jeudi 28 juin 2012

En Allemagne, on achève bien les cerveaux (1ère partie)

*** Avertissement liminaire : Ce billet contient des affirmations de magnitude 9,5/10 sur l’échelle Godwin des allusions gratuites au IIIème Reich. Merci pour votre compréhension. ***

BERLIN, 1937. La secrétaire du rabbin Horowitz surprend le vénérable érudit plongé dans la lecture de Der Stürmer, tabloïd nazi très populaire et particulièrement virulent. Bouleversée, elle ne parvient pas à dissimuler sa consternation.

1937...
"Les Juifs sont notre malheur!"
«Oï! Oï! Oï! Sauf votre respect, Rabbi, mais ça va pas la tête, de lire des choses comme ça?! Vous êtes devenu complètement maso ou quoi?
— Calmez-vous, Rebekka, calmez-vous. Bien au contraire, je me porte très bien. Mais voyez-vous, mon enfant, les journaux juifs sont remplis de mauvaises nouvelles : antisémitisme partout, persécutions, pogroms, spoliations, émigrations... Des malheurs, des malheurs, des malheurs: c’est tout bonnement déprimant. Dans Der Stürmer, en revanche, j’apprends que nous, les Juifs, contrôlons les partis politiques, gouvernons la finance mondiale, dominons les arts et sommes sur le point de subjuguer l’humanité entière. Voilà qui me remonte le moral!»

Athènes, 2012. Je ne serais pas le moins du monde étonné d’apprendre qu’une version au goût du jour de cette blagounette gentillette circule à l’ombre de l’Acropole. Elle substituerait aux figures du flegmatique rabbi Horowitz et à Rebekka sa secrétaire plus sanguine, un duo d’Hellènes pur beurre (de brebis bien sûr — what else?): Evangelos, danseur de sirtaki, s’émouvrait des lectures de son amie Elefthería, productrice de yaourt et de feta. En lieu et place de Der Stürmer, la prestigieuse publication teutonne dont les presses se sont définitivement tues au printemps 1945, on aurait, bien entendu, son plus digne héritier, la Bild Zeitung. Et ce ne serait que justice après trois années d’une hallucinante campagne de dénigrement, de discrédit et de bourrage de crânes en continu, à laquelle se livre, sans relâche, sans merci, sans même s’embarrasser des considérations déontologiques les plus élémentaires, la feuille de chou la plus lue d’Allemagne.

lundi 25 juin 2012

Klotür & Kanzlerin : Burgeramt Frühstücksklub

Si vous, Berlineuses et Berlineux d’adoption (et aussi de pure souche teutonico-slavo-huguenote, bien sûr), avez le privilège d’habiter dans un quartier hype et branché de la capitale, un secteur trendy et belebt où la fête ne semble jamais s’arrêter, un de ces Szenebezirke réputés pour leur übergeile nightlife que le monde entier, engoncé dans son mode de vie bourgeois, empêtré dans son quotidien terne et sans relief, fossilisé dans ses nuits passées au chaud devant la télé, ne peut que nous envier, vous avez peut-être remarqué ce curieux phénomène de prolifération des «Burgerläden» dans votre environnement familier, qui croissent et se multiplient sur le pavé de la capitale au même rythme que les flaques de régurgitations laissées sur le trottoir par ces fêtards juvéniles ayant abusé de shots de Jägermeister lors de leurs nuits de bringue sur les rives de la Spree. Les «Burgerläden»: ainsi nomme-t-on, dans la métropole prussienne, ces friteries, grandes ou petites, spécialisées dans la préparation et la vente de sandwichs garnis à base de steak haché servi entre deux tranches de pain rond aux graines de sésame, et dont le nom habituel évoque fortement la deuxième ville de la Bundesrepublik Deutschland.

Un restaurant gastronomique à Friedrichshain
Ouvrons une petite parenthèse historique: Installez-vous confortablement dans votre fauteuil, fermez les yeux, et imaginez. Imaginez un peu que la ville libre et hanséatique de Hambourg (selon sa dénomination officielle), à l’issue de la deuxième Guerre mondiale, ait subi le même sort que Berlin: divisée par les Alliés en plusieurs secteurs d’occupation, avant d’être déchirée en son milieu par un Mur infranchissable et meurtrier, œuvre diabolique des socialo-communistes. Imaginez un Président Kennedy y professant, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville de la grande cité portuaire, sa solidarité indéfectible avec la population emmurée par les Bolcheviques, et proclamant pour l’éternité “Ich bin ein Hamburger!”. Ah, comme c’eut été émouvant, sans pour autant perdre en solennité. Fermons la parenthèse historique, et revenons à nos «Burgerläden».

mardi 19 juin 2012

Beauté de Berlin : Full Sun Party au Badeschiff

«Allô?
– Salut Pierre, ça va toi?
– Ouais bien, et toi?
– Tranquille. Tu fais un truc ce soir après les matches de foot?
– Bah je pensais aller au Badeschiff, il y a un open-air qu’a l’air trop bien. C’est Aude qui m’en a parlé.
– Cool, ça a l’air sympa. J’aime bien le Badeschiff. Remarque, je n’y suis jamais allé en soirée. Ça doit être vraiment cool.
 – Ça te dit? J’irai avec Aude et Thibault et Machin et des potes, tout ça.
– Ouais pourquoi pas. On verra bien.»

Samedi 9 juin au Badeschiff. À 3 heures 19 du matin, la nuit de bringue ne fait que commencer. Mais déjà, une lueur de plus en plus nette et brillante grandit à l’horizon et dilue lentement le noir du ciel. Il n’y a plus de doute possible: l’aurore est bien là!


3h19 au Badeschiff.

vendredi 15 juin 2012

Juin : «Transparence»

15 juin, midi pile à Tarascon-sur-Ariège, revoici le moment de notre rendez-vous planétaire de la Photo du Mois. Le thème de juin, choisi par Carnets d’images, est «Transparence». Mais attention, pas n’importe comment hein, sinon ce serait trop simple: «Le but est de prendre une photo à travers un objet qui laisse passer la lumière, et de jouer avec la réfraction et la réflexion de la lumière», insiste le facétieux blogueur à qui on ne la fait pas.

samedi 9 juin 2012

La zoomancie du ballon rond

Il fut un temps, à l’âge des ténèbres, où les humains, créatures impressionnables, ignorantes et superstitieuses, voyaient dans toutes choses qui les entouraient des présages irréfutables leur permettant de projeter du sens sur le monde qui les entourait, et en particulier, de répondre (ou pas) à la plus oppressante des questions que chacun de nous s’est sûrement déjà posé: «Quelles surprises me réserve l’avenir? La récolte de sorgho sera-t-elle suffisante cette année? Vais-je hériter des millions de quelque parente éloignée disparue sans descendance? Les Chroniques Berliniquaises seront-elles un jour aussi lues que le Huffington Post

Au cours des millénaires, l’art divinatoire s’est enrichi de techniques aussi pointues et obscures que la tyromancie (la divination par les fromages (oui, sérieux)), la scapulomancie (l’art de lire l’avenir dans les omoplates brûlés d’animaux (j’ai envie de dire, “WTF?”)), ou bien la «pissomancie», qui désigne le plus sérieusement du monde une activité qui consiste à percer les secrets de l’avenir par le jet de pois secs, et sans oublier, bien entendu, la cromnyomancie (la divination par les pousses d’oignons, what else?) pour n’en citer que quelques unes. Vous pourrez trouver des listes plus exhaustives de ces techniques aux noms parfois aussi tordus que les pratiques qu’ils désignent, ici et . C’est proprement fascinant.

lundi 4 juin 2012

Un mois à Berlin : Mai 2012

«En mai, fais ce qu’il te plaît», qu’y disaient. Si j’avais pu suivre ce conseil de bon sens, j’aurais passé bien plus de temps à Berlin en ce mois de mai ensoleillé. Ainsi, j’aurais pu mieux protéger mes fleurs des premières grandes chaleurs de l’année, et j’aurais eu plus de temps pour profiter de l’imbattable ambiance printanière dans la Hauptstadt. Hélas, comme on dit ici avec une pointe de lucidité résignée, das Leben ist kein Wunschkonzert!

1er mai – Un pont de quatre jours touche à sa fin. Quatre jours de soleil et de chaleur comme la métropole prussienne n’en a plus vu Spree depuis presqu’un an! Quatre jours de réjouissances en plein air, nuit et jour, un peu partout dans la ville. Quatre jour de bonheur, d’allégresse, d’insouciance. Quatre jours sans travailler, ou si peu. Quatre jours sans services de voirie aussi... Les pelouses du Volkspark Friedrichshain, vertes et grasses en cette saison, disparaissent sous des monticules de déchets à moitié carbonisés qui évoquent bien plus les banlieues de Lima que le centre d’une capitale d’Europe du Nord. Remarquez, cela ne dissuade pas les locaux de pique-niquer au milieu de ce bazar malodorant et insalubre. Tant que les rats ne viennent pas danser pas sur leur nappe à carreau, tout est in Ordnung, je suppose.

Et bien sûr, ça sent comme vous l'imaginez...
1er mai – On a beau avoir endigué la violence endémique des rivages de la Spree à coup de MyFest, on a beau avoir pris l’habitude de célébrer les droits des travailleurs, acquis de haute lutte, par un grand carnaval de musique électro plutôt bon enfant quoique sans grand rapport avec le schmilblick, les agences bancaires de certains quartiers berlinois, échaudées par les événements passés, ont conservé l’habitude de se barricader derrière des retranchements fortifiés pendant tout le weekend du 1er mai, comme ici sur la Frankfurter Allee, à Friedrichshain, un secteur autrefois très «chaud» à cette période de l’année. C’est qu’on n’est jamais trop prudent. Résultat, dans un pays où le paiement en liquide est la règle, le Friedrichshainien prudent se voit obligé de thésauriser des espèces dans les jours qui précèdent le 1er mai pour éviter de se retrouver à sec. Sinon, il ne lui reste plus qu’à se rendre au distributeur de billets le plus proche, dans la région de Hambourg je crois... Ou alors il reste le troc.
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