Si vous, Berlineuses et Berlineux d
’adoption (et aussi de pure souche teutonico-slavo-huguenote, bien sûr), avez le privilège d’habiter dans un quartier hype et branché de la capitale, un secteur trendy et
belebt où la fête ne semble jamais s’arrêter, un de ces
Szenebezirke réputés pour leur
übergeile nightlife que le monde entier, engoncé dans son mode de vie bourgeois, empêtré dans son quotidien terne et sans relief, fossilisé dans ses nuits passées au chaud devant la télé, ne peut que nous envier, vous avez peut-être remarqué ce curieux phénomène de prolifération des «Burgerläden» dans votre environnement familier, qui croissent et se multiplient sur le pavé de la capitale au même rythme que les flaques de régurgitations laissées sur le trottoir par ces fêtards juvéniles ayant abusé de shots de Jägermeister lors de leurs nuits de bringue sur les rives de la Spree. Les «Burgerläden»: ainsi nomme-t-on, dans la métropole prussienne, ces friteries, grandes ou petites, spécialisées dans la préparation et la vente de sandwichs garnis à base de steak haché servi entre deux tranches de pain rond aux graines de sésame, et dont le nom habituel évoque fortement la deuxième ville de la
Bundesrepublik Deutschland.
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Un restaurant gastronomique à Friedrichshain |
Ouvrons une petite parenthèse historique: Installez-vous confortablement dans votre fauteuil, fermez les yeux, et imaginez. Imaginez un peu que la ville libre et hanséatique de Hambourg (selon sa dénomination officielle), à l’issue de la deuxième Guerre mondiale, ait subi le même sort que Berlin: divisée par les Alliés en plusieurs secteurs d’occupation, avant d’être déchirée en son milieu par un Mur infranchissable et
meurtrier, œuvre diabolique des
socialo-communistes. Imaginez un Président Kennedy y professant, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville de la grande cité portuaire, sa solidarité indéfectible avec la population emmurée par les Bolcheviques, et proclamant pour l’éternité
“Ich bin ein Hamburger!”. Ah, comme c’eut été émouvant, sans pour autant perdre en solennité. Fermons la parenthèse historique, et revenons à nos «Burgerläden».
Ces hauts-lieux de la gastronomie berlinoise ont de nombreuses caractéristiques communes: on y sert des hamburgers, évidemment, mais pas n’importe lesquels: la plupart de ces établissements vous donnent la possibilité de choisir, moyennant supplément, de la viande bio, pour vous alimenter sans pour autant cautionner les errements de l’agriculture productiviste, anti-écolo et vendue aux démons du capitalisme. Autre élément essentiel du cahier des charges du Burgerladen berlinois: l’enseigne doit comporter un jeu de mots. Ainsi, vous trouverez, pour n’en citer que quelques uns, un «Burgermeister» (avec le tréma,
der Bürgermeister signifie «le maire», sans le tréma,
Burgermeister pourrait se traduire par «le champion des burgers»), un ou plusieurs «Kreuzburger», et sur la Falckensteinstraße, à Kreuzberg, un «Burgersteig» (au lieu de
Bürgersteig, «le trottoir»). Pendant quelques mois, il y avait un «Greenburger» à Friedrichshain, sur la... Grünbergerstraße. Malgré ce nom désopilant, l’établissement a fermé ses portes aussi vite qu’il avait ouvert. Et puis, non loin de là, à Boxhagener Platz, le «Burgeramt Frühstücksklub» s’élève quelque peu au-dessus du lot.
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Le Burgeramt n'aime pas beaucoup les clowns on dirait. |
Hamburgers à la viande de bœuf bio? Check. Jeu de mots sur l’enseigne? Check.
Bürgeramt signifie en gros «centre d’accueil administratif», et
Burgeramt, «l’administration des burgers». Et toc. L’élément-clé de différenciation du Burgeramt par rapport à la concurrence, ce n’est pas la grande salle spacieuse, joliment décorée d’
azulejos à l’andalouse, où le client est confortablement installé, ce n’est pas le service, plutôt rapide et souriant. Non, là où le Burgeramt fait vraiment la différence, c’est sur sa
Klotür, bien entendu! Découvrons, sans plus tarder les portes des toilettes de ce restaurant fort peu banal. Aïe! Ça fait mal.
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Tiens, j'ai l'impression d'avoir déjà vu ce visage... mais où? |
Oui, cela surprend quelque peu la première fois... et même la deuxième d’ailleurs! Afin de m’assurer que vous avez bien vu les deux portes vous aussi, j’en remets une couche. Plutôt original, non?
Très amusant. Je n’ose imaginer la scène si d’aventure la Chancelière, ayant eu vent de l’excellente réputation de la friterie de Boxhagener Platz, se mettait en tête de venir goûter sa spécialité de hamburgers aux aubergines. Cela pourrait mettre un peu d’ambiance!
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Au-dessus de la caisse |
Les chances qu’une descente de la Kanzlerin ait lieu sont infimes, mais le risque zéro n’existe pas. En attendant cette hypothétique confrontation, la vie poursuit son cours à Boxhagener Platz, et le Burgeramt Frühstücksklub continue de servir ses frites et ses hamburgers, avec un «supplément d’âme», et surtout d’humour, comme il le fait depuis plus de quatre ans.
Burgeramt Frühstücksklub
Krossener Straße 22 (Boxhagener Platz)
Berlin-Friedrichshain
J'aime pas trop la porte des toilettes : une moustache sur une femme, ça fait mauvais genre. Et le clown pendu, pas terrible non plus. En revanche, le hamburger aux aubergines...
RépondreSupprimerLe clown pendu, je crois que c'est de l'humour de friterie, on aime ou on n'aime pas :-)
SupprimerOui ils ont quelques spécialités de hamburgers plutôt intéressantes, et je raffole de celui aux aubergines. Que la "Klotür" ne fasse pas l'unanimité, en fin de compte, n'est pas très important pour le Burgeramt, car ce sont bien sûr les burgers qui comptent :-) Moi je la trouve rigolote, la 'stache sur le portrait d'Angela...
C'est malin, maintenant j'ai la dalle et on ne trouve même pas de bons hamburgers chez moi :(
RépondreSupprimerLe clown c'est celui du macdo, c'est très approprié dans un truc qui vend des hamburgers de qualité! Quant à Angela, haha, je me demande quelle est le symbolisme derrière cette utilisation fort créative de son portrait ;)
Pas de bons burgers à ATPN? What's the bloody point of living en Amérique du Nord dans ce cas??? À Berlin, c'est pas le choix qui manque, mais comme pour tout la qualité est variable. J'espère en tout cas que chez toi le chou ne coûte pas $28 comme dans d'autres régions canadiennes, d'après cet article de la BBC!
SupprimerBien sûr, j'avais pensé que tout le monde allait reconnaître Ronald McDonald! C'est pour ça que j'ai dit à Jackie Brown que c'est "de l'humour de friterie" :-)
Quant à la tête d'Angela, moi non plus je ne comprends pas pourquoi ce délire. C'est d'un goût douteux... comme plein de choses à Berlin!
Oui, je vis aux Etats-Unis, j'avais reconnu Ronald. Mais chacun son humour. C'est comme Angela avec une moustache ; il n'y avait pas d'HOMME politique allemand digne de figurer sur la porte des toilettes ? (40° et rien ne m'amuse plus.)
RépondreSupprimerMais ça ne m'empêchera pas d'aller goûter les hamburgers aux aubergines.
Oups, désolé d'avoir laissé entendre que tu ne l'avais pas reconnu, Jackie Brown, j'espère que je ne t'ai pas froissée. C'est sûr qu'à Denver, cette silhouette doit être reconnaissable entre toutes! :-)
SupprimerEn effet, chacun son humour. J'ai trouvé ça marrant mais n'ai aucun problème à concevoir que ce n'est pas ta tasse de thé (ou ton gobelet de soda, pour rester dans le registre fast-food).
Et je confirme, Jackie, que la Chancelière écrase tout sur son passage. Personne ne lui résiste! Pas un seul politicien mâle ne lui arrive à la cheville en Teutonie en matière de charisme, de popularité! C'est ainsi... Il y avait bien le baron von und zu Guttenberg, mais comme Icare, il a volé trop près du soleil, et s'est fait griller comme un vulgaire papillon de nuit sur une lampe à néons dans un crépuscule antillais...
Sinon, oui, l'Allemagne compte bien au moins une figure historique de chancelier masculin à la moustache facilement reconnaissable... Un personnage marquant et pour le moins controversé, sulfureux même, qui a beaucoup œuvré pour la grandeur de l'Allemagne au détriment des pays voisins, et dont le portrait aurait peut-être créé un certain malaise chez certains clients. Je parle bien sûr... du chancelier Bismarck!
Héhé :-p
(non mais j'allais pas faire deux Godwin en moins de douze heures sur mon blog hein, il y a des limites à tout :-D)
40°C, c'est la température à Denver en ce moment? Bigre!
Non, pas froissée du tout. C'est bien la pendaison qui m'indispose, pas le pendu. Quant à la porte des toilettes, vu comme ça, ça se tient. Il est vrai que le chancelier... Bismarck (donc) m'aurait encore plus indisposée.
RépondreSupprimerOK à l'avenir j'y réfléchirai à deux fois avant de mettre des photos aussi macabres dans ces pages. C'est vrai que je ne sais pas forcément ce que cela peut évoquer chez certain(e)s. C'est imprudent.
SupprimerEt merde, maintenant j'ai envie d'un burger! Merci quoi ;)
RépondreSupprimerBon appétit! :-)
Supprimerhallo !
RépondreSupprimerje reviens de berlin, et j'ai passé ma dernière soirée sur ce magnifique trottoir à attentre ma commande du BurgerMeister...attente interminable qui du coup ne fait que décupler le plaisir lors de la dégustation de mon cheese burger..mmmmmh, trop bon...
Hallo! Cool! J'espère que tu as bien profité de la capitale teutonne. On dirait que tu as commencé à en parler dans ton blog d'ailleurs!!
SupprimerJe n'ai jamais été au Burgermeister, mais je passe devant quasiment tous les jours à vélo (c'est sur mon trajet pour aller au taf) et c'est toujours plein! Donc je pense effectivement qu'en plus de la localisation très avantageuse, la qualité doit être au rendez-vous :-)
Salut,
RépondreSupprimerJe confirme : la qualité y est. :)
Et ils font aussi des frites arrosées copieusement de fromage (j'avais jamais vu ça) pour ceux qui auraient encore faim après le hamburger...
J'y ai vu des pros de la dégustation de ce mets "so typisch" : pas une miette qui tombe et le bazar avalé en un rien de temps pour vite passer au second !! Impressionnant !! :)