samedi 29 décembre 2012

L’austérité en Europe expliquée à un gamin de 7 ans

«S’il vous plaît, Madame la Conseillère, dessine-moi... la politique d’austérité dans les pays du Sud de la zone Euro.
— Chanzelière. Che zuis la Chanzelière, mon petit... euh... Ach, z’est quoi ton nom, déchà ?
— Jean-Gonzague, Madame la Chansonnière.
— Chanzelière, Schan-Gonzack, che suis Chan-ze-liè-reu. Mais tu peux m’appeler Tata Angela, si tu feux.
— D’accord Madame Tata Engueula. De toute façon  j’ai rien compris à ton histoire de Gentillière. Alors c’est bon, tu veux bien me dessiner l’austérité en Europe, hein ? Allez s’il vous plaît !
— Mais buisque z’est zi chentiment demandé, afec blaisir mon petit Schan-Gonzack.
— Youpi ! T’es super gentille Madame Tata Engueula !
— Mais oui, z’est frai que che zuis très chentille. Z’est exactement ce que dit Papandréou à chaque fois que che lui lâche un ou teux milliards. Mais remarque, ch’ai une meilleure idée. Au lieu de te faire un dessin, che t’expliquerai comment marche l’austérité de manière toute zimple. Avec des billes. Un cheu de billes. Ça te fa comme ça, Schan-Gonzack ?
— Des billes ? Trop cool ! T’es trop forte Madame Tata Engueula !»

Et la Chansonnière Tata Engueula, de sa besace en skaï assortie à son sobre tailleur lilas, extrait une petite boîte cylindrique, gaiement colorée et harmonieusement proportionnée. Pédagogue hors pair, elle débuta alors son exposé, simple, concis, ludique et parfaitement accessible à un élève de cours élémentaire. Car il n’est jamais trop tôt pour endoctriner éveiller le citoyen européen qui sommeille en chacun de nos petites têtes blondes.

mardi 25 décembre 2012

Joyeux Noël à tous !

Le célèbre marché de Noël de Gendarmenmarkt, le 19 décembre
Frohe Weihnachten amis lecteurs, comme on le dit si bien à Berlin, à Sigmaringen ou ailleurs en Teutonie. Le calme plat règne encore sur ces pages malgré mes velléités de réveil bloguesque et un certain nombre de promesses non tenues. Mais aujourd’hui, heureusement, il y a plus important que le sommeil prolongé des Chroniques Berliniquaises. Je souhaite à tous ceux et celles qui traînent encore par ici, un très bon Noël et d’excellentes fêtes de fin d’année, en espérant que je serai très bientôt digne de votre assiduité.

vendredi 9 novembre 2012

Petites phrases mythiques en politique allemande (1)

«Vous n’avez pas le monopole du cœur»
«Casse toi, pauv’ con!»
«Do you want me to go back to my plane and go back to France?»
«Qui vient sur la Grande Muraille conquiert la bravitude»
«Responsable mais pas coupable»

Si vous êtes français (une tare congénitale que je soupçonne d’être encore plus répandue, parmi les assidus de ces pages, que l’intolérance au lactose. Ou que les allergies aux acariens. Ou même l’herpès. Hum, euh, bon, oui voilà quoi. Bref, nous sommes plus ou moins entre froggies ici, c’est évident) il y a de fortes chances, chers amis grenouilles, que vous ayez immédiatement reconnu ces petites phrases que nous devons à des politiciens pris au dépourvu, des mots d’esprit improvisés qui ont gagné leur place dans la mémoire collective de la «Grande Nation», pour employer le vocable préféré et passablement agaçant de la presse allemande lorsqu’elle évoque notre illustre pays. Dans de nombreux cas, lesdites petites phrases à la spontanéité désarmante, ont carrément détrôné moult slogans et maintes formules soigneusement écrites et prononcées avec pompe et solennité lors de cérémonies officielles, et se sont immiscées à divers degrés dans le langage quotidien.

Eh bien voyez-vous, à ce petit jeu les politiciens allemands ne sont pas en reste, et eux aussi ont su, tour à tour, amuser la galerie à leurs dépens, ou alors semer le trouble et la consternation parmi leurs contemporains (ou leurs descendants) par des formules lapidaires qui ont frappé les esprits pour longtemps. Je me sens d’humeur à rédiger un billet façon «Karambolage» cette semaine. Alors voici donc, sans plus tarder, un court florilège des petites phrases restées dans la légende de la politique teutonne, avec un petit «p».

Frappons fort pour ouvrir comme il sied cette compilation de citations mémorables que nous ont légué les plus éminentes huiles teutonnes. Nous sommes en 1962, en république du Liberia, devant un parterre de dignitaires endimanchés, un bel aréopage ; le Président fédéral allemand d’alors, Heinrich Lübke, sur son pupitre perché, leur tint à peu près ce langage :

„Sehr geehrte Damen und Herren, liebe Neger!“  

« Chères Mesdames, chers Messieurs, chers Nègres »

lundi 15 octobre 2012

Octobre : «Bienvenue chez moi»

15 octobre, 12 heures pétantes à Mailhac-sur-Benaize. Pour la douzième fois consécutive, et sans doute la dernière, je participe à La Photo du Mois. Le thème de ce mois d’octobre, choisi par Gilsoub, est «Bienvenue chez moi».

Bienvenue, donc, sur Les Chroniques Berliniquaises, un blog en friche, hélas. À l’abandon. Un peu comme l’Hôtel Amilcar de Sidi Bou Saïd, grande bâtisse autrefois luxueuse en bord de mer, un Éden déchu de sérénité maritime, dans une banlieue chic de Tunis. 

Bienvenue à l'Hôtel Amilcar! Réservez dès maintenant vos chambres.
Spacieuses, lumineuses, très aérées, vue dégagée sur la Grande Bleue.
Des travaux de rénovation étaient en cours afin de moderniser cet ancien fleuron de l’hôtellerie tunisienne, devenu, après plusieurs décennies de glamour et de volupté, quelque peu vieillot et démodé. Las! Une révolution est passée par là, puis quelques ennuis judiciaires entre l’ancien et le nouveau propriétaire, et puis, plus rien. Les bétonneuses se sont figées, les marteaux se sont tus, et les ouvriers sont partis. Le chantier n’avance plus. Depuis deux ans, un majestueux squelette de béton fait face à la mer.

dimanche 23 septembre 2012

Un été à Berlin : Juin 2012

Ah, le beau mois de juin à Berlin! Ses courtes nuits d’été, son soleil qui brille généreusement (ou pas) au-dessus des têtes des bonnes gens de la Hauptstadt avant d’embraser l’horizon lors de crépuscules chatoyeux et majestuants, ses terrasses chaleureuses où les convives communient dans un même amour du foot et de la bière, ses parcs à l’herbe grasse et tendre, où il fait bon griller des saucisses non moins grasses, sa vie en plein air, ses Berlinois ravis à l’épiderme saturé de mélanine et de vitamine D... Si j’étais un dictateur romain, comme ces deux mégalomanes coiffés de laurier qui nous légué des mois d’été portant le nom de leur auguste personne, je m’approprierais presto juin, je le renommerais Berlinicus, et je l’allongerais d’au moins deux semaines supplémentaires, histoire de prolonger en conséquence le Hochsommer berlinois. 45 jours, rien de moins, ce serait la durée optimale du sixième mois de l’année à Berlin. Surtout que de toute façon, année après année, le mois de juillet est toujours invariablement décevant. Voici donc quelques clichés pris dans la métropole teutonne pendant ce mois de juin (le vrai, qui ne dure pour l’instant que 30 jours), ou du moins, parmi ces quelques jours où j’étais effectivement présent dans la Hauptstadt, entre deux vols pour la Suède ou ailleurs.

1er juin. Sur l’Oberbaumbrücke, un hurluberlu fait son jogging vespéral, affublé d’un costume de prisonnier à rayures noires et blanches, le poignet lesté d’un boulet de bagnard, encordé au niveau du torse à une poupée gonflable qui rebondit pitoyablement dans son dos à chacune de ses enjambées... Dans ce singulier accoutrement, en réalité, un futur jeune marié subissait, malgré le vent et la fraîcheur pas vraiment de saison, une «épreuve» top délire lors de son enterrement de vie de garçon, à en croire la banderole que déployaient, à quelques mètres de là, ses amis/geôliers/tortionnaires  à chaque fois que le feu passait au rouge: «Vive les mariés! On organise une collecte pour préparer le divorce» pouvaient lire les badauds tandis que le pauvre futur marié futur divorcé était forcé de faire la quête de véhicule en véhicule dans les gaz d’échappement, avant que la Verkehrsampel ne repasse au vert... Dans son malheur, le fiancé ridiculisé avec un tel acharnement peut malgré tout s’estimer heureux de ne pas avoir été contraint de se pavaner en string-épaule façon Borat !



10 juin. «OH-OH-OH-Obrigado» ! Plaît-il ? Ah mais oui bien sûr. À Lviv, la ville ukrainienne que les Allemands nomment encore «Lemberg», la Nationalmannschaft a poussivement défait la sélection portugaise 1-0 lors de son premier match de l’Euro 2012, lançant sur les chapeaux de roues la saison de l’indigestion de foot. Cette affiche placardée sur la Rosa-Luxemburg-Straße, à Mitte, n’est qu’une manifestation parmi d’autres de la fièvre sportivo-patriotique qui s’est emparée de tout le pays pendant des semaines.

samedi 15 septembre 2012

Septembre : «Jeux de mains»

15 septembre, midi à Mimizan-Plage, et c’est à nouveau l’heure de La Photo du Mois. Le nouveau thème, choisi par Titem, est «Jeux de mains». Vaste programme, drôlement intéressant à première vue, mais qui hélas ne m’a pas vraiment porté chance : peu après l’annonce du thème, un petit accident de vélo dans les rues de Kreuzberg m’a privé de l’usage de ma main droite pendant une dizaine de jours.

mercredi 15 août 2012

Août : «O mein Gott!»

15 août, midi pile, le soleil à son zénith darde ses rayons brûlants sur les fervents pèlerins de la Grotte de Massabielle. Et c’est l’heure de notre rendez-vous mensuel de La Photo du Mois! Le thème de ce mois d’«oû» (comme disent mes amis Ch’tis), proposé par Cynthia, ou plutôt, imposé à Cynthia par le reste de la communauté à l’issue d’une sanglante mutinerie virtuelle, un débat enragé comme on en a plus vu depuis l’affaire Dreyfus, est «Oh my God!».

Je m’efforce de sortir de ma pause estivale pas vraiment officielle et encore moins annoncée sur ces pages pour vous proposer une photo prise par une chaude après-midi de juillet au Badeschiff, la célèbre piscine turquoise qui surnage langoureusement sur les placides flots noirs de la Spree à proximité du grand parc de Treptow.

Le Badeschiff, souvenez-vous, je vous en parlais avec un enthousiasme débordant il y a quelques semaines seulement, après y avoir passé une folle et courte nuit d’été, sous les étoiles, seul sur le sable, les yeux dans l’eau, mon rêve était trop beau...

jeudi 26 juillet 2012

Jeu des synonymes sur les neiges d’été

Chaleur écrasante sur la vaste étendue de sable de la «Beach 61» à Kreuzberg, une «plage» bien loin de la mer, divisée en petites parcelles rectangulaires où les athlètes, par dizaines, s’escriment et suent comme sur la poussière brûlante du Circus Maximus. Une partie de volley vient de s’achever. L’équipe d’en face a perdu la manche évidemment (car, sans fausse modestie, votre dévoué chroniqueur, un peu comme Parker Lewis, ne perd jamais). Une joueuse s’éclipse aux toilettes. Les cinq autres profitent de cette courte pause pour se désaltérer à l’eau minérale déjà tiédie par la touffeur estivale.

lundi 23 juillet 2012

GEMA(L) à ma musique

En ce beau lundi de juillet, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer, ô nobles lecteurs. Par laquelle préférez-vous que je commence ?

Bon, vu que ça risque d’être compliqué d’attendre que les centaines de milliers de lecteurs assidus les quelques fidèles donnent leur réponse, et d’écouter l’avis de la majorité, alors je vais commencer par la mauvaise.

Eh bien voilà : j’arrête les Chroniques Berliniquaises.

Héhé, comme je vous ai bien eus ! Pouet-pouet !

mercredi 18 juillet 2012

À la recherche du rayon vert (1)

Ach, de la pluie, de la pluie, et encore de la pluie. Les juillets berlinois se suivent et se ressemblent, n’est-ce pas? Quelle déveine. Mais tant pis, hein, on n’est pas fait en suc’, nous aut’ les Berlinois, alors ce ne sont pas vingt jours de déluge trois petites gouttes de rien du tout qui vont nous faire peur. Et puis, quand bien même le temps de ce mois de juillet est abominieusement exécrable dans la capitale teutonne, c’est l’été sur les Chroniques Berliniquaises. Qu’on se le dise!

J’ai décidé de lancer une série de billets en photos sur les couchers de soleil à travers le monde, car vous le valez bien. Je ne sais pas pourquoi, mais ces moments de la journée où l’astre du jour tombe vers l’horizon m’ont toujours fasciné. Résultat: ma collection de photos de crépuscules s’étoffe rapidement. Malheureusement, je n’ai toujours pas réussi à apercevoir, après des années de traque inlassable, l’insaisissable rayon vert, mais tant pis: le spectacle du soleil couchant me suffit amplement, et en revoyant mes photos prises tout plein de pays différents, je revis un peu ces voyages et ces beaux instants de lumineuse contemplation.

Alors, où admirer de magnifiques couchers de soleil cet été?

Certainement pas à Berlin ! Dommage, car quand le soleil daigne briller sur la Spree, il nous en met plein la vue.

Image prise sur l’Oberbaumbrücke, entre Friedrichshain et Kreuzberg, le 12 juin 2011 à 21h05. Quelques jours plus tôt, j’avais pris des clichés qui ressemblent à celui-ci, mais depuis un autre point d’observation, l’Elsenbrücke, plus en amont sur la Spree. Et je les avais publiés dans le 100ème billet des Chroniques Berliniquaises.

Bien sûr, les abonnés à la page Facebook reconnaîtront cette photo au premier coup d’œil! C’est l’une de mes favorites.

Berlin Friedrichshain, juin 2011
Où voir (ou pas) le rayon vert? Peut-être au pays du soleil de minuit, la Norvège? Ça dépend, mais disons que vous ne mettrez pas toutes les chances de votre côté en allant à la chasse au rayon vert pendant l’été boréal, dans les régions septentrionales où le soleil, dopé au Guronsan, refuse de se coucher durant des semaines... Logique imparable.

dimanche 15 juillet 2012

Juillet: «Ma vie en vert, mes tragédies aviaires»

15 juillet, midi pile sur la Grande Boucle, de La Planche-des-Belles-Filles à Porc-en-Truie Porrentruy. J’ai choisi, pour illustrer le tout dernier thème de La Photo du Mois («La vie en vert», choisi par Dorydee), de vous narrer les détails navrants d’une petite mésaventure qui a traumatisé et laissé de lourdes séquelles psychologiques à l’amoureux de la nature que je suis, il y a trois ans presque jour pour jour.

Alors voilà. Les plus assidu(e)s d’entre vous sur ces pages le savent depuis bien longtemps: outre la tenue de ce blog, ma grande passion, dans la vie, c’est mon balcon fleuri. Il m’arrive parfois, sans exagération, de passer des heures entières à y contempler la fine dentelure des feuilles des dahlias, à y humer le parfum de mes fleurs, à y bichonner mes épices, à éliminer mauvaises herbes et brindilles sèches, où juste à m’y poser, satisfait, en compagnie d’un bon bouquin et de quelques bourdons chafouins et gourmands qui vonvonnent d’allégresse de pistil en pistil. Un vrai papy. Alors que je n’ai même pas encore fêté mes 32 29 25 21 ans! Heureusement que mon balcon est trop petit pour que je puisse y dormir, sinon j’y planterais assurément ma tente Quechua de temps à autre pour y passer une nuit à la belle étoile. En plus de mon balcon, j’ai également fleuri les quatre fenêtres de mon appartement berlinois, de sorte que je ne peux regarder au-dehors sans admirer mes jardinières où pousse une végétation aussi dense et luxuriante que dans l’enclos horticole de ma mère-grand aux Antilles. Cinq mois par an, je suis le roi Nabuchodonosor, furetant avec contentement dans ses jardins suspendus au-dessus de Friedrichshain, Babylone des temps modernes.

Votre dévoué chroniqueur lit son journal préféré
et savoure un moment de bonheur sur son balcon
Ah ! Qu’elle est belle, ma vie en vert !

Malheureusement, une vie de jardinier amateur n’est pas une sinécure. Les plantes, il faut les protéger et trouver le temps de s’en occuper. Et souvent, lorsque je rentre après quelques jours d’absence, ce qui m’arrive fréquemment, une mauvaise surprise m’attend. C’est ce qui s’est produit un jour de juillet 2009. J’étais installé dans la métropole teutonne depuis moins d’un an et, ayant emménagé deux mois plus tôt dans l’appartement que j’occupe encore aujourd’hui, je m’étais improvisé jardinier et apprenais sur le tas les rudiments du métier.

Un vendredi soir, je regagnais mes pénates au terme de quatre petits jours de voyage. Depuis quelques jours, les pies, et surtout les pigeons qui peuplent la cour intérieure de mon immeuble, avaient pris l’habitude, pour une raison que j’ignorais, de faire la nouba dans mes jardinières, les saccageant sans aucun égard pour mes efforts floraux. Le lundi précédent, au petit matin, juste avant mon départ, j’avais installé des défenses provisoires et bien précaires, une dérisoire ligne Maginot faite de baguettes japonaises, en attendant, pensais-je, régler la question une bonne fois pour toutes à mon retour de voyage. Aussi, en ce vendredi fatidique, ouvris-je la porte avec fébrilité et me précipitai-je dans ma cuisine, impatient de constater l’étendue des dégâts causés en mon absence, et de reprendre ma bataille contre les fâcheux colombidés. Je ne sais plus vraiment à quoi je m’attendais, ce soir-là, mais je suis sûr et certain que je ne m’attendais pas à trouver une palombe en train de «lounger» peinard sur ma menthe et mon basilic! Mon petit potager portatif, transformé en Club Med pour pigeons! Incroyable! Inacceptable!

Notez la présence des trois baguettes devant la ciboulette...
Oui c’était mon système de défense anti-pigeons à l'époque. Très efficace!
*** Note importante: Si vous êtes un amoureux des pigeons, je vous conseille très vivement de vous arrêter de lire tout de suite, car je crains fort que cette petite histoire ne s’achève pas sur un happy end. (Si c’était le cas, ce billet ne serait pas une «Tragédie aviaire». Ben voyons). Après avoir refermé votre navigateur internet, vous feriez mieux de vous rendre hic et nunc à l’hôpital psychiatrique le plus proche de chez vous, car franchement, quiconque a un minimum de sympathie pour les pigeons, ces volatiles gris, sales, puants, et complètement inutiles, devrait consulter un spécialiste au plus vite. Beuark. Vous étiez prévenus. ***

vendredi 13 juillet 2012

Le psychøpåthe qui venåit du Nørd (“Alter Schwede!”)

Hello amis lecteurs. Pour ce 216ème billet de votre blog préféré, j’ai décidé de vous faire voyager un peu, et de vous emmener, une fois de plus, dans cette petite ville de province merdique nordique que vous connaissez bien, cette paisible bourgade, tranquille comme une vaste sapinière de l’immensité scandinave, comme une forêt sombre, sauvage, impénétrable, où le silence boisé n’est troublé que par le passage occasionnel d’un lemming, furtif et affairé, ou d’un élan solitaire à la démarche digne et nonchalante: la ville de Västerås, à qui je faisais l’honneur de consacrer le 5ème post des Chroniques Berliniquaises! J’entends déjà vos récriminations: oh non, pas ça! La vie est trop courte pour lire un article sur Västerås, alors deux, c’est beaucoup trop!

Une brève éclaircie illumine le vieux Västerås, sur les rives de la Svartå, un soir de juin 2012
Vous avez bien raison, ô fidèles d’entre les fidèles. Mais, vu que l’autre jour, un grand escogriffe surgi de nulle part a tenté d’y assassiner votre dévoué chroniqueur ainsi que les collègues qui l’accompagnaient (surtout les collègues en fait, mais en tant que témoin privilégié de cette petite mésaventure qui a failli tourner au drame, je m’arroge le droit de me faire mousser un peu), je me suis dit qu’il est de mon devoir de vous conter, en ce troisième vendredi 13 de l’année, ce récit peu banal qui montre parfaitement que souvent, l’imprévu et le danger surviennent au moment où l’on se croit le plus en sécurité. 

vendredi 6 juillet 2012

Art: Les Très Riches Heures de Neukölln

Du 15 au 17 juin dernier s’est tenu, comme chaque année depuis 1999, le festival culturel 48 Stunden Neukölln («48 heures de Neukölln»), et ce, vous l’auriez deviné car vous n’êtes pas nés de la dernière pluie, dans le district ouest-berlinois de Charlottenburg Neukölln. Cette manifestation, sous sa forme actuelle, est le résultat de plusieurs initiatives locales lancées dans les années 1990, qui visaient, entre autres, à faire parler de ce quartier réputé «chaud» pour d’autres raisons que la sempiternelle litanie de fléaux sociaux qui en accompagnait alors toute évocation, surtout dans les médias.

Les 48 Heures, c'est l'occasion de visiter des
arrières-cours secrètes où travaillent les artistes
Violence, déclassement social, chômage de masse, exclusion, ghettos d’immigrés, perte des repères, délinquance et insécurité... l’ancien quartier ouvrier au sud de Kreuzberg, cul-de-sac de Berlin-Ouest presque abandonné à lui-même, était devenu, après trois décennies passées dos au Mur de Berlin, l’un des secteurs les plus déshérités de la moitié occidentale de la capitale divisée. Et par conséquent, en plus de toutes les difficultés auxquelles devaient faire face les habitants de Neukölln au quotidien, s’est ajoutée la réputation indécrottablement calamiteuse du district, devenu une sorte d’archétype de l’enfer urbain pour les médias teutons et dans la psyché allemande. Ainsi, il y a une vingtaine d’années, lorsque les Neuköllnais se mirent en tête de montrer à la ville et à la nation une image différente de leur quartier, il y avait encore du pain sur la planche avant de le débarrasser de tous les clichés négatifs qui lui collent au crépi, plus tenaces que les graffitis qui recouvrent ses façades Belle Époque.

lundi 2 juillet 2012

Malio Balotelli et l’esplit de Blice Holtefeux

Sous nos yeux ébahis, deux armées, deux nations s’affrontent. Deux unités de onze fantassins luttent pour affirmer leur suprématie sur l’herbe verte et dense du champ de bataille. Le monde entier retient son souffle devant ce choc titanesque. C’est la demi-finale de l’Euro 2012, et votre dévoué chroniqueur assiste au spectacle dans quelque contrée lointaine, accompagné d’une collègue de travail chinoise qui suit le match avec enthousiasme. L’attaquant international Mario Balotelli vient de donner un avantage décisif à l’équipe italienne face à la Nationalmannschaft, et ce, sans oublier d’assurer le spectacle. La collègue chinoise, impressionnée, s’étonne néanmoins des traits quelque peu exotiques de l’avant-centre Azzurro qui domine les débats avec insolence.

jeudi 28 juin 2012

En Allemagne, on achève bien les cerveaux (1ère partie)

*** Avertissement liminaire : Ce billet contient des affirmations de magnitude 9,5/10 sur l’échelle Godwin des allusions gratuites au IIIème Reich. Merci pour votre compréhension. ***

BERLIN, 1937. La secrétaire du rabbin Horowitz surprend le vénérable érudit plongé dans la lecture de Der Stürmer, tabloïd nazi très populaire et particulièrement virulent. Bouleversée, elle ne parvient pas à dissimuler sa consternation.

1937...
"Les Juifs sont notre malheur!"
«Oï! Oï! Oï! Sauf votre respect, Rabbi, mais ça va pas la tête, de lire des choses comme ça?! Vous êtes devenu complètement maso ou quoi?
— Calmez-vous, Rebekka, calmez-vous. Bien au contraire, je me porte très bien. Mais voyez-vous, mon enfant, les journaux juifs sont remplis de mauvaises nouvelles : antisémitisme partout, persécutions, pogroms, spoliations, émigrations... Des malheurs, des malheurs, des malheurs: c’est tout bonnement déprimant. Dans Der Stürmer, en revanche, j’apprends que nous, les Juifs, contrôlons les partis politiques, gouvernons la finance mondiale, dominons les arts et sommes sur le point de subjuguer l’humanité entière. Voilà qui me remonte le moral!»

Athènes, 2012. Je ne serais pas le moins du monde étonné d’apprendre qu’une version au goût du jour de cette blagounette gentillette circule à l’ombre de l’Acropole. Elle substituerait aux figures du flegmatique rabbi Horowitz et à Rebekka sa secrétaire plus sanguine, un duo d’Hellènes pur beurre (de brebis bien sûr — what else?): Evangelos, danseur de sirtaki, s’émouvrait des lectures de son amie Elefthería, productrice de yaourt et de feta. En lieu et place de Der Stürmer, la prestigieuse publication teutonne dont les presses se sont définitivement tues au printemps 1945, on aurait, bien entendu, son plus digne héritier, la Bild Zeitung. Et ce ne serait que justice après trois années d’une hallucinante campagne de dénigrement, de discrédit et de bourrage de crânes en continu, à laquelle se livre, sans relâche, sans merci, sans même s’embarrasser des considérations déontologiques les plus élémentaires, la feuille de chou la plus lue d’Allemagne.

lundi 25 juin 2012

Klotür & Kanzlerin : Burgeramt Frühstücksklub

Si vous, Berlineuses et Berlineux d’adoption (et aussi de pure souche teutonico-slavo-huguenote, bien sûr), avez le privilège d’habiter dans un quartier hype et branché de la capitale, un secteur trendy et belebt où la fête ne semble jamais s’arrêter, un de ces Szenebezirke réputés pour leur übergeile nightlife que le monde entier, engoncé dans son mode de vie bourgeois, empêtré dans son quotidien terne et sans relief, fossilisé dans ses nuits passées au chaud devant la télé, ne peut que nous envier, vous avez peut-être remarqué ce curieux phénomène de prolifération des «Burgerläden» dans votre environnement familier, qui croissent et se multiplient sur le pavé de la capitale au même rythme que les flaques de régurgitations laissées sur le trottoir par ces fêtards juvéniles ayant abusé de shots de Jägermeister lors de leurs nuits de bringue sur les rives de la Spree. Les «Burgerläden»: ainsi nomme-t-on, dans la métropole prussienne, ces friteries, grandes ou petites, spécialisées dans la préparation et la vente de sandwichs garnis à base de steak haché servi entre deux tranches de pain rond aux graines de sésame, et dont le nom habituel évoque fortement la deuxième ville de la Bundesrepublik Deutschland.

Un restaurant gastronomique à Friedrichshain
Ouvrons une petite parenthèse historique: Installez-vous confortablement dans votre fauteuil, fermez les yeux, et imaginez. Imaginez un peu que la ville libre et hanséatique de Hambourg (selon sa dénomination officielle), à l’issue de la deuxième Guerre mondiale, ait subi le même sort que Berlin: divisée par les Alliés en plusieurs secteurs d’occupation, avant d’être déchirée en son milieu par un Mur infranchissable et meurtrier, œuvre diabolique des socialo-communistes. Imaginez un Président Kennedy y professant, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville de la grande cité portuaire, sa solidarité indéfectible avec la population emmurée par les Bolcheviques, et proclamant pour l’éternité “Ich bin ein Hamburger!”. Ah, comme c’eut été émouvant, sans pour autant perdre en solennité. Fermons la parenthèse historique, et revenons à nos «Burgerläden».

mardi 19 juin 2012

Beauté de Berlin : Full Sun Party au Badeschiff

«Allô?
– Salut Pierre, ça va toi?
– Ouais bien, et toi?
– Tranquille. Tu fais un truc ce soir après les matches de foot?
– Bah je pensais aller au Badeschiff, il y a un open-air qu’a l’air trop bien. C’est Aude qui m’en a parlé.
– Cool, ça a l’air sympa. J’aime bien le Badeschiff. Remarque, je n’y suis jamais allé en soirée. Ça doit être vraiment cool.
 – Ça te dit? J’irai avec Aude et Thibault et Machin et des potes, tout ça.
– Ouais pourquoi pas. On verra bien.»

Samedi 9 juin au Badeschiff. À 3 heures 19 du matin, la nuit de bringue ne fait que commencer. Mais déjà, une lueur de plus en plus nette et brillante grandit à l’horizon et dilue lentement le noir du ciel. Il n’y a plus de doute possible: l’aurore est bien là!


3h19 au Badeschiff.

vendredi 15 juin 2012

Juin : «Transparence»

15 juin, midi pile à Tarascon-sur-Ariège, revoici le moment de notre rendez-vous planétaire de la Photo du Mois. Le thème de juin, choisi par Carnets d’images, est «Transparence». Mais attention, pas n’importe comment hein, sinon ce serait trop simple: «Le but est de prendre une photo à travers un objet qui laisse passer la lumière, et de jouer avec la réfraction et la réflexion de la lumière», insiste le facétieux blogueur à qui on ne la fait pas.

samedi 9 juin 2012

La zoomancie du ballon rond

Il fut un temps, à l’âge des ténèbres, où les humains, créatures impressionnables, ignorantes et superstitieuses, voyaient dans toutes choses qui les entouraient des présages irréfutables leur permettant de projeter du sens sur le monde qui les entourait, et en particulier, de répondre (ou pas) à la plus oppressante des questions que chacun de nous s’est sûrement déjà posé: «Quelles surprises me réserve l’avenir? La récolte de sorgho sera-t-elle suffisante cette année? Vais-je hériter des millions de quelque parente éloignée disparue sans descendance? Les Chroniques Berliniquaises seront-elles un jour aussi lues que le Huffington Post

Au cours des millénaires, l’art divinatoire s’est enrichi de techniques aussi pointues et obscures que la tyromancie (la divination par les fromages (oui, sérieux)), la scapulomancie (l’art de lire l’avenir dans les omoplates brûlés d’animaux (j’ai envie de dire, “WTF?”)), ou bien la «pissomancie», qui désigne le plus sérieusement du monde une activité qui consiste à percer les secrets de l’avenir par le jet de pois secs, et sans oublier, bien entendu, la cromnyomancie (la divination par les pousses d’oignons, what else?) pour n’en citer que quelques unes. Vous pourrez trouver des listes plus exhaustives de ces techniques aux noms parfois aussi tordus que les pratiques qu’ils désignent, ici et . C’est proprement fascinant.

lundi 4 juin 2012

Un mois à Berlin : Mai 2012

«En mai, fais ce qu’il te plaît», qu’y disaient. Si j’avais pu suivre ce conseil de bon sens, j’aurais passé bien plus de temps à Berlin en ce mois de mai ensoleillé. Ainsi, j’aurais pu mieux protéger mes fleurs des premières grandes chaleurs de l’année, et j’aurais eu plus de temps pour profiter de l’imbattable ambiance printanière dans la Hauptstadt. Hélas, comme on dit ici avec une pointe de lucidité résignée, das Leben ist kein Wunschkonzert!

1er mai – Un pont de quatre jours touche à sa fin. Quatre jours de soleil et de chaleur comme la métropole prussienne n’en a plus vu Spree depuis presqu’un an! Quatre jours de réjouissances en plein air, nuit et jour, un peu partout dans la ville. Quatre jour de bonheur, d’allégresse, d’insouciance. Quatre jours sans travailler, ou si peu. Quatre jours sans services de voirie aussi... Les pelouses du Volkspark Friedrichshain, vertes et grasses en cette saison, disparaissent sous des monticules de déchets à moitié carbonisés qui évoquent bien plus les banlieues de Lima que le centre d’une capitale d’Europe du Nord. Remarquez, cela ne dissuade pas les locaux de pique-niquer au milieu de ce bazar malodorant et insalubre. Tant que les rats ne viennent pas danser pas sur leur nappe à carreau, tout est in Ordnung, je suppose.

Et bien sûr, ça sent comme vous l'imaginez...
1er mai – On a beau avoir endigué la violence endémique des rivages de la Spree à coup de MyFest, on a beau avoir pris l’habitude de célébrer les droits des travailleurs, acquis de haute lutte, par un grand carnaval de musique électro plutôt bon enfant quoique sans grand rapport avec le schmilblick, les agences bancaires de certains quartiers berlinois, échaudées par les événements passés, ont conservé l’habitude de se barricader derrière des retranchements fortifiés pendant tout le weekend du 1er mai, comme ici sur la Frankfurter Allee, à Friedrichshain, un secteur autrefois très «chaud» à cette période de l’année. C’est qu’on n’est jamais trop prudent. Résultat, dans un pays où le paiement en liquide est la règle, le Friedrichshainien prudent se voit obligé de thésauriser des espèces dans les jours qui précèdent le 1er mai pour éviter de se retrouver à sec. Sinon, il ne lui reste plus qu’à se rendre au distributeur de billets le plus proche, dans la région de Hambourg je crois... Ou alors il reste le troc.

jeudi 31 mai 2012

Le scoop du millénaire

Cette semaine de la Pentecôte, dans le grand pays qui jouxte la Teutonie (non, pas notre glorieuse et triomphante Patrie où la Lumière vainquit les ténèbres, mais l’autre grand voisin, côté est), une information absolument sensationnelle a été placardée en «une» des journaux, semant, on s’en doute, le trouble, l’incompréhension, la consternation chez leurs lecteurs abasourdis.

Je n’aurais probablement rien su de ce big-bang médiatique qui a ébranlé les rives de la Vistule si je n’était pas tombé par hasard sur le dernier numéro de Newsweek Polska, dans un banal Kiosk de Prenzlauer Berg. (Hebdomadaire étatsunien -> Publié en Pologne -> Vendu en Allemagne. Vive la mondialisation!) Bien entendu, tout comme vous, chers amis lecteurs, je n’y entends goutte à la langue polonaise qui, soit dit en passant, est une autre paire de manches en matière de complexité et d’imprononçabilité que l’allemand qui, en comparaison, passe pour de la gnognotte ultra-fastoche avec ses quatre pauvres déclinaisons et sa prononciation éminemment musicale et ô combien plaisante à l’oreille. Comme quoi, il y a toujours pire. Bref. Où en étions.nous? Ah oui, Newsweek Polska. Heureusement, l’illustration en première page était suffisamment parlante pour que même les plus obtus d’entre les profanes comprennent aisément de quoi il en retourne sans recourir aux approximations de Google Traduction:

dimanche 27 mai 2012

Interro surprise !

C’était un samedi de mai comme un autre, au marché aux fruits et produits bio de Boxhagener Platz, au cœur de Friedrichshain. Bottes d’asperges par milliers et barquettes de fraises au quintal, à l’ombre des tilleuls et des hipsters en fleurs

"Erdbeeren- und Spargelzeit!" (C'est la saison des fraises et des asperges!)
Ah bon ? Ca alors, je n'avais pas du tout remarqué ! Boxhagener Platz, le 26 mai.
«Hallo, ich möchte bitte... Kir..., Kirch...sch..., euh, Kir...schen. Kirschen?»

samedi 19 mai 2012

Mai : «L’escalier»

15 mai, midi pile à Paris... euh, 19 mai, seize heures et des brouettes : je suis très en retard, mais mieux vaut tard que jamais ! Je sacrifie une nouvelle fois à la tradition de La Photo du Mois. Et pourtant, le thème choisi par Sébastien«L’escalier», ne m’a guère enthousiasmé ni inspiré au premier abord, malgré l’engouement avec lequel il s’est étendu sur les raisons de son choix : 
«Parce que je trouve les escaliers fascinants. Il y en a de toutes les formes, de toutes les tailles, et toutes les matières. On peut se trouver dessus, comme dessous (Cf. Harry Potter). Et quand on ne sait pas où ils mènent, je les trouve vraiment mystérieux. Jattends vos photos de vos plus beaux escaliers». 

mercredi 16 mai 2012

Myfest 2012 à Kreuzberg

J’ai accumulé un retard considérable sur l’actualité et sur mon planning de publications ces dernières semaines, ayant été retenu loin de mon blog pour plein de raisons indépendantes de ma volonté. Mais rassurez-vous, j’espère reprendre progressivement la tenue de ces pages.

En attendant le prochain article de fond où je bouffe du boche relate avec ma finesse habituelle les cocasseries de mon quotidien teuton, voici quelques photos de mon 1er mai à Kreuzberg où, comme l’an dernier, un festival de rue a été organisé afin de marginaliser les émeutiers face à l’afflux de fêtards. Du bon son plutôt que de la baston, des basses plutôt que de la casse. L’opération a remporté un énorme succès, même si les journaux ont déploré quelques Krawalle sporadiques, résiduels même, en dépit de l’ambiance généralement mélomane et détendue. Comment dit-on la musique adoucit les mœurs en allemand ? Quelque chose avec «techno», j’en suis sûr.

jeudi 3 mai 2012

Un mois à Berlin : Avril 2012

Les mois passent, et je partage avec vous, toujours avec le même entrain, mes petites anecdotes et mes sautes d’humeur. Je continue à arpenter les rues de Berlin, l’appareil photo en bandoulière, toujours aux aguets, je m’étonne d’un rien et mitraille la douce folie de mon quotidien avec un gai abandon. Et c’est précisément là que le bas blesse, oui, le bas en laine de verre, planté de clous vers l’intérieur, il fait bobo : des photos, j’en prends des dizaines, les dizaines deviennent des centaines, et je n’ai pas jamais le temps de leur consacrer un billet. Puis elles restent là, oubliées dans un dossier intitulé «Photos Friedrichshain 23 mars 2011» ou encore «Scènes de rue rigolotes», abandonnées, négligées, à ramasser tristement de la poussière virtuelle. Pour corriger cet état de fait, voici la série «Un mois à Berlin». J’ai publié certaines de ces photos sur la page Facebook des Chroniques Berliniquaises, mais elles sont pour la plupart inédites !

lundi 30 avril 2012

Droites de régression

«Jamais la droite n’a été aussi élevée», saluait Guillaume Peltier, conseiller national de l’UMP. 

«Les Français qui ont voté FN vont voter Sarkozy dans leur grande majorité, croit savoir Christine Boutin, ralliée à M.Sarkozy. La France est plus à droite qu’on ne le croyait».

Un conseiller du président diagnostique : «La stratégie de [Patrick] Buisson était la bonne: la France est très à droite, et la gauche basse».  
J’ai tiré ces trois citations d’un seul article du Monde, publié lundi dernier, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Il s’intitulait «Nicolas Sarkozy joue son va-tout en pariant sur l’électorat FN». Tout est dit dans le titre ainsi que dans ces trois déclarations tonitruantes, qui sonnent à l’oreille comme autant de rugissements victorieux, à moins qu’il ne s’agisse de prières désespérées à Sainte Rita dans la plus pure tradition de la méthode Coué... Quoi qu’il en soit, j’ai du mal à croire cette affirmation selon laquelle la France est «très à droite».

samedi 28 avril 2012

Tricolore

Attendre que le feu passe au vert en trois temps, par un jour de printemps (non, ce n’était pas aujourd’hui par 30°C...) sur la Karl-Marx-Allee, à Friedrichshain.

lundi 23 avril 2012

Comme un bulletin dans l’urne

Après mon expédition héroïque vers l’ambassade de France à Berlin et mon inscription à l’arraché sur les listes électorales consulaires, à la toute dernière seconde avant que la clepsydre ne laisse choir son ultime goutte de précieux liquide bleu et que Félindra la dompteresse, à ce signal fatidique, ne fasse sortir, en deux claquements de fouet lancés avec autorité, les tigres féroces qui interdisent l’entrée du service consulaire en-dehors des heures d’ouverture au public, c’eût été un comble que le jour du scrutin je ne me présentasse pas en personne pour accomplir mon devoir civique, et que je n’exerçasse pas le privilège de citoyen pour la jouissance duquel je me suis battu contre vents et marées en décembre dernier.

Une seconde s’il vous plaît, le temps de reprendre mon souffle et de boire une lampée de Spreequell légèrement gazéifiée. Euh pardon, je voulais dire, une gorgée de Saint-Yorre, évidemment. Achetons made in France. Ah, ça désaltère !

jeudi 19 avril 2012

La langue du diable

«Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?» se désolait, avec une éloquence qui se fait rare à notre époque du langage SMS, un Don Diègue fort marri de ne pas avoir su infliger une bonne correction à son ancien ami Don Gomès qui l’avait gourmé et insulté. Euh, pardon, je reprends : Don Dièg’ était trooooo dég’ de la life paskil a pas pu marave sa gueule à se conar de Gonesse qui l’avait grave embrouiller. Cé mieux comme sa ?

Dans mon cas, l’outrage des ans ne se traduit pas encore par mon incapacité à tenir en respect les fâcheux et à rabattre leur caquet aux impudents, au contraire, mais plutôt par la perte indéniable de vivacité de mon cerveau, sa lenteur de plus en plus manifeste, qui l’empêche de mobiliser à temps le vocabulaire, les règles de grammaire et la prononciation à peu près convenable de la langue teutonne, et d’en faire bon usage avant que les mots ne sortent de ma bouched. Dès lors que je prononce plus de deux phrases en allemand, je me sens dans la peau d’un Jean-Claue Van Damme livré à lui-même devant les caméras, qui parle bien plus vite qu’il ne pense (et, tout comme JCVD, mon problème n’est pas que je parle trop vite, entendons-nous bien).

dimanche 15 avril 2012

Avril : “Berlin en travaux”

Je n’en reviens pas, mais alors pas du tout, de la vitesse à laquelle La Photo du Mois arrive chaque mois... nous sommes le 15 avril et il est midi pile à Jouy-en-Josas. L’Azimutée nous a choisi un thème que j’ai trouvé vraiment très sympa et qui m’a beaucoup inspiré : «En travaux».

Quelle aubaine ! Berlin, capitale de l’Allemagne réunifiée depuis 1990, est une ville perpétuellement en travaux. Pour y trouver des chantiers, pas besoin d’aller bien loin : il suffit de mettre le nez dehors, et tôt ou tard, et plutôt tôt que tard d’ailleurs, une clôture provisoire signalant une zone de travaux vous barrera le passage. Il me semble avoir lu ou entendu, dans quelque documentaire soporifique, qu’en 2000, près de la moitié des grues en service sur le continent européen s’élevait dans le ciel de la métropole prussienne. Ou était-ce peut-être le quart ? Je ne sais plus, mais la proportion était énorme et révélatrice. Une telle affirmation me semble tout à fait plausible en tout cas.

samedi 14 avril 2012

Le débourrement

J’ai enrichi mon vocabulaire aujourd’hui. Mon vocabulaire français, hein, entendons-nous bien. Saviez-vous, ô illustres lecteurs au savoir encyclopédique, que nous sommes actuellement en plein «débourrement» ? Au cas où quelques uns l’ignoraient encore, ce terme désigne, dans notre belle langue aux accents d’une élégance et d’un raffinement que le monde entier nous envie, cette période de l’année où, sur les branches mornes et dénudées des arbres et buissons sortis de leur hibernation, grossissent délicats boutons, poignent frêles bourgeons, jaillissent vertes pousses et pâles rejetons, éclosent tendres feuilles et odorantes floraisons.

Le débourrement à ma fenêtre, le 2 avril 2010
Il semblerait bien que cette notion n’ait pas d’équivalent exact dans les autres langues, puisque la page Wikipédia sur le débourrement n’existe que dans notre langue, illustrant de manière particulièrement frappante, si besoin était, de la supériorité du génie français. Molière : 1 ; Shakespeare, Goethe, Cervantes, Dante, Pouchkine, Ibsen et tous les autres : zéro. Et toc !

mercredi 11 avril 2012

Les gnous du Capitole (2)

Chose promise, chose due : voici enfin la suite du récit de ma transhumance printanière au milieu d’un petit million de gnous en goguette dans la Cité aux sept collines. Petit résumé de l’épisode précédent: je débarque à Rome avec un petit groupe d’amis pour un weekend de quatre jours, et nous passons les deux premières journées (le jeudi et le vendredi) à arpenter courageusement les ruelles surpeuplées aux trottoirs quasiment inexistants, avec la persévérance grégaire d’un troupeau d’ongulés sauvages migrant dans le delta de l’Okavango à la fin de la saison des pluies.

Pour le samedi, nous avions prévu de visiter les musées du Vatican et la Basilique St-Pierre, puisque la météo avait annoncé un temps frais et maussade. Pourtant, à 9 heures tapantes, lorsque nous émergeons de la station de métro Ottaviano San Pietro - Musei Vaticani et retrouvons le reste du groupe, un grand soleil, tiède et printanier, darde ses rayons matinaux tout droit sur nos pupilles encore ensommeillées après l’obscurité des galeries du métro. Promptement revigorés par cet intermède lumineux, nous nous mettons gaiement en route vers l’État pontifical.

Les gnous au musée du Vatican, dans la Galerie des Candélabres

samedi 7 avril 2012

Vitrine pascale

À Berlin, même les sex-shops, comme celui-ci sur la Schönhauser Allee, décorent leurs vitrines aux couleurs de Pâques. Les petits lapins y sont en vente pour 3,90€. Je me demande s’ils font quelque chose de particulier, s’ils vibrent ou ont une fonction cachée, ou s’ils sont tout bêtement décoratifs, sans aucune «valeur ajoutée» particulière. Dans ce dernier cas, pourquoi les achèterait-on dans un sex-shop, je ne saurais le dire.

mercredi 4 avril 2012

Jamais sans ma Wurst

Vous n’avez pas manqué de faire cette observation, à moins que vous ne viviez en Musulmanie, en Bouddhie ou même ailleurs en Païennie, dans quelque contrée lointaine peuplée majoritairement de cannibales hirsutes mangeurs de missionnaires jésuites et de blogueurs blancs, auquel cas je me ferais un peu de souci pour vous (cela me chagrine toujours de perdre un lecteur) : Pâques est déjà à nos portes, même si cette année nous aurons droit, semble-t-il, à une version «Pâques au tison». Tout ce chocolat qui déborde des étalages, tous ces œufs peints, tous ces crabes (ça c’est le particularisme martiniquais), sont des signes qui ne trompent pas. Chic, on va pouvoir se goinfrer !

L’ennui, c’est qu’avant l’orgie ovo-crabo-chocolatière de la fête pascale, une longue période de jeûne et de pénitence, connue sous le nom de Carême, s’impose à la plupart des chrétiens, pendant laquelle ceux qui veulent sauver leur âme sont fortement invités (entre autres choses) à manger maigre, et à moins s’empiffrer d’une manière générale, pendant une quarantaine de jours. Même dans un désert spirituel comme Berlin, où la voix chevrotante des évêques, étouffée dans les basses assourdissantes de la musique électro, peine à se faire entendre, la question se pose chaque année en «une» des pires feuilles de choux gratuites qui encombrent nos boîtes aux lettres plus prestigieux quotidiens régionaux: «Faut-il vraiment renoncer à la Currywurst pendant quarante jours ?»

Berlin, le 29 février 2012. Le temps des vaches maigres commence. "JAMAIS SANS MA SAUCISSE"
"C'est le Carême, et nombreux sont ceux qui tirent parti de la période s'étirant jusqu'à Pâques, non seulement pour se recueillir, mais aussi pour perdre quelques kilos. Cinq semaines sans Currywurst ? Inenvisageable pour Nicky et Andreas, qui ne comptent pas y renoncer."


mardi 3 avril 2012

“Expat Blog” du mois d’avril 2012

En ce joli mois printanier davril, bon, printanier au moins en théorie, le site expat-blog.com m’a fait l’insigne honneur de décerner aux Chroniques Berliniquaises le prestigieux award du «Blog du mois». Chouette alors ! Un prix ! Bientôt le Pulitzer, je vous dis, sans fausse modestie.


Je marche ainsi dans les pas de quelques illustres prédécesseurs, au nombre desquels Dr CaSo, la lauréate de février 2009, une Franco-helvéto-canadienne échouée dans un coin de l’Alberta, dont je suis régulièrement les aventures par blog interposé. Antilles oblige, je ne peux m’empêcher de mentionner, parmi les précédents blogs primés, Gwadiary, le très bon journal d’un Aixois en Guadeloupe. Bref, il y a de la grosse grosse grosse pointure au Panthéon des blogs d’expats ainsi couronnés de gloire.

lundi 2 avril 2012

“Marocophobie” et vaine rimaillerie

Et pendant ce temps, dans la région d’Innsbruck, une capitale régionale autrichienne habituellement paisible, où seul le doux tintement des clochettes des vaches laitières et accessoirement le bruit de bottes battant le pavé trouble le sommeil des habitants, la campagne électorale en vue du prochain scrutin municipal fait rage, et les candidats ne font pas dans la dentelle :

August Penz : "Mon projet pour Innsbruck :
L'amour de la Patrie plutôt que les voleurs marocains"

Voici donc un petit slogan sympathique et décapant, tout en rimes, proposé par le candidat populiste de la FPÖ, un parti dirigé pendant près de trois décennies par un certain Jörg Haider avant que ce dernier n’en claque la porte pour fonder, en 2005, un mouvement concurrent, le BZÖ.

samedi 31 mars 2012

Les gnous du Capitole (1)

Autrefois, il y a fort longtemps, une époque si reculée que même la vénérable Mathusaline était encore trop jeune pour vendre des légumes au marché du Parc Floral, une faune sauvage, particulièrement massive et intimidante parcourait en toute liberté les forêts, les montagnes et les vallées de notre bonne vieille Europe, au péril des voyageurs aventureux qui s’y hasardaient imprudemment. Il suffit de lire les grands classiques (ou juste une page Wikipédia parce que bon, faut pas charrier non plus) pour s’en assurer. Ainsi, Tite-Live et Pline l’Ancien narrent avec force détails l’épopée d’Hannibal franchissant les Alpes à la tête de sa redoutable armée carthaginoise montée à dos d’éléphant, et Hérodote, lui, pimente ses récits des guerres médiques en y incluant des anecdotes cocasses où des meutes de lions, alors communs dans tous les Balkans, se mêlent de la partie, semant la confusion parmi les belligérants et terrorisant tout autant les guerriers grecs que les armées perses. Ambiance slapstick garantie. Et parmi nos classiques, n’oublions pas, bien évidemment, l’invention involontaire de la corrida par Astérix aux arènes d’Hispalis, où l’impitoyable gouverneur romain l’avait condamné à se faire encorner et piétiner à mort par un aurochs furieux, un énorme taureau sauvage alors très répandu sur tout le continent. Bref, à l’époque, on ne rigolait pas avec les grosses bêtes.

Depuis, les choses ont bien changé. Les fauves cruels du temps jadis, pourchassés sans merci par des populations peu soucieuses de préservation de la biodiversité, ont lentement disparu du paysage, et laissé la place à une faune nombreuse, grégaire et considérablement moins agressive (encore que sur ce dernier point, il y ait débat) : de vastes troupeaux de gnous. Et les gnous, c’est nous. La semaine dernière, à l’occasion d’un court séjour à Rome, j’ai pris conscience, que dis-je, j’ai été abasourdi, et presque asphyxié, par la nature essentiellement gnouesque de l’humanité.

mercredi 21 mars 2012

Trouble de l’élocufion

«Meine Mitte?
– OK, deine.
– Seid ihr fertig da drüben? Dürfen wir mal spielen?
– Jaaa.
– Na los!»


(«Je défends le centre.
– OK.
– Vous êtes prêts là-bas ? On peut y aller ?
– Ouiiii.
– Alors c’est parti !»)

Boum. Pim-pam-poum. Vlan ! «J’ai !» Tap-tap. Bam et rebam ! Plopffffff...

mardi 20 mars 2012

La DDR en DDélire de Gundula Schulze Eldowy

Le mois dernier, je vous fis la promesse de vous infliger régaler d’un double billet à propos de la double expo photo organisée à la galerie C/O. N’allez pas vous imaginer que j’avais oublié et que vous alliez y échapper, bande de chenapans... J’ai encore toute ma tête, quoi qu’on die !

La célèbre galerie de l’Oranienburgerstrasse s’était donné la peine d’expliquer à ses visiteurs qu’elle avait choisi d’organiser la rétrospective «Ron Galella, Paparazzo Extraordinaire» en hommage à la 62ème Berlinale qui se tenait au même moment. Pas un mot, en revanche, sur les raisons du choix qui a été fait d’exposer simultanément une centaine de clichés pris tout au long des années 1980, à Berlin et ailleurs en RDA, par la jeune photographe est-allemande Gundula Schulze Eldowy.

"Berlin 1987" de la série Der große und der kleine Schritt

jeudi 15 mars 2012

Mars : «L’Hôtel de Glace»

Saperlipopette ! Déjà le 15 mars ! Eh bien à midi pile heure de Nogent-le-Rotrou, des millions et des millions de blogueurs francophones partout à travers le monde publient La Photo du Mois. Le thème du mois de mars, choisi par Blogoth (je crois) est «Glace».

Au moment où le thème a été annoncé, début février, nous grelottions de froid et le choix semblait tomber sous le sens. Un mois après, alors que les bourgeons font enfin leur apparition et que les jours s’allongent, difficile de se replonger dans les clichés d’hiver. J’ai donc décidé de faire totalement l’impasse sur mes 928 photos de Berlin pris dans les glaces et de proposer quelque chose de complètement différent.

jeudi 8 mars 2012

Sales porcs phallocrates !

L’autre jour, alors que je prenais connaissance des dernières conneries infos vachement importantes publiées sur la page de discussion d’un forum de Français à Berlin dont je suis membre, voilà-t-il pas que je tombe sur un ce lien posté par un autre membre, claironnant sous les vivats de la foule en délire, le scoop suivant : «Allemagne : Une pasteure en couple avec une secrétaire d’État annonce sa grossesse [Munich And Co, Bild]». Comme si cela ne suffisait pas, une courte dépêche enfonce le clou, au cas où, comme moi, vous auriez naïvement cru à une faute de frappe multiple dans le titre :
“Eli Wolf, 46 ans, pasteure protestante à Francfort, et Marlis Bredehorst, 55 ans, secrétaire d'Etat à la Santé du Land de Rhénanie du Nord-Palatinat, du parti écologiste allemand (die Grüne), en couple depuis 1997, attendent un enfant, ont-elles annoncé à Bild. Et, expliquent-elles, cette annonce a été saluée par des félicitations jusqu'au sein de leur église. Sur Munich and Co [fr] et Bild [de].
À la vue de cette horreur contre-nature, mon sang n’a fait qu’un tour. Oui, chers gens, vous ne le saviez peut-être pas, mais j’ai, et j’assume, mon côté conservateur-tradi-old school. Je le cultive comme mon petit jardin secret, mon dark side rien qu’à moi. C’est comme ça, on ne se refait pas. Et j’ose même espérer que certains d’entre vous feront preuve d’un minimum de bon sens et partageront sans réserve mon avis : que deux femmes autour de la cinquantaine décident d’avoir un bébé ensemble, soit, parfait, très bien, rien à redire, il faut vivre avec son temps, et touça touça, mais alors oser écrire «une pasteure» !!! Aaaaarrrrrggghhhh ! Naaaaoooonnnn ! Pitié ! Assurément, implorai-je le Ciel avec la ferveur qui sied à l’intégriste aux abois, il existe un enfer pour châtier dans d’éternels tourments les coupables de péchés aussi ignobles contre la langue de Molière !

mardi 6 mars 2012

La Gazelle et les colonies

«Gazelle !»

Pendant un quart de seconde, le mot résonne dans mes oreilles comme un écho lointain, un appel silencieux, un murmure assourdissant. Mais non, je ne rêve pas, quelqu’un m’a effectivement interpellé en disant «Gazelle !». Un autre quart de seconde passe, durant lequel mon cerveau ultra-rapide produit le raisonnement suivant :

1. Je ne suis pas sur une allée bruyante et parfumée du souk de Marrakech mais sur un trottoir enneigé et presque désert du Boxhagener Platz, par un triste après-midi d’hiver. Cet arôme qui flotte dans l’air, ce n’est pas du cumin ni du safran, mais les vapeurs épicées du Glühwein.
2. Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas le profil-type des touristes blondes à forte poitrine à qui cette gracieuse épithète est habituellement lancée par des vendeurs de narguilés en djellaba ou par d’aspirants Casanovas wesh-wesh adossés oisivement à un mur de la médina. Même affublé d’un lapin mort en guise de couvre-chef et engoncé dans un épais manteau, malgré la lumière déclinante, il n’est pas possible de me prendre pour une Anne-Camille en goguette en Musulmanie.
3. En fait, quand on y pense bien, l’inconnu a distinctement prononcé «gatselleuh», à l’allemande, bien comme il faut (ou pas) (enfin, je me comprends).

Bref, en un mot comme en cent, what the hell is going on?

samedi 3 mars 2012

Révélation au centre du monde

Au petit matin à Friedrichshain... Le ciel nous gratifie d’un temps typiquement berlinois : gris et venteux à souhait. Beurk. De noires corneilles et des pies insolentes croassent sur les branches dénudées d’un grand marronnier majestueux. Un faible crachin s’ajoute à l’équation météorologique du jour. Beurk et re-beurk. Un coup d’œil par la fenêtre suffit à me passer l’envie d’aller au bureau à vélo ce matin. Trente minutes à pédaler plein ouest, à m’escrimer contre ce satané vent de face, à éponger la bruine de mon visage ? Nein, danke. Je quitte mon appartement, descends quatre étages avec l’enthousiasme d’un Thésée s’engouffrant dans les enfers. Au rez-de-chaussée, j’évite ostensiblement le regard lourd de reproches de ma bicyclette qui m’attendait comme chaque matin.

Il fallait bien s’y attendre : mon fidèle destrier ne comptait pas s’avouer vaincu si facilement. C’est un battant, mon Holland-Rad, il n’est pas né de la dernière pluie. Et il a son côté possessif parfois. «Minute, papillon, me tance-t-il vertement en me barrant le passage. Qu’est-ce que tu fais ? Tu t’apprêtais à partir sans moi ?» Penaud, je sors mon joker : un abonnement deux zones au réseau de la BVG (dites “Béfaougué”), la RATP de la Hauptstadt.

mercredi 29 février 2012

Ron Galella, «Boulet Extraordinaire» à la galerie C/O

À la fête de mon vingt-quatrième anniversaire, il y a quelques semaines, certains de mes amis ont cotisé pour m’offrir un pass d’un an pour la galerie C/O, ce grand espace dédié à l’art photographique au cœur du Mitte gentrifié à mort et d’ailleurs en sursis d’éviction depuis deux ans. «Super cadeau ! Merci les amis», m’exclamai-je, aux anges, bondissant de joie et de vodka. Mais il m’a suffit d’une seule utilisation pour comprendre, horrifié, que ce fabuleux cadeau était en réalité un baiser de Judas.

La galerie C/O sur Oranienburgerstraße à la fin février 2012 : le lieu où je risque de passer une bonne partie de mon temps libre pendant les 366 jours et 366 nuits à venir.

Car enfin, je ne sais pas si vous imaginez l’horreur en fait : pendant les 366 jours à venir, je vais être capable de me rendre aussi souvent que je veux à la galerie C/O, pour y passer des heures d’affilée, ou tout bêtement juste pour revenir admirer une photo que je n’avais pas bien vue lors de ma dernière visite (l’avant-veille), et tout ça pour pas un rond ! (Jusqu’à une époque récente, je devais m’acquitter de la somme de 10€ pour pénétrer dans ce sanctuaire.) L’énorme fan de la célèbre galerie que je suis, qui vous a déjà gratifié, non pas d’un article, ni même de deux, mais en fait de trois billets dans ces pages, risque d’y passer beeaaaaauuucoup de temps dans les douze prochains mois. J’imagine sans mal ce que diront mes «amis» d’ici quelques semaines :

«Tiens, t’as vu le Berliniquais dernièrement ? Ça fait un bail qu’il n’a pas donné signe de vie.
– Je crois qu’il est au C/O.
– Ah bon ? Encore ? Il y était déjà le weekend dernier quand nous étions tous à la plage !
– Oh bah tu sais, il y passe sa vie maintenant...
– Franchement, c’était trop une bonne idée qu’on lui offre ce cadeau ! Il nous fout une paix royale depuis trois mois. Je n’aurais jamais osé imaginer que le plan fonctionnerait aussi bien.
– Yep. Quel plan machiavélique ! C’était une idée de génie ce pass annuel. Prost! 
– Prost!»

Bref, les masques tombent. Quoi qu’il en soit, je profite à fond de mon abonnement : le weekend dernier, j’ai passé pas moins de quatre heures à la galerie (en deux fois), pour admirer la double expo qui s’y tenait jusqu’à dimanche dernier. Et vous aussi, vous allez bien morfler en profiter, car qui dit double expo dit bien sûr double billet de blog en perspective !

La première exposition, qui avait pour prétexte la Berlinale, était consacrée à l’«œuvre» de l’un des pionniers de la photographie de paparazzis, le photojournaliste américain Ron Galella, né dans le Bronx de parents immigrés italiens en 1931. N’étant pas particulièrement friand du culte des pipoles à la sauce Gala ou «Fan de...», le sujet ne m’intéressait pas énormément a priori. Seulement voilà, c’était gratuit, gratos, zéro euro, juste le prix d’un sourire, just free, δωρεάν, gratuito, kostenlos, معجبين, гратуит, フリー, ücretsiz, miễn phí, ללא תשלום, rhad ac am ddim, digoust chouchenn, 免費... alors j’y suis allé, pardi ! Capisce ? Eh ouais, j’suis comme ça moi : c’est gratuit, alors je me pose pas de questions et j’y vais. Par exemple, si vous voulez me rendre accro à l’héroïne, z’avez qu’à m’en refiler gratos et je vous présente séance tenante ma plus belle veine.

Mais reprenons. L’exposition, à laquelle je me suis rendu sans grande conviction, m’a fait tout de même fait découvrir un profil hors du commun et, en montrant ces clichés qui ont alimenté la presse à scandales pendant des décennies, invite les visiteurs à la réflexion sur l’un des nombreux travers du culte des célébrités et de notre société obsédée par l’image.

Galella pourchasse (littéralement) Jackie Kennedy Onassis sur Madison Avenue à New York, en octobre 1971. Auteur inconnu. Ne vous méprenez pas sur l'apparente nonchalance affichée par la veuve du président...

L’expo s’intitulait “Ron Galella – Paparazzo Extraordinaire”, le glorieux sobriquet attribué par le magazine Newsweek à l’envahissant photographe, et proposait jusqu’à dimanche dernier (oui, maintenant c’est trop tard) 130 photos de célébrités, prises des années 1960 aux années 80, le tout en noir et blanc. Des photos de stars quoi : acteurs et actrices, chanteurs et musiciens, artistes, de Liz Taylor au sommet de sa gloire à un Salvador Dalí vieillissant, des têtes couronnées, des mannequins et autres personnalités, parfois photographiés clairement avec leur accord, souvent manifestant sans équivoque leur agacement face à l’importun. Quel est donc l’intérêt de tout ceci, demanderez-vous ?

John Lennon et May Pang à la première d'une pièce de théâtre au Beacon Theater, en novembre 1974
Euh, eh bien, j’aurais bien du mal à répondre à cette question. Il est clair que la plupart des photos ressemblaient à des clichés de paparazzis, et n’auraient qu’un intérêt visuel ou artistique limité, si on n’y reconnaissait pas quelque célébrité dans une situation tout à fait banale... mais c’était très intéressant de se plonger pour une heure ou deux dans un univers qui m’est complètement étranger. Et puis, au risque de me répéter, il y avait cet élément de réflexion sous-jacent : qui se sert de qui, entre le paparazzi et la star à qui l’on vole des moment de sa vie privée ? 
« Si quelqu’un dit “Pas de photos !”, alors j’essaie de ne plus en prendre. Mais avant qu’il ne le dise, j’en prendrai autant que possible. Ce sont les règles du jeu ».
C’est en ces termes que s’exprime Ron Galella, vieux routier de la profession. Pourtant, à en juger par le calvaire qu’il a fait subir à la veuve du président Kennedy et à ses enfants dans les années 70, il semblerait qu’il ait interprété ces «règles du jeu » avec beaucoup de liberté. À moins que toute l’importance de son propos soit dans le «j’essaie de ne plus en prendre».

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«Oh, encore vous ? Je vous croyais en prison», dit-elle froidement en apercevant le visage bien trop familier de l’intrus. L’exposition consacrait une salle tout entière aux déboires de Jackie Bouvier-Kennedy-Onassis avec le paparazzi qui avait développé pour elle une obsession presque maladive, et pouvait passer des heures à la guetter dans les rues de New York, à Central Park, au restaurant, au spectacle, devant la salle de cinéma où elle venait d’entrer... Il s’est caché derrière des porte-manteaux, s’est affublé de postiches, s’est déguisé en père Noël, juste pour pouvoir mitrailler Jackie et ses enfants avec son téléobjectif. En 1972, à l’issue d’un procès intenté par la veuve du président, une injonction d’éloignement lui interdit de s’approcher à moins de 50 yards de Jackie Onassis, et à moins de 75 yards de ses enfants. Ce qui n’a pas empêché les tabloïds de s’étendre sur cette «most co-dependent celeb-paparazzi ever».

Le sourire quelque peu figé de Jackie Kennedy face à l'homme qu'elle croyait en prison,
avril 1976 au Palace Theater

Lorsque, un soir de 1977, Ron Galella prit en photo Mick Jagger à l’arrière d’une limousine avec le mannequin Jerry Hall, le cri en direction de l’objectif montrait son indignation face à la meute de photographes qui s’apprêtaient à révéler au public un moment de l’intimité du chanteur, qui ne s’était pas encore officiellement séparé de sa femme Bianca mais prenait du bon temps avec une autre. La presse à scandale donna un petit coup de pouce au couple en déliquescence et précipita la rupture. Pourtant, nous disent les organisateurs de l’exposition, la star semble prendre la pose devant l’objectif : son geste de colère semble adressé au public qui verra la photo. En fait, cette confrontation entre le paparazzi et la star devient une sorte de rituel, un acte théâtralisé où chacun connaît son rôle et sait comment il doit se comporter face à l’autre.

Mick Jagger et sa petite amie, le mannequin Jerry Hall, devant la galerie Mizuno en janvier 1983, ne sont pas très contents, enfin, surtout Mick. Et encore...

Les organisateurs de l’exposition poursuivent le raisonnement, et expliquent que cet accord tacite entre la star et le paparazzi est connu sous le nom de “give and take. Les deux adoptent une attitude ambiguë, évoluant entre le spontané et le délibéré, entre l’invitation et l’hostilité. Ils sont à la fois partenaires et adversaires dans le même jeu. Les stars oscillent constamment entre leur volonté de cacher leur vie privée et une propension à en dévoiler des pans entiers, et cette ambivalence est au centre de l’œuvre de Galella. Voilà voilà, on se couchera moins bête ce soir.

Assurément, Salvador Dalí, par exemple, n’a pas l’air particulièrement irrité à la vue du photographe.

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Au fil de l’exposition, le visiteur apprend également que l’opiniâtre paparazzi a parfois payé le prix de son obstination : Marlon Brando, passablement agacé par l’irruption de l’indésirable, lui a démoli la mâchoire. Galella y laissa cinq dents... Qui disait qu’il  n’y avait pas de sot métier déjà ? Toutefois, Ron Galella obtint d’importants dommages et intérêts au tribunal. Nous voilà rassurés.

Bruce Springsteen à la sortie d'un concert de Sting à Madison Square Garden en août 1988.
"What are you doing here, Ron?" a-t-il demandé au paparazzi.

L’expo s’achève en rappelant au visiteur qu’à l’heure du numérique et d’internet, vraiment tout le monde peut devenir un paparazzi et vendre ses clichés (tiens, voilà qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, moi qui songeais justement à une reconversion professionnelle...). Par conséquent, ce genre à part du photojournalisme n’est plus franchement lucratif (zut alors, mon rêve d’avenir est brisé dans l’œuf) et n’est plus en mesure de produire des talents et de voir émerger des photographes aussi célèbres que Ron Galella : ses photo sont donc élevés au rang de documents «uniques et historiques». Amen !

La métamorphose de Michael Jackson au fil des ans :

1. Michael (18 ans) et Janet Jackson (10 ans) en janvier 1977 à la remise de l’American Music Award à Santa Monica.

2. Michael Jackson un an plus tard à l’Université de Californie.

3. Huit ans plus tard, en novembre 1986, au Botanical Garden du Bronx.


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Une chose est sûre, c’est que je suis admiratif de la ténacité de Ron Galella, et de cet entêtement dont il a fait preuve pendant ces trois décennies de traque solitaire, appareil photo en main, malgré l’indifférence avec laquelle il était accueilli, quand ce n’était pas de l’hostilité, voire des coups. Quelque part, pour faire ce boulot pendant si longtemps, avec une telle passion et une telle application, il faut être un peu fêlé. Mais, dans le fond, ceux qui émergent du lot ne le sont-ils pas tous quelque part ?

Laissons le mot de la fin à Sophia Loren, accompagnée de son mari, Carlo Ponti, et de son décolleté légendaire, au dîner de gala qui suivit la première de Dr. Jivago de David Lean, en décembre 1965 : «Ses yeux ! s’extasiait-elle à propos du regard de braise d’Omar Sharif, la vedette du film, ce qui explique sa curieuse expression sur la photo. Avant, je croyais que les Italiens avaient les plus beaux yeux du monde, mais maintenant je sais que les Égyptiens en ont d’encore plus beaux !»


En tout cas, en matière de décolleté plongeant, à l’époque d’avant Photoshop de surcroît, on n’a toujours pas fait mieux, pas même Omar Sharif...

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