samedi 29 décembre 2012

L’austérité en Europe expliquée à un gamin de 7 ans

«S’il vous plaît, Madame la Conseillère, dessine-moi... la politique d’austérité dans les pays du Sud de la zone Euro.
— Chanzelière. Che zuis la Chanzelière, mon petit... euh... Ach, z’est quoi ton nom, déchà ?
— Jean-Gonzague, Madame la Chansonnière.
— Chanzelière, Schan-Gonzack, che suis Chan-ze-liè-reu. Mais tu peux m’appeler Tata Angela, si tu feux.
— D’accord Madame Tata Engueula. De toute façon  j’ai rien compris à ton histoire de Gentillière. Alors c’est bon, tu veux bien me dessiner l’austérité en Europe, hein ? Allez s’il vous plaît !
— Mais buisque z’est zi chentiment demandé, afec blaisir mon petit Schan-Gonzack.
— Youpi ! T’es super gentille Madame Tata Engueula !
— Mais oui, z’est frai que che zuis très chentille. Z’est exactement ce que dit Papandréou à chaque fois que che lui lâche un ou teux milliards. Mais remarque, ch’ai une meilleure idée. Au lieu de te faire un dessin, che t’expliquerai comment marche l’austérité de manière toute zimple. Avec des billes. Un cheu de billes. Ça te fa comme ça, Schan-Gonzack ?
— Des billes ? Trop cool ! T’es trop forte Madame Tata Engueula !»

Et la Chansonnière Tata Engueula, de sa besace en skaï assortie à son sobre tailleur lilas, extrait une petite boîte cylindrique, gaiement colorée et harmonieusement proportionnée. Pédagogue hors pair, elle débuta alors son exposé, simple, concis, ludique et parfaitement accessible à un élève de cours élémentaire. Car il n’est jamais trop tôt pour endoctriner éveiller le citoyen européen qui sommeille en chacun de nos petites têtes blondes.


Reproduisons le mini-cours magistral de Tata Engueula, mais sans les dialogues avec le petit Jean-Gonzague hein, parce que les intonations à la Papa Schulz, ça va deux minutes. Vous aurez besoin, chers Lecteurs et Vahinés, afin de mener à bien votre petite démonstration, des éléments suivants :

- Un jeu de billes de verre de la marque Kugelbahn, Made in Germany, cela va de soi ;
- Une boîte en fer-blanc contenant le susmentionné jeu de billes ;
- Un enfant sachant compter au moins jusqu’à 42 ;
- Un sapin de Noël (facultatif) ;
- Un exemplaire relié et broché du Pacte Budgétaire Européen (facultatif).

Repérez, parmi le fatras de cadeaux et de jouets éparpillés à proximité du sapin, la boîte de billes Kugelbahn. Prenez-la dans votre main, comme indiqué sur l’illustration ci-dessous.

Cet objet à l'aspect ludique et anodin renferme un terrible secret
Laissez-vous gagner brièvement par un sentiment d’admiration mêlé d’anti-germanisme primaire. La qualité du design, la légèreté de la tôle étamée, ce travail du métal hérité de siècles de tradition germanique, la parfaite sphéricité des petites billes de verre alors qu’elles n’ont pour toute vocation que d’amuser des marmots... oui, il n’y a pas à dire : vous reconnaissez bien là les caractéristiques inimitables du Made in Germany. Kugelbahn, c’est la Porsche de la bille de verre. Rien de moins.

1ère leçon du test de la boîte de billes : l’industrie manufacturière allemande, il n’y a que ça de vrai.

Retournez ensuite la boîte cylindrique, de manière à pouvoir lire la description du produit dans une demi-douzaine de langues différentes.

2ème leçon de notre petit test : le Made in Germany s’exporte dans tout plein de pays, même quand il s’agit de banales billes de verre toutes cons. Il est donc nécessaire de traduire les informations relatives au produit en néerlandais, en français et bien entendu, en anglo-amerloque.

Pour les pays pas trop dans la mouise : la boîte contient 42 billes de verre
L’on vous informe que la boîte contenait à l’origine 42 billes de verre et 2 billes d’un «métal» indéfini. Inutile de les compter, elles sont déjà éparpillées un peu partout dans le salon. Au passage, vous apprenez que «billes», ça se dit Murmeln en allemand, en anglais, marbles, et knikkers en presque-teuton du nord-ouest, dans ce pays plat comme une crêpe. Voilà qui vous permettra de briller en société lors des après-midi galettes des rois et partie de coinche entre copains d’ici quelques semaines, chers amis lecteurs. Mais revenons à notre petite démonstration.

Vous soupçonnez qu’un certain nombre de traduction manquent à l’appel : l’industrie teutonne, conquérante et grande bénéficiaire de l’euro, ne s’exporte-t-elle pas dans deux ou trois autres pays ? Et vous aviez tout à fait raison : faites donc pivoter la boîte sur la droite, pour révéler le texte explicatif dans les deux dernières langues dans lesquelles il est traduit. Qué putada!, comme l’on a coutume de s’exclamer au sud des Pyrénées pour exprimer la surprise et le dégoût. La boîte en fer-blanc qui à l’instant même contenait exactement 42 billes / marbles / Murmeln / knikkers, informe les clients méditerranéens, Transalpins trahis et Espagnols estomaqués par tant de fourberie, que pour eux, le jeu ne comporte que 36 biglie et autres canicas, et pas une de plus.

Ça alors ! Pour les pays qui ont perdu leur AAA ou leur AA+, il n'y a plus que 36 billes dans la boîte !
L’observateur avisé remarquera d’ailleurs l’absence de traduction en portugais et en grec. On pourrait en tirer des conséquences pessimistes pour les enfants de ces pays, mais un tel procédé, contrairement au reste de la démonstration, ne serait pas scientifiquement très rigoureux.

Nous en arrivons donc à la 3ème et dernière leçon de notre test de la boîte de billes en verre : l’austérité dans la zone euro, ça veut dire concrètement que plus un pays est malmené par les marchés financiers (et accessoirement, par la Chansonnière Tata Engueula), moins les enfants auront de billes dans leur boîte Kugelbahn Made in Germany. Simple comme de l’eau de roche et clair comme bonjour.

Quod erat demonstrandum.

Désormais, grâce à Tata Engueula (et un peu grâce aux Chroniques Berliniquaises aussi), vous ne serez plus  complètement pris au dépourvu lorsqu’un gamin de 7 ans, féru de problématiques économiques et financières, vous demandera de lui expliquer la crise de la dette et la politique d’austérité dans la zone Euro !

Au prochain numéro, Monsieur Jean-Claude, alias Tonton Junkie, président de l’Eurogroupe, vous expliquera les Eurobonds avec une galette en frangipane et une couronne en papier.

11 commentaires:

  1. Huhuh, c'est rigolu que tu écrives "Quod erat demonstrandum" parce qu'en anglais on ne dit pas CQFD mais QED :)

    C'est mortel le coup des billes! Et en plus, je sais pas si t'as remarqué, le côté des pays riches est imprimé parfaitement clairement alors que le côté des pays dans la mouise a été imprimé tout flou ;) C'est trop salaud (comme dirait ma frangine)!

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    1. Je trouve que c'est plus stylé le latin. J'adore faire mon "doctus cum libro". Surtout que j'ai toujours évité cette matière comme la peste en classe (et ne l'ai jamais regretté par la suite, contrairement aux prédictions pessimistes de mes profs qui me disaient que pour réussir ma vie, il fallait passer par la case latin).

      Sinon pour la photo floue, là je dois dire que ce n'est pas la faute du fabricant, mais plutôt du photographe :-) Mais tu t'en doutais déjà je suppose...

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  2. Heu ? Ben ça alors ! Ils sont fous ces teutons.

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  3. Je crains que l'année prochaine la boite Française ne compte que 34 billes...et encore...

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  4. Merci pour ce bon moment de rigolade ! Que 2013 nous en apporte encore beaucoup !!

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  5. Excellent !!!! Je m'attendais par contre à avoir un petit passage bonus sur le titre de la traduction française : "Boîte de de billes". Un bonus de mots pour le voisin d'outre-Rhin ?

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    1. Ah tiens, j'avais même pas remarqué. J'étais déjà trop content de voir que la version française nous donnait droit au même nombre de billes qu'aux Allemands!

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Un petit bonjour ?

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