Une affiche des Republikaner, parti d'extrême droite xénophobe, le 12 septembre |
En revanche, la mauvaise nouvelle, c’est que la foire aux affiches douteuses dans les rues de Berlin touche à sa fin. Et ça, c’est bien dommage. On s’y était à habitué, voire attaché, à ces rectangles de carton coloré qui ont décoré les lampadaires pendant ces quatre ou cinq dernières semaines. Quelques unes me manqueront, c’est sûr. Alors, avant de tourner une fois pour toute la page de ces élections, revoyons une dernière fois ensemble les affiches les plus «réussies» de cette campagne électorale dans les rues de Berlin.
Les affiches du Piratenpartei
Parti jeune et rebelle fondé fin 2006, le Parti des Pirates exige avant tout la liberté sur Internet et l’abolition des restrictions légales sur le partage de données. Mais pas seulement : les Pirates faisaient également campagne pour la transparence totale des structures étatiques, la légalisation du cannabis, la gratuité des transports en commun en ville et la défense des quartiers populaires contre les appétits des investisseurs. Pour moi, il n’y a pas à dire : leurs affiches étaient les plus originales de cette campagne, même si parfois les Pirates ont peut-être poussé le délire un peu trop loin. Une affiche avec le Grumpy Cat ? Vraiment ? On aura vraiment tout vu... Et vous avez dûment payé les droits d’utilisation, messieurs les Pirates, n’est-ce pas ? Hein, comment ça non ?
«Légalisez le cannabis», proteste le Grumpy Cat. «J'ai plus de beuh». |
Dommage, les affiches étaient chouettes. J’ai un faible pour cette représentation de la Chancelière en caméra de surveillance pour protester contre l’État Big Brother.
La Chancelière métamorphosée en caméra de surveillance. «Citoyens sous surveillance ? Plus jamais !» |
Les Piraten ont aussi the solution contre la gentrification galopante de nos quartiers où il fait encore relativement bon vivre : chasser les investisseurs à coups de basses et de décibels. La house contre les penthouses, la musique contre le fric, la techno contre les projets mégalos. Pourquoi pas, après tout. Tant qu’on n’a pas essayé, on ne sait pas si ça peut marcher...
Les affiches des partis de l’extrême droite xénophobe
Comme d’habitude, les partis d’extrême-droite on fait dans l’outrance pour exister. Je n’ai pas boudé mon plaisir. Cette année, je décerne la palme de la campagne d’affichage la plus délicieusement odieuse au parti Die Republikaner pour l’ensemble de son œuvre. Leur affiche «Pour quel trou du c... allez-vous voter cette fois ?», représentant quatre postérieurs aux couleurs des quatre principaux partis habituellement au pouvoir, mérite les félicitations du jury pour son esthétique directement inspirée d’Andy Warhol doublée d’un clin d’œil subtil à Braveheart. Une telle débauche de culture sur une simple affiche électorale : je dis bravo. Heureusement que les Républicains sont là pour remonter le niveau.
« Pour quel trou du c... allez-vous voter cette fois ? » |
Sur les lampadaires du parvis de la gare centrale de Berlin, les affiches des Republikaner se sont télescopées par hasard avec celles d’un autre parti d’extrême-droite, le «Mouvement Pro-Deutschland», qui a ressorti ses affiches des campagnes précédentes, donc rien de nouveau à signaler de leur côté. Mais par effet de juxtaposition, ces affiches avaient tendance à se renforcer mutuellement, et à créer une atmosphère légèrement angoissante aux abords de la gare. Des musulmanes emprisonnées dans leur burqa, des cambrioleurs gantés et encagoulés, des cordes de pendus... Oh mon Dieu ! Comme j’ai peur ! Vite, donnez-moi tout de suite un bulletin de vote pour les REP ou les Pro-Deutschland, qu’on en finisse ! Viiiiiite !
Mon affiche préférée des Republikaner est toutefois cette perle de science-fiction sur le thème du spectre de l’«islamisation galopante» de l’Allemagne. Elle n’y va de main morte. Berlin, 2030 : le Reichstag est désormais transformé en mosquée, garni de minarets victorieux. La coupole de Sir Norman Foster est désormais surmontée d’un croissant de lune, bien évidemment. Une marée de croyants prie avec ferveur devant l’ancien siège du Parlement allemand, un drapeau turc flottant triomphalement devant le fronton désormais dédié «au peuple islamique» à la place de l’actuelle dédicace «au peuple allemand». Il suffit de regarder cette image plus de trois secondes pour avoir l’impression d’entendre des Allahou Akbar colériques scandés par une foule de voix mâles fanatiques, et des appels au djihad contre les infidèles. «Cela va plus vite que vous ne l’imaginez !» vaticine sans ambages l’affiche des prophètes du nationalisme teuton. Chiche.
Il est intéressant de noter que Die Republikaner a été fondé en Bavière en 1983, par des dissidents de la CSU, le «petit frère» bavarois de la CDU, associé au parti d’Angela Merkel au niveau fédéral. C’est toujours bien de rappeler les liens de parenté. Ce parti, qui entre autres choses prônait la dissolution des syndicats, l’expulsion de tous les étrangers et le rétablissement des frontières allemandes de 1937 (une petite guerre mondiale, ça vous dit les gars?), a connu son heure de gloire à la fin des années 80, obtenant notamment 8% des voix à Berlin-Ouest en 1989 et 11% dans le Bade-Wurtemberg en 1992. Il a même siégé au Parlement européen entre 1989 et 1994. À l’élection d’aujourd’hui, les Republikaner sont actuellement crédités d’un peu moins de 1% des votes, leur score habituel depuis une quinzaine d’années. Depuis 2006, les renseignements allemands (le Verfassungsschutz) ne considèrent plus les Republikaner comme un parti d’extrême-droite, bien que ceux-ci n’aient jamais caché leur admiration pour le Front National et comptent d’anciens Waffen SS parmi leurs fondateurs et éminences grises. What. The. Fuck.
Autres affiches de partis divers et variés, en images
L’Allemagne a peeeeuuuurrrr. |
Ça arrive plus vite que vous ne le pensez ! |
Autres affiches de partis divers et variés, en images
Une affiche qui proclame «Partager, c’est sympa : oui à l’impôt sur les millions » sur un ton aussi enjoué, je trouve que c’est à la limite de l’appel à la spoliation. Mais j’ai peut-être mal compris le message.
«Plus de courage, plus de marché, plus de liberté», claironnaient les Libéraux-démocrates, avec une obstination qui confine à l’aveuglement. Alors que la FDP prenait l’eau à chaque élection régionale et coulait à pic dans les sondages, les candidats du parti libéral-démocrate continuaient de jouer leur petite partition de sociopathes du tout-marché en faveur du démantèlement de l’État-providence, aussi indifférents au naufrage annoncé que le légendaire orchestre du Titanic. Le verdict a été à la hauteur de leur médiocrité idéologique : avec 4,8% des voix, les Libéraux ratent de justesse le seuil fatidique des 5%, et quittent Bundestag par la petite porte. Bien fait.
«Plus de courage, plus de marché, plus de liberté», claironnaient les Libéraux-démocrates, avec une obstination qui confine à l’aveuglement. Alors que la FDP prenait l’eau à chaque élection régionale et coulait à pic dans les sondages, les candidats du parti libéral-démocrate continuaient de jouer leur petite partition de sociopathes du tout-marché en faveur du démantèlement de l’État-providence, aussi indifférents au naufrage annoncé que le légendaire orchestre du Titanic. Le verdict a été à la hauteur de leur médiocrité idéologique : avec 4,8% des voix, les Libéraux ratent de justesse le seuil fatidique des 5%, et quittent Bundestag par la petite porte. Bien fait.
Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi le «Parti des Chrétiens fidèles à la Bible» n’avait-il pas de candidats à Berlin? Pourquoi avons-nous été privés de ces affiches priceless ? Pourquoi ? C’est trop injuste. En 2016, quand je serai grand naturalisé allemand, je voterai pour eux, c’est sûr.
À propos de vote... ça vous a plus ? Alors VOTEZ pour les Chroniques Berliniquaises aux Golden Blog Awards 2013 !
À propos de vote... ça vous a plus ? Alors VOTEZ pour les Chroniques Berliniquaises aux Golden Blog Awards 2013 !
Et quel titre quand même! Chapeau bas.
RépondreSupprimerMerci :-)
SupprimerL'avantage c'est que ça se décline quasiment à l'infini après... comme ça au pif, "machinallemand", générallemand, cordiallemand, fatallemand... Y'a moyen que ça devienne vite assez lourd même :-)
Der Ralf ist "Enorme"!
RépondreSupprimerOuais hein, t'as vu. Franchement les Bibeltreue Christen, bah ils méritent qu'on s'intéresse à eux. On les a trop ignorés pendant cette campagne. À la prochaine élection je m'occupe d'eux de plus près.
Supprimera voté!
RépondreSupprimer(Je parle non pas du BTW13 mais du vote pour le Golden Blog Award 2013, naturellement)
Petit Bonus: http://bit.ly/197qwe8
Merci beaucoup pour ton vote, Phrangipane!
SupprimerDésolé d'avoir mis tant de temps à publier ton commentaire, il avait atterri dans les spams... heureusement je vérifie toujours ma boîte de spams de temps en temps avant de faire le tri. D'habitude plus régulièrement mais là j'ai été un peu occupé.
Bonne soirée et bonne semaine.
PS: Sympa le gif... il est mieux en moustachu et sans la moumoute bizarre le Bibeltreuer Ralf :-D
Celle qui m'a le plus choquée je crois c'est du NPD si je ne m'abuse "Gute Heimflug" avec des estrangers sur un tapis volant... À vomir...
RépondreSupprimerCertes, celle-là elle est difficile à égaler. Tellement difficile qu'en fait c'est une vieille affiche qui ressort régulièrement aux élections. J'en avais déjà tellement parlé il y a deux ans que j'ai préféré m'abstenir cette année et parler d'autre chose.
SupprimerMais pour ceux qui n'ont pas lu ce billet, le revoici :-)
http://chronique-berliniquaise.blogspot.fr/2011/09/une-bonne-dose-de-haine-dans-ce-monde.html
Moi ça me fait rigoler ces affiches. C'est tellement gros, tellement ridicule. Si c'était plus subtil, là le message serait dangereux. Mais là, non. Je préfère en rire plutôt qu'en vomir.
J'avoue avoir un peu de mal à suivre la politique allemande...il faut dire que j'ai déjà du mal avec la française. J'espère qu'en 2017 on aura des affiches aussi rigolotes.
RépondreSupprimerQue les partis politiques t'entendent Alain. D'ailleurs c'est étonnant qu'en France le Parti pirate soit à ce point inaudible, comparé à l'Allemagne.
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