Ah, le beau mois de juin à Berlin! Ses courtes nuits d’été, son soleil qui brille généreusement (ou pas) au-dessus des têtes des bonnes gens de la Hauptstadt avant d’embraser l’horizon lors de crépuscules chatoyeux et majestuants, ses terrasses chaleureuses où les convives communient dans un même amour du foot et de la bière, ses parcs à l’herbe grasse et tendre, où il fait bon griller des saucisses non moins grasses, sa vie en plein air, ses Berlinois ravis à l’épiderme saturé de mélanine et de vitamine D... Si j’étais un dictateur romain, comme ces deux mégalomanes coiffés de laurier qui nous légué des mois d’été portant le nom de leur auguste personne, je m’approprierais presto juin, je le renommerais Berlinicus, et je l’allongerais d’au moins deux semaines supplémentaires, histoire de prolonger en conséquence le Hochsommer berlinois. 45 jours, rien de moins, ce serait la durée optimale du sixième mois de l’année à Berlin. Surtout que de toute façon, année après année, le mois de juillet est toujours invariablement décevant. Voici donc quelques clichés pris dans la métropole teutonne pendant ce mois de juin (le vrai, qui ne dure pour l’instant que 30 jours), ou du moins, parmi ces quelques jours où j’étais effectivement présent dans la Hauptstadt, entre deux vols pour la Suède ou ailleurs.
1er juin. Sur l’Oberbaumbrücke, un hurluberlu fait son jogging vespéral, affublé d’un costume de prisonnier à rayures noires et blanches, le poignet lesté d’un boulet de bagnard, encordé au niveau du torse à une poupée gonflable qui rebondit pitoyablement dans son dos à chacune de ses enjambées... Dans ce singulier accoutrement, en réalité, un futur jeune marié subissait, malgré le vent et la fraîcheur pas vraiment de saison, une «épreuve» top délire lors de son enterrement de vie de garçon, à en croire la banderole que déployaient, à quelques mètres de là, ses amis/geôliers/tortionnaires à chaque fois que le feu passait au rouge: «Vive les mariés! On organise une collecte pour préparer le divorce» pouvaient lire les badauds tandis que le pauvre futur marié futur divorcé était forcé de faire la quête de véhicule en véhicule dans les gaz d’échappement, avant que la Verkehrsampel ne repasse au vert... Dans son malheur, le fiancé ridiculisé avec un tel acharnement peut malgré tout s’estimer heureux de ne pas avoir été contraint de se pavaner en string-épaule façon Borat !
10 juin. «OH-OH-OH-Obrigado» ! Plaît-il ? Ah mais oui bien sûr. À Lviv, la ville ukrainienne que les Allemands nomment encore «Lemberg», la Nationalmannschaft a poussivement défait la sélection portugaise 1-0 lors de son premier match de l’Euro 2012, lançant sur les chapeaux de roues la saison de l’indigestion de foot. Cette affiche placardée sur la Rosa-Luxemburg-Straße, à Mitte, n’est qu’une manifestation parmi d’autres de la fièvre sportivo-patriotique qui s’est emparée de tout le pays pendant des semaines.