viande qu'on va critiquer sur tel ou tel aspect. Ca a lieu dans le couple, en famille, au bureau, dans la rue, et c'est toujours une souffrance. ''Il faut souffrir pour être belle''. Quelqu'un peut m'expliquer pourquoi il y a cette obligation sociale pour une femme d'être belle pour être une femme?! Les hommes n'ont pas ce problème à une telle étendue. Or c'est autrement plus destructeur pour nous de se prendre une remarque gratos (''gros tas'', ''c'est pas une meuf c'est un thon'' etc...) qu'un ''Mademoiselle'' ou ''Madame le proviseur''. Pire, les femmes ont tendance à se refiler cette manie entre elles et à lier la féminité voire même l'identité à la beauté version couverture de magazines tout en se voulant ''féministes'' quand il s'agit de vocabulaire. Relire Benoîte Groult et son dernier bouquin pour voir à quel point nous perdons à nouveau notre temps dans ce culte du corps alors que sa génération était riche d'idées pour changer la donne. On a du chemin à faire...

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    1. Hellooooo ! Pfiou ! Merci pour ces pensées qui, on s'en doute, viennent du cœur :-)

      En fait, à la réflexion (et rien que pour ça c'est super que je me sois donné la peine d'écrire ce billet), je ne suis pas du tout aussi allergique aux néologismes que ce que je croyais, et pas autant que ce que je veux bien reconnaître... donc relax ! :-)

      Je crois que ce qui me chiffonne ce sont des inventions délibérées comme ces féminisations outrancières. Les évolutions plus "naturelles" (argot, verlan, emprunts rigolos aux langues étrangères, innovations diverses), j'ai rien contre ! Ou presque rien, mais comme toujours la part de subjectivité est très grande... vois le 1er commentaire que j'ai reçu à cet article, l'anonyme qui a commenté m'a reproché assez clairement mes recours à des anglicismes qui me font plus rigoler qu'autre chose. Bref sur ce terrain, il sera difficile de faire l'unanimité, c'est bien clair !

      Pour le reste, toutes les questions que tu soulèves sont aussi complexes et épineuses les unes que les autres. Je comprends tout à fait l'argument féministe qui consiste à proscrire le "Mademoiselle" comme introduisant un facteur discriminatoire sur le statut matrimonial des femmes, contrairement aux hommes chez qui il n'y a plus d'équivalent depuis que "damoiseau" est tombé définitivement en désuétude. Mais effectivement, était-ce vraiment nécessaire ? Si oui, était-ce une priorité ? Il y a, et je suis bien d'accord avec toi, bien plus important que cela. Faut-il pour autant s'attaquer au plus facile ("mademoiselle") ou au plus urgent (les violences) ? vaste programme.

      En tout cas pour moi c'est clair que l'égalité sera illusoire tant que nous serons soignés par des "docteures" qui sont payées 20% de moins que les "docteurs" !!!

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  6. La version féminine du suffixe "-eur" c'est pas "-euse" non?

    Je veux dire on a coiffeur/coiffeuse, danseur/danseuse... pourquoi pas chauffeur/chauffeuse, pasteur/pasteuse, docteur/docteuse...
    Sinon je veux une danseure et une coiffeure!

    Okay, c'est vraiment moche mais autant être conséquent!

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    1. Mais si la langue française était un minimum logique, ça se saurait ! Pourquoi pas ''pastrice'' et ''doctrice'', comme pour ''actrice'' et ''directrice'' ? Et pourquoi on ne garderait pas le bon vieux ''doctoresse'' ? Trop lourdingue ?

      Est-ce vraiment ça les combats prioritaires pour la cause féminine ? Aux US pendant ce temps, les candidats républicains jouent la surenchère des propositions rétrogrades et misogynes pour la défense de prétendues ''valeurs'' traditionnelle

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  7. Quant aux Québecois, ils ont féminisé tous leurs noms depuis longtemps et plus personne n'y pense ou trouve ça moche. La prochaine génération ne trouvera pas "pasteure" moche parce qu'ils auront toujours connu ça. Allez, tiens, j'ai un post de blog rien que pour toi :D http://cestpasmoijeljure.wordpress.com/2011/03/30/lol/

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    1. Peut-être y a-t-il une majorité silencieuse de Québécois qui trouvent ces mots horribles mais n'osent pas le dire tout haut :-)

      J'ai lu ton post et je l'ai trouvé intéressant. Je suis d'accord avec ton propos en général. C'est bien pour cela que j'ai parlé de Molière et du fameux "quoi qu'on die" de Vaugelas dans Les Femmes savantes (qui, d'ailleurs, comme tu le savais sûrement, s'écrivait à l'époque de Molière "Les Femmes sçavantes", marrant ça hein).

      La langue évolue naturellement, on peut s'en désoler ou s'en accommoder. Est-ce qu'un jour ce sera normal de dire "colocatrice", voire "collocatrice" comme l'écrivent déjà beaucoup de gens à mon grand désespoir ? Est-ce qu'un jour ce sera acceptable de dire "ils croivent" ? Je ne le souhaite pas, mais je ne pourrai pas l'empêcher si cet usage devait s'imposer, de la même manière que Vaugelas n'a pas pu empêcher, malgré son prestige, que le subjonctif "dise" supplante définitivement "die". Après, bizarrement, j'ai un peu plus de mal à accepter des évolutions imposées artificiellement par des autorités. C'est Ségolène Royal qui a officiellement féminisé "sapeur pompier" en "sapeuse pompière". Ce n'est pas une innovation naturelle qui est apparue spontanément dans la langue, mais un artifice inélégant à connotation idéologique qui pour moi passe mal.

      C'est par une évolution naturelle de la langue que les féminins "doctoresse" ou "mairesse" sont tombés en désuétude, et maintenant par une sorte d'intervention divine, il faudrait dire "docteure" ou "doctrice" et "la maire", je trouve cela crétin au possible...

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  8. Ah ouii les femmes gagnent bien moins que les hommes et ont plus de frais... Ben oui, la pilule... Ca coûte cher après faut aller chez le doc et payer les 10 E... Les frais pour être "belle" aller chez le coiffeur (bien plus cher pour une femme que pour un homme), s'acheter des fringues qui sont de plus en plus chères et dont la qualité se déteriore de plus en plus et qu'il faut donc renouveler plus souvent... Ici en Allemagne, je suis tout de même contente de ne pas me faire interpeller par des bruits bizarres ou me faire traiter de thon à chaque fois que je me promène dans les rues (je ne compte plus le nombre de fois que ça m'est arrivé - en France, je suis pas canon mais pas hideuse non plus, la fille lamba quoi, donc je vois pas...) Mais ici, bien souvent, les mecs (les petits copains) sont bien plus exigeants que les boyfriends (néologisme hihi) français!!! Sisisi!!! "quand est ce que tu vas chez le coiffeur?" "Tu te maquilles pas ce matin?" - dit par un gars qui renacle à dépenser le moindre cent dans les magasins et qui gagne bien plus que toi puisqu'il est homme... Va comprendre Charles... Cela dit cette exigeance est plutôt constructive parce qu'on a vite fait de se laisser aller dans la morosité ambiante. Mais attentions si l'exigeant l'est aussi pour lui même, ce qui est bien rarement le cas!!!

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    1. Merci pour ce témoignage. Moi j'avais plutôt l'impression qu'à Berlin les femmes (et les hommes) s'habillent absolument comme ils le veulent... Je suppose que tu ne vis pas à Berlin, parce que moi les accoutrements que je vois passer dans les rues, c'est plutôt "vingte sur vingte" :-)

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  9. Cela me fait penser qu'il y a un domaine où l'inégalité salariale professionnelle est criante entre les sexes, et on y pense pas toujours, mais il s'agit tout simplement du ...sport !
    Sinon, pour ce qui est du "communautarisme", je pense qu'il faut se méfier de ce terme que l'on renvoie toujours aux minoritaires et qui pèsent comme un stigmate sur tout rassemblement, liens , politiques minoritaires. Je n'ai jamais vu aucune minorité qui a vu ses droits et ses situations diverses selon les personnes s'améliorer sans une politique commune (commune ne voulant pas dire "homogène", ni "figée". Vu que bon, le statut de minorité n'est pas naturel, mais le résultat d'une assignation sociale, d'une situation sociale, ce qui compose et fait la minorité évoluera.). Depuis l'époque des droits civiques, ou de l'arpatheid, ou de l'époque (pour les femmes) des années 60, on nous ressort le même couplet "communautarisme" blablabla. Mais me semble-t-il c'est à chaque fois des minorités qui à coup de "communautarisme" arrache leur droit. D'ailleurs quand on France, on utilise des généralisations grossières du genre les USA sont communautaristes, nous en france, tout va bien, nous sommes universalistes, c'est affligeant, car c'est le discours de l'extrême droite américaine...
    Quant à s'offusquer que la langue change (je parle pas de toi chroniqueur bien sûr, mais en général) je me dis que quand même qu'il faut arrêter de faire comme si tout devait être figé dans le marbre. Le langage reflète nos perceptions, nos contextes, nos époques. Cela n'a rien de traumatisant de dire "pasteure". Si les gens trouvent ça choquant parce que ça accentuerait trop la différence des sexes, pourquoi si des gens proposaient un pronom neutre, tout le monde serait choqué "ah mais la différence des sexes c'est important" , faut savoir :) C'est quand même pas un hasard si c'est "le masculin qui l'emporte sur le féminin" voyons. Après, l'égalité salariale c'est un sujet plus important que la langue je trouve, mais bon, l'un n'empêche peut-être pas l'autre.
    Sur ce, j'ai été content de lire une fois de plus un bon article très drôle !

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    1. Salut Gab, et merci pour ces réflexions, que moi aussi j'ai été content de lire et auxquelles je dois répondre en 2 parties car la place manque...

      La question de l'inégalité des rémunérations dans le sport est pour moi d'un autre ordre que sur le marché du travail au sens habituel : les femmes travaillent normalement avec des hommes dans les entreprises et les administrations, remplissent les mêmes rôles après avoir obtenu les mêmes diplômes, pourtant elles sont souvent moins bien payées : la discrimination est évidente. Dans le sport, les hommes et les femmes ne se mélangent habituellement pas. Donc ce sont deux "marchés du travail" parallèles (en général). Même quand ils participent aux mêmes événements, comme par exemple le marathon de Berlin (ou celui de Paris, ou dans les autres grandes villes), il y a un palmarès masculin et un palmarès féminin séparés, ce qui est tant mieux. Donc la discrimination paraît moins évidente tout de même. Le fait est que beaucoup de sponsors préfèrent miser sur les athlètes masculins, qui évoluent donc dans des milieux où il y a bien plus d'argent que dans le sport féminin, c'est la loi du marché avec toutes les distorsions que l'on peut bien critiquer de manière légitime ("est-ce que les footballeurs méritent tant de millions ?") mais qui ne sont pas vraiment de l'ordre de la discrimination quasi systématique comme dans une entreprise normale.

      Sur la question de la féminisation de la langue, je crois que j'ai donné mon avis dans le billet et dans les commentaires : je suis plutôt contre mais je sais que c'est une évolution quasi-irréversible alors je m'y fais et puis c'est tout. Pour moi et pour beaucoup de gens, des mots comme "pasteure" et "professeure" sont choquants et moches et on préfère les éviter... Tiens regarde, dans Le Monde il y avait ce weekend toute une tribune écrite par un mec contre le néologisme "impacter", c'est vrai que c'est pas joli, mais parmi les commentateurs, les avis étaient partagés. C'est comme ça, la langue évolue mais aucune évolution ne fera jamais l'unanimité.

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    2. 2ème partie pour celles et ceux qui ne se sont pas encore endormis :-)

      Concernant la règle "le masculin l'emporte sur le féminin", il y avait un chouette article du Monde aussi il y a quelques semaines. Je n'arrive pas à retrouver l'article, bizarrement. Il s'intitulait "Genre, le désaccord" et datait de janvier. C'était intéressant. Pour moi la règle existante n'est pas mal, mais c'est un peu bête de dire "le masculin l'emporte..." On pourrait faire marcher la même règle en disant "il y a un genre féminin et un genre indéterminé sur lequel on fait l'accord", ou quelque chose de moins sexiste. Tiens, voici un autre article du Nouvel Obs sur la question, qui manifestement continuera de se poser tant qu'il y aura des genres distincts dans la langue (devrait-on les abolir comme en anglais pour satisfaire tout le monde?). C'est une femme qui l'a écrit, tout comme l'article du Monde qui a disparu (c'était Anne Chemin). Mais si on pouvait revenir à la situation antérieure au 17ème siècle (en gros on fait ce qu'on veut), ça m'irait très bien aussi. Je dois dire que "les hommes et les femmes sont beaux" (l'exemple utilisé dans l'article du Monde), pour moi aussi c'est complètement atroce à l'oreille même si c'est grammaticalement correct...

      Bref, il y a beaucoup à dire sur le sujet et on peut ne pas être d'accord avec les plus progressistes sur la question sans pour autant être un vieux dinosaure réac et misogyne. C'est sûr qu'en général ceux qui sont contre sont un peu plus conservateurs avec la langue, mais là où ma logique a du mal avec la féminisation à tout crin, c'est que je ne comprends pas pourquoi il est nécessaire d'inventer un féminin comme "pasteure". Quand on parle de "la sentinelle", on sait qu'à 99% des cas, c'est un homme. Quand on dit "une racaille" (pardon pour l'exemple) ou "une petite frappe" (pour utiliser un terme moins connoté) ou "une ordure", on peut très bien parler d'hommes. Pourtant, ces termes sont féminins. On peut dire "Yannick Noah, c'est mon idole", où "idole" est un mot féminin. Devra-t-on dire "un idol" pour les hommes et "une idole" pour les femmes uniquement ? "Un ordur" et "un racail" ? "Un sentinel" ? C'est pour cela que je ne comprends pas pourquoi il nous faut absolument des "auteures" et des "pasteures" quand par ailleurs "idole" suffit très bien pour les deux sexes. Mais bon, c'est comme ça, je m'y ferai malgré tout. À l'époque de Victor Hugo (il n'y a pas si longtemps), on disait encore "une aigle", d'où la citation suivante dans Hernani : "l'Empereur est pareil à l'aigle sa compagne, à la place du cœur il n'a qu'un écusson". Et à l'époque de Molière (encore lui dis donc), on disait...

      Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchants
      Qu'un idole d'époux et des marmots d'enfants!


      "un idole" d'époux...

      Elle évolue notre langue ! Je suis le premier à le reconnaître, même si je continue de trouver "pasteure" débile...

      Sinon pour le communautarisme, je suis d'accord avec toi ! (ouf)

      Bonne soirée et bonne semaine !

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Un petit bonjour ?

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