vendredi 25 janvier 2013

La blanche Jérusalem

Hé ! Pssst. Vous êtes au courant de la l’incroyable nouvelle ? Il a neigé à Paris ! Complètement dingue ça non ? De la neige à Paris quoi ! De surcroît, en plein mois de janvier ! Le truc de foooouuuuu. J’ai loupé le phénomène météorologique de l’année, mais heureusement, grâce à Facebook et aux médias théoriquement «français» mais en réalité «intra-murossiens» avant tout, je n’en ai pas loupé le moindre floconnet, et ai pu m’extasier comme chacun devant une douzaine de photos du Canal St-Martin sous la neige, dix-sept angles de vue différents de la Place de la Concorde sous un manteau blanc, et environ vingt-trois clichés époustouflants du Sacré-Cœur de Montmartre se détachant à peine dans le blizzard. 

Allez, j’admets que je persifle un peu pour le plaisir de râler. Paris est sublime sous la neige, et c'est vrai qu’on ne se lasse pas d'admirer notre belle capitale délicatement nappée de blanc virginal. Merveille d’entre les merveilles, même les cohortes homophobes, omniprésentes ces derniers temps, subitement, ont disparu, se sont tues, comme emportées par une avalanche de candeur et de bons sentiments. Bonheur. Cela ne durera qu'un temps, mais quand même, savourons. 

Mais il fallait tout de même que je réagisse à cette débauche de photos enneigées sur les réseaux sociaux. Voici donc la réponse du Berliniquais à la bergère : quelques photos de la grande tempête de neige de janvier 2013 à Jérusalem, la plus spectaculaire qu’ait connu la ville depuis vingt ans. Et toc.

Le Dôme du Rocher, le Mont des Oliviers et les toits de Jérusalem enneigés
Si trois flocons à Paris constituent un événement sensationnel, que dire du sentiment qui prédomine lorsque 15 centimètres de neige tombent sur une ville située à la même latitude qu’Agadir ou que San Diego?

dimanche 20 janvier 2013

Maïeutique entre hommes à Jéricho

« Hé là, vous! Pas si vite. Z’avez payé votre billet d’entrée? 10 shekels, s’il vous plaît. »

Tiens donc. Et d’où il sort, celui-là? Je n’avais pas remarqué qu’il fallait s’acquitter d’un droit d’entrée. La petite porte sans prétention du site archéologique de Tell Es-Sultan était grande ouverte, le guichet riquiqui sur la droite semblait abandonné depuis des années, et il n’y avait pas un chat à l’horizon. Il n’en fallait pas plus pour que d’un pas assuré, happé par la curiosité, j’entrasse. Le plus naturellement du monde. Et puis surtout, je venais tout de passer une bonne demie-heure à admirer gratuitement ce même site historique, les restes de l’antique Jéricho, depuis un point d’observation privilégié, juste en face : une terrasse à moitié effondrée offrant, à quiconque ose s’y aventurer, une vue imprenable sur les ruines antédiluviennes. Lesdits vestiges, d’ailleurs, ne sont à vrai dire que d’informes monticules de terre et de gravats. Il faut un sacré effort d’imagination et d’abstraction pour se représenter, à partir de ce pitoyable terrain vague, de ces mornes vallons érodés de terre meuble aux contours indistincts, la fière Jéricho des batailles bibliques, la légendaire forteresse cananéenne des temps jadis, et ses hautes et orgueilleuses murailles se lézardant, se disloquant et s’écroulant, au terme d’un siège épique, au son martial des trompettes de Josué et de cris sauvages et virils de “This is Spartaaaaa!”. Non, décidément, les fameux vestiges de la très pompeusement auto-proclamée « plus ancienne ville du monde au point le plus bas de la Terre » n’ont rien de spectaculaire, et ne valent même pas les deux euros demandés si péremptoirement pour avoir le privilège de les admirer de plus près et de se crotter les souliers dans la boue au passage.

Le site archéologique de Tell es-Sultan, emplacement sur lequel,
il y a vachement longtemps, se dressait, paraît-il, la ville de Jéricho.

mercredi 16 janvier 2013

Promenade à Méa Shéarim

À Jérusalem, si l’envie vous prend de vous aventurer hors des murs de la Vieille Ville et que, laissant derrière vous les hautes pierres ocres de l’imposante Porte de Damas érigée sur ordre du sultan Soliman le Magnifique, vous traversez le paisible quartier résidentiel de la Morasha, alors vous avez de fortes chances, au bout de dix ou quinze minutes de détours sur les tranquilles avenues proprettes et de flânerie le nez en l`air, de voir votre insouciante déambulation barrée tout net par une série de panneaux bilingues anglais-hébreu vous souhaitant la bienvenue en des termes franchement inhabituels.

«Les GROUPES qui traversent notre quartier offensent profondément les riverains. RENONCEZ-Y», exhorte-t-on noir sur blanc et en caractères gras le visiteur frivole et indélicat que vous êtes sans l’ombre d’un doute, gros lourdauds. La gent féminine, bien entendu, fait l’objet d’une attention toute particulière : «MESDAMES, MESDEMOISELLES, qui traversez notre quartier, nous vous supplions de tout notre cœur : merci d’éviter les TENUES INDÉCENTES. Exemples de tenues décentes : corsages fermés à manches longues, jupes longues, pas de pantalon, pas de vêtements moulants. Merci de ne pas compromettre la sainteté de notre quartier et de notre communautés de Juifs consacrés à D-EU et à sa Torah». Bref, vous êtes prévenus qu’au-delà de ce panneau, on n’aime pas les «biatches», pour parler comme Lil Wayne, et on le dit haut et fort.

Bienvenue chez les Harédis!
D’ailleurs, de vous à moi, il semblerait qu’on n’aime pas grand monde dans le quartier. Ce chaleureux message de bienvenue vous est adressé par la communauté de Méa Shéarim, le quartier des Haredim. C’est ainsi que l’on nomme l’ensemble assez flou de mouvances ultra-orthodoxes et ultra-conservatrices de la religion juive.

dimanche 6 janvier 2013

On a testé : Ben Gurion International

«Welcome to Israel!», proclame chaleureusement (“shalomeusement”, si vous me passez le jeu de mots) le grand panneau aux couleurs vives à l’attention des passagers tout juste sortis de la passerelle de débarquement.

«Ben Gurion Airport: Pride of Israel», renchérit solennellement un sobre mais imposant bas-relief couleur ocre, après une interminable enfilade de couloirs et de halls ultra-modernes, aérés, lumineux.

«Toi, tu vas grave morfler avec la sécurité de l’aéroport de Tel Aviv. Prépare-toi à subir le pire interrogatoire de ta vie.» Cette troisième proclamation, en revanche, vous ne risquez pas de la trouver fièrement placardée sur quelque mur ou façade de l’aéroport international de Tel Aviv. Ces mots, ce sont tout simplement les menaces persistantes, les inévitables avertissements, les inquiétantes vaticinations, que j’ai entendus moult fois de la bouche de maints augures, et qui bourdonnent confusément entre mes oreilles, dans quelque cavité fascinée et apeurée de mon cortex, alors que le tapis roulant m’achemine paisiblement vers Dieu sait quel agent du Mossad tapi dans un bureau poussiéreux du service de l’immigration, craquant bruyamment ses doigts avec une délectation sadique à l’idée de m’envoyer au tapis au onzième round de questions-réponses, et de jeter mon passeport au broyeur à papiers.

Comme le dit l’adage bien connu, un homme averti 36 fois en vaut 72.

Bienvenue à l'aéroport international Ben Gourion de Tel Aviv

D’ailleurs, à peine ai-je laissé derrière moi le panneau «Bienvenue en Israël» qu’un avant-goût de cet accueil musclé se présente, sous les traits d’une jeune femme blonde au visage sévère, si menue au milieu d’un quatuor d’observateurs en uniforme scrutant attentivement les débarqués de frais en Terre Promise, que je ne l’aurais probablement pas remarquée si elle n’était pas venue, d’un pas agile quoique déterminé, se planter devant moi avec autorité, barrant ma progression au sein du peloton des arrivés, et ne m’avait pas intimé, sur un ton martial, toute une série d’ordres ne souffrant nulle contestation. «Halte. Votre passeport s’il vous plaît. Ouvrez votre sac et déshabillez-vous. Intégralement. Il n’y a pas de mais».
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