Sami Khedira, Jérôme Boateng, Mesut Özil, Bastian "Schweini" : Hourra ! Voici enfin l'Allemagne Black-Blanc-Beur-Turc |
Qu'on se le dise, l'Allemagne a bien changé. Elle a résolument tourné la page des années noires du milieu du XXème siècle, a organisé la coupe du monde de foot la plus "ouf" de l'histoire de la FIFA (d'après un panel mondialement représentatif de lecteurs assidus de Bild et de 11 Freunde), et regarde avec confiance vers un avenir radieux où les gens s'aiment, rient et dansent à la ronde, pieds nus dans les prés, des couronnes de fleurs dans les cheveux. Les Allemands ont fait leur examen de conscience, ont réfléchi à leurs crimes du passé, et se sont livrés tout récemment, avec un zèle exemplaire, à une vague d'arrestations, de procès et de condamnations de frêles nonagénaires qui ont commis les pires atrocités il y a environ 70 ans de cela, et ensuite ont pu couler des jours paisibles pendant plus d'un demi-siècle dans la plus grande impunité, au vu et au su de tous. Ces derniers affreux d'un autre âge, qui n'ont pas eu le bon goût de trépasser pendant toutes ces décennies de bonheur amnésique, sont devenus des symboles un tantinet encombrants d'une époque révolue, et expient enfin leurs fautes et celles de feu leurs compagnons tortionnaires. Ha ! C'est bien fait pour leur sale gueule. Z'avaient qu'à être plus futés et passer l'arme à gauche dignement et surtout discrètement, avant que le vent ne tourne, comme par exemple ce monsieur, mais aussi beaucoup d'autres avant lui. Mais qu'à cela ne tienne, l'Allemand moderne est ouvert d'esprit, instruit, artiste dans l'âme, pas nationaliste pour un sou, gentiment amateur de foot, sympa et to-lé-rant, alors s'il vous plaît soyez sympas (comme lui) et arrêtez de lui balancer à la figure les mêmes stéréotypes éculés et autres vieilles histoires avec lesquelles il n'a strictement rien à voir. Il a beau avoir beaucoup d'humour (presque autant que nous) et de sens de l'auto-dérision, au bout de la quarante-douzième fois ça commence à lui taper sur les nerfs. On le comprend, mais l'ennui c'est qu'on ne s'en lasse jamais, de ces vieilles histoires, c'est plus fort que nous... Et puis d'abord, comment tenir un blog digne de ce nom sans une bonne dose de clichés éculés, hein ? Je vous le demande.
Mais l'Allemagne aime aussi être première en tout. La première en exportations. La première en industrie. La première en puissantes cylindrées qui polluent. La première en écologie aussi, d'ailleurs. (La première en contradictions peut-être ?) La première au foot. La première au foot féminin. La première en Formule 1. La première à l'Eurovision. La première en musique ringarde inécoutable. La première en musique électro hyper tendance. La première en nombre de brasseries. La première en mangeage de saucisses. La première en philosophie. La première en télé-lobotomie. La première en examen de conscience nationale. La première en Chutes de Murs. La première en réunifications pacifiques. La première en punks piercés. La première en coupes "mullet". La première en dénatalité et en vieillissement démographique. Si elle ne peut pas être première mondiale, l'Allemagne se contentera volontiers de la première place européenne. Si elle ne peut pas être la première en Europe, alors c'est une tragédie : la nation est en péril. Il faut y absolument remédier et [re]devenir premier au plus vite. L'Allemand est le premier de la classe ou n'est pas. J'exagère à peine et je trouve ça plutôt attendrissant dans le fond. À chacun ses petites manies après tout. En Martinique, en France et ailleurs, nous avons bien nos lubies.
Mais l'Allemagne aime aussi être première en tout. La première en exportations. La première en industrie. La première en puissantes cylindrées qui polluent. La première en écologie aussi, d'ailleurs. (La première en contradictions peut-être ?) La première au foot. La première au foot féminin. La première en Formule 1. La première à l'Eurovision. La première en musique ringarde inécoutable. La première en musique électro hyper tendance. La première en nombre de brasseries. La première en mangeage de saucisses. La première en philosophie. La première en télé-lobotomie. La première en examen de conscience nationale. La première en Chutes de Murs. La première en réunifications pacifiques. La première en punks piercés. La première en coupes "mullet". La première en dénatalité et en vieillissement démographique. Si elle ne peut pas être première mondiale, l'Allemagne se contentera volontiers de la première place européenne. Si elle ne peut pas être la première en Europe, alors c'est une tragédie : la nation est en péril. Il faut y absolument remédier et [re]devenir premier au plus vite. L'Allemand est le premier de la classe ou n'est pas. J'exagère à peine et je trouve ça plutôt attendrissant dans le fond. À chacun ses petites manies après tout. En Martinique, en France et ailleurs, nous avons bien nos lubies.
Fort bien, tout cela est très intéressant, mais quel rapport avec le schmilblick, demanderez-vous ?
Eh bien, tout, en fait. Car depuis quelques années, il y a un domaine où l'Allemagne s'est laissé distancer par ses voisins européens, et cela ne pouvait plus durer. Depuis un certain temps, disons au hasard, depuis un certain 11 septembre 2001 (Gloups ! Bientôt dix ans ! Ça promet les violons et les commémorations en septembre...), une vague de populisme, de xénophobie, et plus particulièrement, de peur et de rejet de l'islam déferle sur l'Europe, des polders hollandais aux vallées suisses. Le racisme a toujours existé, dans tous les pays et toutes les cultures, évidemment. Mais la grande nouveauté de la décennie, en Europe et d'ailleurs aux États-Unis, c'est la réappropriation des plus bas instincts de la population, l'exploitation des peurs par des politiciens ambitieux et en mal d'idées pour résoudre les vrais problèmes, et la montée en puissance de partis politiques d'un nouveau genre d'extrême droite. Bon, vous êtes au courant. Des Pays-Bas à l'Italie, de la France au Danemark, de la Flandre à la Hongrie, la montée des partis de la peur, de la haine et du rejet se poursuit semble difficile à contenir.
Vestes brunes et brassards intimidants : "gardes" du parti Jobbik en Hongrie. Non, ce n'est pas un cliché datant de 1941. |
Jusqu'ici, l'Allemagne était relativement épargnée. Non pas que les Allemands soient devenus meilleurs et moins racistes que tous les autres, loin s'en faut. Mais l'extrême droite, traditionnellement néo-nazie, est toujours restée ultra-minoritaire à l'échelle nationale (dans la sphère publique s'entend, je ne suis pas allé sonder les cœurs et les âmes), ne parvenant à s'implanter que de manière très locale dans les régions les plus déshéritées de l'ancienne RDA. Les franges extrémistes, souvent violentes, se sont d'ailleurs souvent illustrées par des attaques sanglantes de triste mémoire. Le néo-nazisme n'est donc pas mort, mais il est out, ridiculisé en permanence (un traitement encore moins enviable que la "diabolisation" dont se plaignent hypocritement les dirigeants du FN par exemple), bien plus ringard que la musique traditionnelle bavaroise. Il est impossible d'être pris au sérieux dès lors que l'on exprime publiquement des sympathies pro-fascistes. Une sorte de consensus social et politique l'avait ainsi voulu : un nazi heureux est un nazi caché. Or jusqu'à récemment, il était presque impossible en Allemagne d'être un honnête homme d'extrême-droite sans être immédiatement associé au néo-nazisme et sans être mis dans le même panier que les cinglés nostalgiques du IIIème Reich, ce qui équivaut à une disqualification immédiate de tout ce qu'on a à dire. C'est tout de même fâcheux ces amalgames faciles, ne trouvez-vous pas ?
Cette situation est en train de changer. Ces derniers mois, la parole xénophobe s'est banalisée avec une rapidité qui ne saurait étonner que ceux qui oublient que l'Allemagne est la patrie de Michael Schumacher. Tout a commencé, comme il se doit au pays des poètes et des penseurs, par un livre. Thilo Sarrazin, franc-tireur revêche du parti social-démocrate, et équivalent berlinois de feu Georges Frêche (la gouaille du midi en moins, le côté sec et cassant prussien en plus), a fait des découvertes intéressantes sur les musulmans et sur les juifs et décidé de publier ses élucubrations dans Deutschland schafft sich ab ("L'Allemagne court à sa perte"). Comme vous le savez, l'on y apprend que les juifs ont un "gêne juif", et que les musulmans turcs et arabes sont incompatibles avec la société allemande, ne sont bons qu'à gérer des supérettes de quartier, sont responsables de l'abrutissement général de la population teutonne à l'intelligence supérieure, et vont bientôt supplanter la race aryenne de bonne souche germanique grâce à leur fécondité prolifique ("comme les Albanais ont conquis le Kosovo", prophétise-t-il, des trémolos dans la voix) et du fait de leur fâcheuse manie de sacrifier des enfants allemands blonds dans les mosquées pour des rites sataniques. La plupart des politiciens ont pris leurs distances avec ces propos, y compris le très respecté Bundespräsident qui s'y est brûlé les doigts, mais il s'est passé quelque chose de fondamentalement nouveau : Thilo Sarrazin n'a pas été immédiatement discrédité par les stigmates tabous du néo-nazisme, il a ouvert un débat qui semble-t-il, couvait depuis longtemps. Quelques figures de la CDU et surtout de la CSU bavaroise (parti dont la principale contribution à l'humanité est d'avoir recyclé un grand nombre de dignitaires nazis après la guerre) se sont gaiement engouffrées dans la brèche. L'occasion était trop belle pour pouvoir enfin dire tout haut ce qu'ils marmonnaient dans leur barbe depuis si longtemps, et l'Allemagne a commencé à rattraper à pas de géant le retard qu'elle avait accumulé par rapport à ses voisins européens en matière de xénophobie et de populisme.
Des enquêtes ont montré que la majorité du public approuvait les propos du trublion Sarrazin, et que 18% des électeurs voteraient pour lui ou pour un parti qui défend ses idées, ce qui n'est pas le cas de son parti actuel, la SPD de centre-gauche, qui d'ailleurs semble avoir renoncé à l'exclure. Un parti défendant les idées de M. Sarrazin et se nourrissant des peurs du peuple sans être souillé par la boue nazie : voilà donc ce qui manquait au paysage politique allemand. Les ambitieux et les opportunistes ne se sont pas fait prier, et c'est maintenant chose faite : depuis début janvier, l'Allemagne a enfin son parti politique ouvertement islamophobe, Die Freiheit ou "La Liberté". Je parle bien sûr d'un parti qui se veut "fréquentable", et surtout pas néo-nazi. Ce parti a été créé sans grande fanfare, en semi-clandestinité, et son fondateur, René Stadtkewitz, est un bureaucrate berlinois inconnu, peu charismatique et souffrant d'un complexe d'infériorité (cocktail détonnant s'il en est), mais qui se prédit un grand avenir, dans son combat pour la "liberté d'expression", contre la "bien-pensance", le "politiquement correct", et bien sûr contre l'islam, notre ennemi à tous. Il a déjà commencé à soigner son réseau, et a fait ami-ami avec Geert Wilders, l'épouvantail hollandais à la chevelure de Marilyn Monroe, qu'il a invité à Berlin à l'automne pour une conférence controversée tenue à huis clos et devant des invités triés sur le volet.
Des enquêtes ont montré que la majorité du public approuvait les propos du trublion Sarrazin, et que 18% des électeurs voteraient pour lui ou pour un parti qui défend ses idées, ce qui n'est pas le cas de son parti actuel, la SPD de centre-gauche, qui d'ailleurs semble avoir renoncé à l'exclure. Un parti défendant les idées de M. Sarrazin et se nourrissant des peurs du peuple sans être souillé par la boue nazie : voilà donc ce qui manquait au paysage politique allemand. Les ambitieux et les opportunistes ne se sont pas fait prier, et c'est maintenant chose faite : depuis début janvier, l'Allemagne a enfin son parti politique ouvertement islamophobe, Die Freiheit ou "La Liberté". Je parle bien sûr d'un parti qui se veut "fréquentable", et surtout pas néo-nazi. Ce parti a été créé sans grande fanfare, en semi-clandestinité, et son fondateur, René Stadtkewitz, est un bureaucrate berlinois inconnu, peu charismatique et souffrant d'un complexe d'infériorité (cocktail détonnant s'il en est), mais qui se prédit un grand avenir, dans son combat pour la "liberté d'expression", contre la "bien-pensance", le "politiquement correct", et bien sûr contre l'islam, notre ennemi à tous. Il a déjà commencé à soigner son réseau, et a fait ami-ami avec Geert Wilders, l'épouvantail hollandais à la chevelure de Marilyn Monroe, qu'il a invité à Berlin à l'automne pour une conférence controversée tenue à huis clos et devant des invités triés sur le volet.
René Stadtkewitz dans son bureau. |
L'Integrationsdebatte de l'automne dernier, ce "débat" cathartique sur l' "intégration" qui a déchaîné les passions et libéré la parole trop longtemps corsetée par l'anti-nazisme primaire, s'est beaucoup calmé, et pour l'instant l'opinion ne semble pas prête à en remettre une couche. Certes, cette salutaire mise à l'index des millions de musulmans d'Allemagne a laissé des traces : depuis quelques mois, les mosquées de Berlin (les mêmes où l'on utilise du sang d'enfants allemands) sont la cible d'attaques incendiaires répétées et à motifs clairement xénophobes. La presse fait son boulot et relate ces faits, mais personne n'y prête guère attention. Pensez-vous, il y a des choses bien plus importantes dans l'actualité, comme par exemple Heidi, un opossum fraîchement acquis par le zoo de Leipzig, la nouvelle coqueluche des médias, trop mimi avec son strabisme, mais regardez comme elle est craquante, ooooohhh.
L'incendie du racisme est donc éteint, mais les braises sont encore chaudes, et n'attendent qu'un tout petit souffle pour que le feu reparte de plus belle. L'avenir nous dira comment évoluera le parti Die Freiheit, mais souhaitons-lui bonne chance pour réussir à insuffler l'air mauvais de haine et de peur qui jusqu'ici manquait cruellement au débat politique allemand.
Avis aux nations européennes : l'Allemagne vient de se qualifier pour la Coupe du monde du populisme. Elle est pour l'instant un outsider dans cette compétition qu'elle a rejointe avec une bonne décennie de retard. Mais n'oubliez pas deux choses : tout d'abord, elle aime être première en tout, et parvient souvent à le devenir quand elle s'en donne vraiment la peine. Et surtout, elle jouit d'une incontestable légitimité historique en la matière (oh le vilain cliché !).
et bien il ne leur manque plus que leur Eric Zemmour et ils seront premiers!...
RépondreSupprimerpfff...ce qui est plus consternant c'est que toute cette haine exacerbée depuis peu-il faut bien trouvé un vrai coupable à la crise, hein- se mène sous couvert du droit à la liberté d'expression! En tout cas, en disant tout haut ce que bcp pensent tout bas, ces néo-beurks mettent à jour la réalité:la majorité pensent bien bas.
tchusssss!
et bon courage d'ici!...c'est guère mieux tinquiètes!
Héhé, trop fort, j'ai 4 potes qui s'appellent Alexandre ici à Berlin, en fait pour être précis il y a Alexandre le Français, Alejandro l'Espagnol, Alexander l'Allemand et Alex l'Anglais. Comme ça, pas de jaloux. Et du coup j'ai cru un instant que tu étais l'un deux, mais non. Oui je sais que c'est bien pire en France... c'est bien ce que je dis, l'Allemagne est encore outsider dans la course à l'échalote... enfin bon, eh oui l'heure est grave et on vit des moments difficiles. Tout ce qu'il nous reste à faire est de ne rien laisser passer, et de rester toujours vigilants. Oui parfois la majorité pense des trucs horribles, je m'en suis rendu compte avec l' "affaire Sarrazin". C'est pas rassurant.
RépondreSupprimerHéhé!!
RépondreSupprimeroui je suis un Alexandre normand qui vit à Paris et j'ai découvert ton blog via un autre;tes articles sont captivants et pour certains très intéressants.
Tu l'as bien dit c'est déjà pire ailleurs, en Europe, et en France en particulier; il y a des preuves quasi quotidiennes de cette poussée de haine...ce n'est pas de bon augure pour les prochaines élections.
Et c'est comment en Martinique?
Très content que ça te plaise ! Allez, il reste encore un an et quelques mois avant les élections, qui sait, peut-être que d'ici là les gens retrouveront leurs esprits. En Martinique je vois les choses d'assez loin mais mon impression c'est que bien sûr il y a aussi dans notre société un peu de racisme, comme partout. Le racisme anti-blanc y existe, mais n'est tout de même pas très répandu... En tout cas en politique les discours de haine et d'exclusion sont très mal accueillis. Ce n'est pas vraiment dans notre tradition de vouloir nous "protéger" contre les "autres". Notre culture est très "inclusive". Il suffit de vouloir être martiniquais et d'y avoir une vague attache pour l'être ! Le "populisme" chez nous se manifeste plutôt sous la forme du clientélisme. C'est pas joli-joli mais c'est moins grave :-)
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