mardi 28 décembre 2010

Conversation innocente entre collègues

– Ça le fait de boire du Sekt pendant la pause déjeuner ? On n'a pas le droit de boire de l'alcool pendant les heures de bureau il me semble ?
– Bah si aucun de nous ne va le répéter, y'a pas de raison pour que les RH ne l'apprennent.
– Pourvu que personne de la boîte ne nous capte au restaurant... on ne s'est pas beaucoup éloigné du bureau, dites.
– Eh oh, c'est fini oui, le rabat-joie ! C'est pas tous les jours qu'on fête Noël, une promotion de Tanja et la mutation de Paola en Thaïlande tout de même ! Et puis de toute façon c'est pas une malheureuse bouteille pour six qui va plomber notre productivité déjà proche de zéro... Les gens ils n'ont plus que leurs courses de Noël en tête.
– Heureusement pour nous qu'on n'est pas des Asiatiques. Enfin, je vais vous dire un truc qui a l'air un peu raciste mais en France il y a cette croyance tenace selon laquelle les Asiatiques tiennent beaucoup moins bien l'alcool que les gens normaux, pardon, je veux dire, que les non-Asiatiques. Sûrement un truc lié à leur constitution physique, euh, vous savez, quoi, allez, dites quelque chose siouplé...
– Il n'y a pas qu'en France que vous pensez cela et d'ailleurs ça n'a rien de particulièrement raciste : toute une série d'études scientifiques ont prouvé que les Chinois et les Japonais ont une particularité qui les rend capables de supporter de moins grandes quantités d'alcool. Je crois avoir lu qu'il y a un truc qui leur manque, je sais plus exactement, une hormon...
– Ils n'ont pas de foie ???

Eh oui parfois ça vole drôlement haut dans les cercles d'expats privilégiés de Berlin.


jeudi 23 décembre 2010

Introspection à la fête foraine

Il y a quelques semaines, à une époque lointaine où l'on pouvait encore se permettre de superposer moins de quatre couches de vêtements pour une expédition kamikaze au "Viv Bio-Markt" au coin de la rue, et où j'étais bien loin d'imaginer qu'un jour j'envisagerais le port de bottes plateaux façon drag-queen comme ultime recours pour ne plus m'enfoncer jusqu'à mi-mollet dans la neige là où auparavant se trouvaient des trottoirs (au fait, pour mémoire, c'est l'hiver depuis avant-hier seulement), je vous gratifiais d'une liste non exhaustive, et non définitive, des principes que j'ai reniés, bien à mon corps défendant, au cours de ces deux années presque et demi en ma qualité d'immigré / expat dans la métropole prussienne. Tiens, il faudra d'ailleurs qu'on m'explique un jour la différence entre immigré et expat, sur des critères un peu plus scientifiques qu'une peau basanée (oups), un accent turc, ainsi qu'une moustache ou un voile, ou le tout à la fois. Si j'ai bien compris, "immigré", c'est bon pour ces satanés Turcs qui parlent fort et ne-veulent-pas-s'intégrer. Expat, c'est pour ces Américains ou ces Australiens trop sympas qui parlent fort (car ils sont trop sympas) et ne voudraient surtout pas apprendre un mot d'allemand à part "zwei Bier bitte", enfin, ils voudraient bien mais ça demande un effort. Puisqu'on vous dit que ça n'a rien à voir.

Eh bien voilà, depuis cette époque mythologique où les pelouses étaient vertes, j'ai rechuté : j'ai encore renié un autre principe. Pas plus tard que cette semaine. En bon immigré modèle soucieux de s'intégrer dans son pays d'accueil et de ne pas s'attirer les foudres de Horst Seehofer (le ministre-président de Bavière, grand défenseur d'une certaine idée de l'Allemagne), je me suis rendu à la fête foraine. Un soir de décembre. Par -13°C. De mon plein gré de surcroît. J'ai trouvé le concept de fête foraine de Noël assez intéressant: il y a bien sûr un marché de Noël tout à fait normal, avec ses huttes en bois, ses Thüringer Bratwurst, son Glühwein, ses friandises, et juste à côté, des montagnes russes et tout plein d'autres manèges pour les petits et les grands. Grâce à ces derniers, ce marché de Noël attenant à l'hideux centre commercial Alexa est le seul à Berlin où on a, en guise de fond sonore, non pas l'omniprésente musique de Noël avec force cloches et grelots, mais des hurlements à la mort et des cris de goret. Ambiance.




Ah, en plus dans la vidéo ci-dessus, si vous faites bien attention vous verrez qu'il s'y passe un incident, peu avant la fin : un pickpocket est poursuivi par sa victime qui essaye de courir mais n'arrête pas de se vautrer piteusement dans la neige, tandis qu'une femme dit "Haltet ihn!" ("Arrêtez-le !"). Malheureusement, avec le vacarme ambiant, les badauds, y compris moi, se rendent compte bien trop tard de ce qui se passe pour pouvoir faire quoi que ce soit d'utile et tenter de rattraper l'agile malfaiteur, déjà bien loin, sur un sol particulièrement traître. Tragique. Noël à Alexa, c'est des poussées d'adrénaline non-stop.





Un sujet de réflexion intéressant est la dynamique du principe renié : en gros, comment cela se produit-il ? Ce n'est pas si simple quand on y pense. D'abord, il y a le moment où l'on prend conscience d'avoir un principe. Bien entendu, je n'ai pas grandi au soleil de Martinique en jurant "Jamais de la vie je n'irai à la fête foraine par -10°C, c'est promis Maman" ou bien "Dieu me garde de me promener un jour dans la rue avec une bière à la main". Ce sont des choses qu'on ne peut même pas concevoir avant de découvrir qu'il existe des lieux de perdition où ces pratiques décadentes ou saugrenues sont monnaie courante. Il y a donc le moment de découverte, puis vient l'incrédulité, et ensuite le rejet massif teinté de condescendance : "Quoi ? il font ça ? Ils sont complètement mabouls ces gens. Franchement, jamais je ne ferai un truc pareil". Mais à force de voir la bizarrerie en question, par exemple la fête foraine de l'Avent à Alexanderplatz qui ne désemplit pas, hiver après hiver, à force de ne lire dans les journaux aucune histoire de vague de décès tragiques sur la grande roue, imputables à l'hypothermie, on finit par s'y habituer et à ne plus y voir une hérésie. Et un jour arrive le moment fatidique où l'on propose (oui, l'idée venait de moi) à ses amis : 

– Tiens, et si on allait faire un tour de manège à Alexanderplatz ? 
– Oui mais il fait un peu froid quand même non ? 
– Ouais bien sûr mais s'il fait trop froid on ira se réfugier dans un café après avoir bu un bon Glühwein ou quatre sur place. De toute façon on porte tous six épaisseurs de vêtements donc on pourra survivre au moins 15 minutes dehors non ? 
– OK, super idée !

Et le tour est joué.

L'expérience de la fête foraine en elle-même n'a rien de si traumatisant malgré la température. Comme pour toute activité pour laquelle il est nécessaire de passer plus de deux minutes à l'extérieur, on n'a qu'à porter tous ses habits à la fois et tout se passe bien. En fait, on s'y est bien amusé, et ce n'est pas le froid qui nous en a chassés mais un concert imminent au Festsaal Kreuzberg. Et puis il y a bien sûr la satisfaction d'avoir fait quelque chose de nouveau et d'un peu fou quand même. High five, Janne !




JOYEUX NOËL À TOUS ! Et à très bientôt sur les Chroniques !

mardi 21 décembre 2010

Oncle Ben, tu nous Soul

Au risque, tout à fait assumé, de décevoir les nombreux inconditionnels du basmati parmi vous, il ne sera pas question d'une célèbre marque de riz made in USA aujourd'hui. Une autre fois peut-être ?



Une fois de plus, nous parlerons musique (j'entends d'ici les "Ooooooh !" de déception de ceux qui espéraient quand même un exposé savant sur le riz, sa culture, sa production, sa commercialisation). Ce weekend encore, pour les Berlinois amateurs de musique soul, the place to be c'était le Festsaal Kreuzberg. Samedi soir s'y déroulait la soirée Soul Explosion, comme le mois dernier. Il semblerait qu'elle ait déserté le Pavillon im Friedrichshain et établi ses quartiers d'hiver au Festsaal. Cependant, ce mois-ci j'ai fait l'impasse sur Soul Explosion, ayant préféré saisir une occasion unique d'aller à un mariage allemand. Tout compte fait, c'est comme un mariage français, la bière en plus, les rocks versaillais en moins et une bonne quinzaine de degrés en-dessous de zéro à l'extérieur, ce qui avait une incidence très nette sur la tenue des convives ("Moonboots ou talons aiguilles ?" "Chaussettes Quechua en laine ou Burlington ?" "Chapka en poil de castor ou élégante toque à fleurs ?"), mais toujours cette flopée de discours et de projections de photos et de vidéos d'enfance les moins flatteuses qui soient pour les pauvres mariés. Et en matière de photos peu flatteuses, les Allemands y connaissent un rayon. Mais passons.

Dimanche, c'était encore soirée soul au Festsaal Kreuzberg, avec cette fois un grand concert de l'étoile montante Ben L'Oncle Soul, jeune chanteur tourangeau de 26 ans. Il n'a sorti qu'un seul disque, mais c'est déjà une petite célébrité en France mais aussi en Allemagne, puisque c'était son deuxième concert à Berlin. Et les raisons ne manquent pas pour expliquer leur succès :




Une voix convaincante et vraiment soul, un groupe très pro, aussi bien les musiciens que les choristes / danseurs, un jeu de scène très drôle et une très grande interaction avec le public : à ce concert, on s'amuse vraiment et on vibre à la fois. Cette fois, j'en étais. Ici, une reprise étonnante pour ceux comme moi qui n'avaient pas écouté tout le CD avant de venir.




Nous avons donc eu surtout droit aux reprises de chansons célèbres qui ont propulsé Ben et son groupe sur les devants de la nouvelle scène soul, agrémentée d'un très grand nombre d'improvisations. Le concert n'a pas été bien long, mais il a sacrément donné la pêche. Et puis, après tout, nous étions dimanche soir et il fallait bien rentrer à la maison, de préférence pas trop tard.




Comme d'habitude, le concert s'est terminé par le gros hit le plus connu du groupe. Mais nous étions déjà tellement satisfaits que pour ma part je ne l'attendais même plus. Et puis il faut dire qu'au bout du sixième rappel, on commence à se faire une raison et à se préparer à partir.



Après le concert, le retour à la réalité fut un choc : passer des 35°C dans le Festsaal au comble du bonheur aux -10°C dehors... Allez, encore vingt minutes à vélo sous la neige et j'étais enfin rentré !



vendredi 17 décembre 2010

Funérailles à l'andalouse

Attention, ce post va commencer par une pensée très profonde. Préparez-vous.

Dans la vie, il nous arrive parfois de traverser des épreuves difficiles (vous étiez prévenus). Au nombre desquelles, enterrer ses parents. J'en profite pour avoir une pensée particulière pour quelques amies chères... Aux dernières nouvelles, mes parents vont très bien, ne vous inquiétez pas [Touche du bois]. J'espère que les vôtres aussi [Touche du bois]. On ne peut malheureusement pas en dire autant de la jeune, belle et célèbre chanteuse de flamenco, Estrella Morente, si célèbre qu'elle a même sa page Wikipédia en français.


Estrella Morente

Quoi, vous ne la connaissiez pas ? Tssss... Allez, je vous fais une confidence, mais gardez-la pour vous : jusqu'à ce mercredi, moi non plus. Pourtant, j'aurais dû, et vous aussi, car c'est elle qui a prêté sa voix à Penélope Cruz pour ses chansons dans le film Volver de Pedro Almodóvar, que nous avons tous vu et adoré en 2008, non, en 2006, il y a quatre ans déjà ! Donc je m'apprête à semer la consternation parmi vous. Dans l'extrait qui suit, et qui nous a tous émus aux larmes, ce n'est pas Penélope qui chante, mais bien Estrella Morente, une chanteuse de 25 ans à l'époque et déjà étoile montante du flamenco.




Eh bien cette semaine, l'Espagne, Grenade et Estrella ont pleuré la disparition du grandissime cantaor andalou Enrique Morente, à la célébrité planétaire, qui n'était autre que le père de cette dernière, et que bien sûr je ne connaissais pas du tout puisqu'il n'a jamais chanté dans aucune BO de film d'Almodóvar. Quoi qu'il en soit, Estrella, 30 ans maintenant, au lieu de se cantonner dans un rôle d'orpheline prostrée et inconsolable, ne s'est pas contentée de pleurer de la mort de son père : elle l'a aussi chantée, ce mercredi, en live, devant les caméras et les centaines de personnes présentes aux funérailles.




Cet extrait passait en boucle sur les chaînes de télé espagnoles hier. Il me laisse admiratif mais aussi quelque peu dubitatif, car c'est assez inhabituel. Elle est admirable cette jeune femme, qui, malgré sa douleur, trouve la force de chanter avec une telle puissance en hommage à son père. Je comprends moins les olés et les applaudissements du public comme à la corrida, la grandiose théâtralité de l'événement... Il serait malvenu de mettre en doute la sincérité de cette manifestation et des sentiments exprimés, mais tout ceci, vu avec mes yeux de non-Andalou, me laisse immensément perplexe, malgré des années d'étude de la langue et de la civilisation espagnoles. Mais si on fait abstraction de ce côté "show de la mort", l'émotion véhiculée par ce chant me touche aussi, et même moi qui ne connaissais pas Enrique Morente, je me surprends à ressentir de la tristesse en écoutant le cante à la voix cassée de sa fille. Ouf, je n'ai pas encore complètement un cœur de pierre même après trois hivers à Berlin !

Only in Spain, tout de même, serait-on tenté de dire.

Allez, finie la parenthèse espagnole. Je suis rentré à Berlin ce soir... vive la neige !

mercredi 15 décembre 2010

El Costo de la Vida

J'ai un air de merengue dans la tête. Un "Ohrwurm" comme disent les Allemands : une chanson qui me trotte dans la tête, m'obsède et ne veut pas s'en aller. Cet air, c'est El Costo de la vida, de l'immense chanteur dominicain Juan Luis Guerra, célèbre dans toute la Caraïbe, l'Amérique latine et sûrement bien au-delà. Je m'abstiendrai de faire des commentaires si certains d'entre vous ne connaissent pas, promis.




Si j'ai cet air festif en tête, ce n'est pas à cause des soirées salsa à la Kulturbrauerei que je me suis promis de tester avec mes collègues, et auxquelles je ne suis toujours pas allé. C'est à cause de l'expérience que je viens de vivre au Mesón Madrid Jabugo I. J'y suis retourné ce soir sur les coups de 23h (après l'avoir découvert un soir par hasard cet été), affamé et vaguement inquiet d'y trouver porte close. Alléluia, c'est l'Espagne après tout, et même un soir de semaine, par une froide nuit de décembre, dans un quartier pas particulièrement vivant de Madrid, on entre au restaurant à 23h et le deuxième service vient à peine de commencer. Je me suis senti bête d'avoir été inquiet. ¡Viva España! Le Mesón Jabugo est un restaurant assez connu dans le quartier de Tetuán, qui sert des spécialités de charcuterie espagnole. Il pourrait tirer son nom du jamón de Jabugo, un des grands jambons ibériques, chers comme des grands vins, mais je n'en sais trop rien en fait. Au menu, rien que des choses super saines : chorizo frit dit "jabuguito", solomillo (une sorte d'escalope de porc vraiment bonne), œufs au plat, frites, un poivron, frit bien entendu, et 20 centilitres d'huile d'olive au fond de l'assiette. Et bam ! 5.000 calories dans ta face ! Ah, avec un verre de Rioja por favor. Après un tel festin hautement diététique, me sentant satisfait mais un peu lourd, j'ai décidé de commander un dessert.

– Nous avons du flan, du pudding, de la crème brûlée, du gâteau au chocolat, du pain perdu caramélisé, de la tarte au caramel, du gâteau de patate douce, des enclumes au sucre glace et la spécialité de la maison : des galettes d'argile caramélisées avec un coulis de cerises.
– Vous auriez quelque chose de, euh... léger ? À base de fruits par exemple ?
– Ah non désolé.
– C'est bien dommage.
– Si vous insistez, on peut vous donner une pomme ou une poire.
– Parfait, une pomme s'il vous plaît !




J'ai donc reçu ma pomme, bien servie, bien présentée. Puis, étant enfin prêt à m'en aller : la cuenta por favor. Et là, c'est le drame.




4,75 € la pomme !!! Priceless, comme dirait monsieur Mastercard. Le prix de deux döner kebab, ou d'un brunch dans certains établissements de Kreuzberg ! Et dire qu'en Syrie je payais 0,50 € pour un kilo de mandarines fraîches...

– D'où vient la pomme ?
– Elles sont produites dans la région.
– Ah OK.
– Elle était bonne, hein ?
– Oh oui, très bonne. Mais assez chère aussi non ?
Ay, sí señor.

Jambons de Jabugo

Alors voilà, comme l'a si bien chanté Juan Luis, ou comme il aurait pu le chanter en de telles circonstances :

El costo de la vida sube otra vez
El [euro] que baja, ya ni se ve
Y las [manzanas] no se pueden comer
Ni una libra de arroz, ni una cuarta de café

mardi 14 décembre 2010

Excellente nouvelle

Oyez braves gens ! Du fin fond des ténèbres de l'hiver berlinois, une lueur d'espoir resplendit dans le ciel comme l'étoile du berger. Hier, 13 décembre, était le jour de la Sainte-Luce. Et comme dit le proverbe :

"À la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d'une puce".

Évidemment n'est pas entièrement vrai, car les jours décroissent encore jusqu'au solstice d'hiver le 21 décembre, MAIS la part de vérité dans ce proverbe c'est que le soleil ne se couchera pas une minute plus tôt qu'il ne l'a fait hier (15h52), c'te feignasse. C'est toujours bon à prendre.

Alors bonne fête en retard à toutes les Luce, Lucie, Lucile, Lucía, porteuses de ce nom plein d'espoir !

dimanche 12 décembre 2010

Mon Präsident, ce héros

On l'oublie souvent, mais l'Allemagne n'est pas encore tout à fait un matriarcat dirigé par des femmes à poigne, valkyries castratrices et ménopausées, même si elle est en bonne voie de le devenir. L'observateur peu avisé pourrait s'y laisser prendre, remarquant avec raison que la chancelière, Mme Merkel, préside impérieusement aux destinées de la grande nation germanique et a même été sacrée "femme la plus puissante du monde" quatre années d'affilée par le magazine Forbes, tandis que la génération d'étoiles montantes, de Renate Künast et Halina Wawzyniak à gauche, à Vera Lengsfeld et Ursula von der Leyen à droite et à Erika Steinbach encore plus à droite (et plus à l'est aussi), est principalement féminine, les dents longues certes, mais la féminité et la sensualité à fleur de peau.



Malheureusement, l'observateur distrait pourrait manquer la pièce maîtresse de l'échiquier politique allemand : au-dessus de cette basse-cour de politiciennes jacassantes et caquetantes trône discrètement, et à l'insu de beaucoup hors des frontières allemandes, UN président de la République Fédérale. Bien évidemment, ce n'est pas un Sarközy à la teutonne, braillard et agité du bocal, puisque c'est la chancelière qui porte la culotte, tandis que Christian Wulff, le nouveau Bundespräsident intronisé après la démission surprise du président Horst Köhler au printemps et le long psychodrame de l'élection de son successeur, remplit avec dignité, dans l'ombre, le rôle purement honorifique et protocolaire que lui confère la Constitution allemande. Le président fédéral est prié de ne pas trop faire parler de lui, de ne pas trop tremper dans le cambouis, de faire quelques gaffes amusantes de temps en temps pour faire rire (comme le "Mesdames, Messieurs, chers Nègres" de feu Heinrich Lübke au Liberia en janvier 1962), et de prononcer de temps à autre des discours lénifiants sur un ton placide lors des manifestations importantes. Tout ceci lui assure en général le statut enviable de personnalité politique la plus populaire et respectée de la nation.

Mais Herr Wulff, ce jeunot de 51 printemps à peine, soit seulement 7 ans de plus que l'âge médian d'une population allemande vieillissante, et avocat de profession (tiens, tiens), a trouvé une stratégie sacrément novatrice pour créer le buzz et ne pas croupir plus longtemps dans l'oubli exquis où le cantonne sa fonction : avoir l'audace qui sied à sa jeunesse, et susciter la controverse.

Der Bundespräsident - Photo : SpiegelOnline

Ainsi, le 3 octobre dernier, à l'occasion des festivités officielles célébrant la fête nationale et les vingt ans de la réunification, le Präsident, que personne n'attendait au tournant, en a étonné plus d'un en affirmant que l'islam "fait désormais partie de l'Allemagne", au même titre que le christianisme et le judaïsme. L'Allemagne était alors en proie à un débat empoisonné sur "l'immigration" et "l'intégration", comme d'ailleurs beaucoup d'autres pays d'Europe, et cette petite phrase gentillette et bien intentionnée, loin de passer inaperçue comme tout ce que dit ou fait le président d'habitude, loin de calmer les esprits et de ramener chacun à la raison, a contribué à alimenter l'hystérie. Les diatribes xénophobes ont redoublé d'intensité, les tabloïds à grand tirage en ont fait leurs choux gras et attisé les instincts les moins nobles de leur lectorat ventru en Lederhosen, et l'onde de choc de cette déclaration bienveillante s'est propagée très loin des rives tranquilles de la Spree, causant l'indignation des uns, tel ce site néo-zélandais haineux qui l'a qualifié de "traître" et de "dhimmi", rien de moins (eh oui, les Néo-Zélandais s'en mêlent ! "WTF" est la réaction qui vient instantanément à l'esprit), mais aussi l'admiration de beaucoup d'autres, bien sûr. Même le presque respectable Figaro y a apporté son grain de sel, avec cet article au titre choc : "Berlin réunifié fête ses vingt ans en saluant le rôle de l'islam". On imagine le nombre de lecteurs en chemise vichy et de lectrices en collier de perles qui ont recraché leur café du matin sur leur nappe Marquise de Laborde immaculée à la lecture de cette manchette. Outre le fait qu'il s'agissait des vingt ans de la réunification de l'Allemagne, pas de Berlin, Le Figaro a fait l'impasse sur les nombreux débats, plus raisonnables, qui entouraient cette commémoration forte en symboles : le coût de cette réunification, la difficile convergence entre l'Est et l'Ouest, le désenchantement pour beaucoup, etc. Non, l'essentiel des problématiques de ce Tag der deutschen Einheit millésime 2010 était une petite phrase inoffensive de Wulff superstar.

Quelques mois ont passé, les Allemands n'aiment toujours pas beaucoup les musulmans mais le soufflé a fini par retomber. L'hystérie s'est calmée, on peut passer presque une journée entière sans entendre le nom de Thilo Sarrazin, ni de jérémiades de Schmidt, Schulz et Schneider sur ces maudits Turcs-qui-ne-veulent-pas-s'intégrer, et les tabloïds, ayant remporté la bataille de l'opinion, ont magnanimement pardonné au président ce moment de folie passagère. Est-il pour autant retombé dans l'oubli dans lequel tout le monde voudrait qu'il reste ?

Que nenni.

Le X-Men Wulfferine a encore frappé. Cette fois, c'est une tout autre frange de la population, mais qui comme les immigrés est loin de faire l'unanimité, qui est à l'origine de ses déboires. En effet, le Präsident devient automatiquement le parrain du septième enfant de chaque famille allemande, en conformité avec une loi votée en RFA en 1949. Mais que faire lorsque la famille en question est très connue dans sa région pour son engagement au sein de l'extrême-droite néo-nazie ? Rien du tout, a décidé le bureau du président, puisque c'est l'enfant qui est à l'honneur lorsqu'il devient le filleul du Bundespräsident, pas sa famille et encore moins les convictions politiques de celle-ci, quelles qu'elles soient. Donc on fait comme d'habitude et l'enfant a droit à son parrain VIP prévu par la loi. Une telle décision n'a pas été du goût des politiciens locaux, dans le Land du Mecklenburg-Vorpommern (ou "Mec-Pomme" pour les intimes), une région rurale déshéritée de l'Est qui tente de contenir tant bien que mal la poussée de fièvre xénophobe et nationaliste du NPD. La polémique a enflé, des personnalités de gauche indignées ont reçu des menaces de mort, et le président a botté en touche, s'abstenant, comme l'a noté la presse, de faire un petit détour par Lalendorf pour rendre visite à son nouveau filleul alors qu'il était en déplacement dans la région cette semaine.

Il est facile de comprendre pourquoi il a préféré éviter cette visite, ce fringant Beowulff : cela pourrait faire désordre. On imagine la honte pour lui d'être accueilli à cris stridents de "Heil mein Präsident!", bras droit tendu en avant dans un claquement de bottes, par les parents du petiot.

jeudi 9 décembre 2010

Monday Management Meeting

Le gros événement rock de la semaine, c'était le bien sûr le concert du groupe "psychédélique" (je m'y perds dans les subtiles tendances du rock, entre "indé", "alternatif", "progressif" et toutes ces autres épithètes sibyllines ; la vache, mais qui a entendu parler de Nintendocore ? De Melodic Death Metal ?? Ce truc de ouf). Reprenons le fil : le concert du groupe de rock psychédélique new-yorkais MGMT à la Columbiahalle, salle sympathique à Kreuzberg, grande mais à taille humaine, en ce jour de la St-Nicolas.

MGMT, c'est drôlement bien trouvé comme nom. Ça a le côté pratique de permettre à des collègues jeunes et cool dans leur tête de s'échanger tout plein d'e-mails sur leur boîte pro avec "Mgmt Event" en titre, ni vu ni connu. Et si d'aventure le chef aperçoit lesdits e-mails sur l'écran d'ordinateur, il est amené à croire que l'échange a trait à des sujets tout à fait corporate alors qu'il est question du concert où les sous-fifres se rendront le soir même au lieu de créer de la valeur pour l'actionnaire. Hihi, sehr sehr schlau. Quand je serai grand et que je créerai mon groupe de rock, je lui donnerai un nom similaire, comme par exemple "The IT Dept", ou "Les Clôtures Trimestrielles", ou encore "Les Présentations Ppt à Finir Pour Demain 8h" ou alors "The Key Performance Indicators", etc. Ainsi nous n'aurons aucun mal à attirer un public de jeunes cadres dynamiques à la carrière plus ou moins prometteuse. En plus ça en jettera un max comme nom. On pourrait même porter des costumes Hugo Boss et donner des concerts en visioconférence pour ces mélomanes avertis mais surmenés qui n'auraient pas le temps de se traîner jusqu'à la salle de concert entre deux avions, trois executive committee meetings, quatre séminaires de team-building & brainstorming et une escapade romantique à Rügen avec leur maîtresse lituanienne pendant que Bobonne se sacrifie à la maison à Charlottenburg pour garder la marmaille bruyante. Attention, je crois que je tiens là un concept. Je vais creuser l'idée en privé.




Mais revenons à ce concert. MGMT, c'est un groupe à l'histoire banale, des jeunes qui se sont rencontrés sur un campus américain, et au lieu de jouer au football pour choper ils ont commencé à jouer du rock ensemble (et ont sûrement réussi à choper quand même). Grâce au sensationnel matraquage musical de la radio OuiFM en 2008, j'ai fini par devenir fan, par la force des choses. Lundi soir à la Columbiahalle, MGMT a eu l'excellente idée de jouer les chansons que je connaissais, qui étaient principalement du 1er album, Oracular Spectacular. D'habitude, lorsque je vais au concert, les artistes s'obstinent à jouer les nouveaux morceaux et refusent de jouer mes titres préférés. Cette fois-ci, par contraste, je m'en suis sorti avec bien cinq ou six morceaux que je connaissais, un record personnel ! Merci OuiFM. Il y avait évidemment une flopée de titres du nouvel album que je n'avais jamais entendus mais qui étaient bien sympas à découvrir dans le cadre de ce concert.

Time to Pretend - Attention, grosse qualité de vidéo ! Ou pas.




L'ambiance était très bonne, le public à fond, l'interaction des artistes avec l'audience, correcte quoique assez limitée. Cependant, après la prestation de Cocoon, au Privatclub en mai dernier, leur snobisme sur scène et leur démonstration de suffisance ("typiquement française" aux dires de tous mes amis et collègues, histoire de remuer le couteau dans la plaie), eh bien par comparaison tout semble nettement mieux. Dommage quand même, Cocoon.



Electric Feel en live


À mon humble avis, qui vaut son pesant de cacahuètes en matière de musique, l'acoustique n'était pas franchement bonne dans la salle. J'avais souvent l'impression d'entendre des bruits parasites à l'endroit où je me tenais avec mes collègues Janne* la Hollandaise et Steven* le Canadien. Peut-être étions-nous au pire endroit de la salle. Cependant, mes films restituent le ressenti sonore encore moins bien, hélas. La voix des chanteurs semblait un peu juste aussi. Est-ce une question d'acoustique ou bien un chat dans la gorge, difficile à savoir. Toujours est-il que Janne et moi n'avons pas vraiment été pétrifiés par la puissance vocale des chanteurs. La prochaine fois, on ira écouter Garou pour une voix qui démonte les horloges, tabarnac'.


The Youth

De façon prévisible, le bouquet final, avant les rappels, c'était Kids. Vous souvenez-vous que cette chanson a été à l'origine d'une action en justice de MGMT contre l'UMP ? Un certain parti pour qui le paiement des droits d'auteur est l'une des problématiques les plus fondamentales du XXIème siècle avait malencontreusement oublié de rémunérer les artistes pour l'utilisation de leur œuvre à des fins de communication. Devinez qui a gagné ? Quoiqu'il en soit, MGMT a eu la délicatesse de ne pas faire allusion à cet épisode navrant qui ne grandit pas nos politiciens. L'heure était à la musique, à la fête, et pas aux règlements de comptes mesquins. Cette version live pleine de punch et d'impros savamment préparées et répétées était une vraie libération pour le public qui n'en pouvait plus d'attendre le hit que tous voulaient entendre.



Argh, je viens de réécouter toutes mes vidéos et elles sont vraiment horribles. Sorry !

* Les noms ont été changés

mardi 7 décembre 2010

À vous qui allez fêter Noël, heureux et insouciants...

Attention SCOOP ! Les Berliner Fenster, ce système de divertissement et d'information à bord des métros berlinois, qui fournissent aux voyageurs transis, harassés, en hypothermie chronique la matière leur permettant le temps d'un voyage d'oublier la grisaille de leur quotidien et de leur rappeler qu'ils vivent dans le congélateur à ciel ouvert le plus chouette et funky au monde, et de loin (sauf lorsqu'ils montrent le bulletin météo), ont divulgué ce lundi soir une nouvelle qui va sûrement vous abasourdir :

Matt Damon ne veut pas de cadeau de Noël.



En plus il a 40 ans.

Voilà, c'est l'info en question. Désolé l'image est un peu floue, mais ça secouait sur la U1 entre Warschauer Straße et Schlesisches Tor. Et puis j'ai dû prendre la photo en même temps que j'encaissais ce choc terrible. La petite fille à côté de moi a fondu en larmes à la lecture de cette info consternante, le hipster androgyne maigrichon en jean rouge ultra-moulant American Apparel en face, stupéfait et incrédule, en a laissé tomber sa bouteille de "Club Mate" qui s'est brisée sur le sol dans l'indifférence générale, et un frisson d'effroi a parcouru tout le wagon cahotant. Lorsque j'ai sorti mon téléphone pour photographier l'écran, on m'a fusillé du regard à cause de ce geste désinvolte et ce manque de respect flagrant envers la personne de Matt Damon.

Quand on pense que Thilo Sarrazin a osé accuser les immigrés musulmans et leur descendance d'être responsables de "l'abrutissement" de l'Allemagne, on a envie de hurler d'indignation, si on ne l'avait pas encore fait. Les Allemands y arrivent tout seuls, à s'abrutir, merci pour eux. À moins que les Berliner Fenster et le tabloïd local à grand tirage BZ, leur complice, leur âme damnée, et puis des centaines d'autres journaux, chaînes de télé et médias de qualité, euh, moyenne, ne soient bien entendu infiltrés et manipulés par des détachements de Turcs et d'Arabes à l'œil torve, aux oreilles poilues et aux noirs desseins : ils ont juré la perte du peuple allemand et œuvrent sans relâche, nuit et jour, dans ce but précis. C'est sûrement ça la vérité.

C'est bizarre, ce genre de théories, quoique tout à fait fondées, me rappellent vaguement quelqu'un. Sacré Thilo va.

lundi 6 décembre 2010

Les leçons de Rotterdam

Où l'on apprend avec humilité qu'en hiver, le froid polaire et la neige ça existe aussi ailleurs qu'à Berlin, même dans la très maritime Hollande qui pourtant devrait être une sorte de Bretagne, pluvieuse et verdoyante, les tulipes en plus, et le lisier de porc et problèmes associés en moins. La prochaine fois on ira fuir le froid berlinois sous des cieux réellement plus cléments !

Tempête de neige sur le Delfshaven gelé

Où l'on apprend  avec satisfaction que la lutte contre le racisme, dans le métro de Rotterdam ce n'est pas un vain mot. À Berlin non plus, même si parfois tout de même la machine se grippe et l'on peut faire de sacrément mauvaises rencontres.


Métro "Blaak", Métro "Beurs" : Rotterdam célèbre subtilement la diversité !

Où l'on apprend avec un irrépressible haut-le-cœur que les Hollandais ont des habitudes alimentaires plus que suspectes. Contrairement aux Allemands, par exemple.

"Les sandwiches les plus savoureux sont en vente dans cette station !"
"Lekker", indeed.

Où l'on apprend avec étonnement que l'on peut faire tenir une boule de billard en équilibre sur trois queues. Dire que sans cette sculpture drôlement précaire nous serions passés devant le Poolcafé Delfshaven sans même le remarquer !

Poolcafé Delfshaven


Où l'on apprend avec un début de vertige (en parlant d'équilibre précaire) que les maisons d'habitation s'élevant banalement à la verticale par rapport au plancher des vaches, c'est complètement ringard et has been.

Les bien singulières "Cubic Houses" de Rotterdam
Elles sont bien sûr habitées et se visitent aussi.
L'intérieur fait un peu cabine de bateau, mais
tout en angles de travers. Faut aimer...


Où l'on apprend en tombant des nues qu'il existe des villes aux Pays-Bas sans quartier rouge, sans canaux ou presque, sans coffee-shops ou presque, sans maison d'Anne Frank, sans hordes de touristes et tout ça. Non, ce n'est pas un élément constitutif obligatoire de l'urbanisme hollandais. Mais pour un weekend, ça va malgré tout, car ce qui compte c'est d'être en bonne compagnie !



vendredi 3 décembre 2010

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit l'Allemagne...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit l'Allemagne,
Je partirai. Vois-tu, mon gentil chef m'attend.
J'irai par le M10, j'irai par le U-Bahn ;
Je ne puis demeurer dans mon lit plus longtemps.

Je marcherai, sans me vautrer sur la chaussée,
Sans rien voir au-dehors que la neige et la nuit
Seul, le pas lourd, emmitouflé, frigorifié,
Sur la couche poudreuse qui étouffe les bruits.

Je ne regarderai ni les punks qui se droguent,
Ni ces marchés au loin, chaleureux et rieurs,
Et quand je rentrerai, je mettrai sur mon blog.
Des photos de l'hiver, d'un Berlin sans couleur.

Hinterhof, 7h30. Le vélo, on laisse tomber cette semaine...


Balkon, 7h10. Je crois que ma menthe et ma lavande sont fichues...



Vue sur Friedrichshain, 7h10.
Je ne donne pas cher du romarin et du thym non plus, à vrai dire.


7h45. Ah zut alors. Moi qui avais tellement envie de prendre mon petit déj
sur le balcon ce matin !


Les collègues hollandais font une bataille de boules de neige
("sneeuwballengevecht") à la pause déjeuner.
Au bureau ! Ils sont fous ces Hollandais.





Le fauteuil abandonné de la Kreutzigerstraße

AVANT :

Ça c'était dimanche soir je crois
  


APRÈS :

Et là, jeudi soir.


La Spree est en train de geler, le Landwehrkanal et Wannsee le sont déjà. Vive la saison du patin à glace grandeur nature !

mercredi 1 décembre 2010

Pour changer un peu de sujet...

Ils n'ont que ça en tête ! Il ne parlent que de ça ! C'est fou ! C'est l'obsession ! Au secours ! Hilfe !

Ils ne parlent que de quoi ? De sexe ?

Mouais, évidemment. Mais bon ça ce n'est pas une nouveauté. Non, c'est autre chose. C'est dans l'air du temps. C'est bien plus pesant. Plus oppressant. Plus déprimant.

De quoi alors ? Des non-révélations fracassantes de Ouikilix le Gaulois sur les épanchements top-secrets de Caïus Julius Baracus Obamus César, Angela Merkléopâtre, Sarkogétorix et des autres grands (et moins grands) de ce monde ?

Oui, on en parle un peu mais en fin de compte le petit peuple dont vous et moi faisons partie a des soucis autrement plus pressants, plus terre-à-terre.

La raclée historique du Real Madrid face au Barça au Clásico avant-hier au Camp Nou ? La menace terroriste qui pèse sur les marchés de Noël ?

Achquatsch! comme on dit ici. N'importe quoi. Au marché de Noël, c'est l'ambiance de Noël qui prévaut, tout simplement. Les gens achètent des casse-noisette en bois de l'Erzgebirge en forme de petits soldats et d'autres bibelots, se gavent de saucisses et se saoulent au Glühwein comme à l'accoutumée, tout en se pelant stoïquement le derrière. Difficile d'avoir une seule pensée pour les cinglés barbus d'Al-Qaida qui ourdissent leurs prochains méfaits sadiques en cuisant dans leur jus au fin fond du désert lorsqu'on se régale de Kartoffelpuffer à la compote de pommes encore fumantes par un froid glacial, en humant les doux fumets de liqueur, de cannelle, de saucisse et de plein de sucreries, tout en écoutant pour la millième fois la même musique de Noël dont on a plein le dos au bout de deux jours. D'ailleurs, le prochain terroriste qui débarquera sur un marché de Noël se laissera sûrement gagner par l'ambiance et on le verra troquer sa ceinture d'explosifs contre du pain d'épices au bout cinq minutes ! Quant au Clásico, c'est déjà oublié. Sauf pour Santi mon collègue catalan bien sûr.

"Nussknacker aus dem Erzgebirge"

Le marché de Noël au Gendarmenmarkt peu avant la fermeture



Alors je ne sais pas. Je donne ma langue au chat. De quoi parlent-ils donc tous, les gens ?

C'est pourtant facile : de l'autre invité de la saison, outres les marchés de Noël. L'hiver, débarqué en avance cette année, et avec lui, la NEIGE, le FROID, voyons !

Ah ça c'est bien vrai mon gars, ils ne parlent que de ça les gens. Difficile d'entendre parler d'autre chose !

Déclaration d'amour à Boxhagener Platz, samedi 27 novembre


Déclaration de soif sur la Revaler Straße, le 27 novembre

– Dans les blogs berlinois, dans la presse, dans toutes les conversations, il n'est question que de froid et de neige. Les vieux de la vieille, qui ont survécu aux affres de l'hiver dernier, indéniablement le plus dur depuis au moins un an, peut-être deux, ressassent les mêmes histoires sordides de cette couche de glace, de 10, voire 20 ou, allons-y franchement, de 50 centimètres d'épaisseur qui a recouvert les trottoirs pendant deux, trois, quatre, six mois, on ne sait plus exactement. Chacun y va de son anecdote navrante sur la mère du pote de leur voisin qui s'est cassé un bras en glissant sur le verglas, d'empilement de couches de vêtements, etc. Ils le font juste par pur plaisir sadique, pour terroriser les nouveaux venus, ces naïfs débarqués à la belle saison et pour qui Berlin rimait plutôt avec baignades au Badeschiff ou au Schlachtensee, beach-volley à Nordbahnhof, cinéma en plein air, barbecue au Görlitzer Park et soirées démentes au fil de l'eau au Klub der Visionäre ou au Bar 25 jusqu'au petit jour. Ils faut dire que les petits nouveaux sont masochistes : ces histoires, ils les ont déjà entendues vingt fois et pourtant ils ne s'en lassent jamais. En fait, chaque hiver berlinois sert à alimenter les conversations pendant un an, jusqu'à l'hiver suivant.

Loin de nous l'idée d'aller hurler avec la meute, d'y rajouter notre propre grain de sel à toutes ces histoires de froid avec lesquelles on nous a déjà rebattu les oreilles, de mentionner que la température avoisine les -10°C ce mercredi 1er décembre, etc, etc. À d'autres !



Absolument ! Aux Chroniques Berliniquaises, nous avons une ligne éditoriale à défendre ! Nous parlons de voyages, d'expériences et rencontres intéressantes, de culture, des Antilles, de Berlin, nous rencontrons des invités de marque pour débattre de la marche du monde (et de sa fin). Mais les sujets aussi triviaux que le froid, vraiment, c'est non !

– D'ailleurs, plutôt que de faire allusion à ces articles alarmistes qui nous annoncent -13°C pour cette nuit pour doper les ventes de journaux ou de m’appesantir sur mes problèmes d'antivol gelé sur mon vélo ce soir, détournons-nous un instant de ces sinistres métropoles européennes frigorifiées et dirigeons plutôt notre regard vers les cieux plus cléments de la Martinique, pour élever le débat. Là au moins, entre l'exhibitionniste anonyme (et probablement dérangée de la tête) qui a semé la pagaille hier dans les rues de Fort-de-France et l'élimination ignominieuse du fleuron du football martiniquais au premier tour de la Caribbean Digicel Cup après trois défaites contre Cuba, Grenade puis Trinidad et Tobago, il y a de vrais sujets de société à aborder. Nous y reviendrons d'ailleurs très prochainement. Ou pas...

En voilà une qui ferait pas long feu à Berlin !!

– Bien parlé. Ah, on se sent tout de suite mieux une fois qu'on a élevé un peu le débat !

– Oui, ça fait du bien. Allez, salut !

– Tschüss !
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