mardi 12 avril 2011

Courrier des Lecteurs : De la suite dans les billets

Aux Chroniques Berliniquaises, il arrive souvent qu'un sujet d'actualité soit évoqué, brièvement ou alors de manière plus approfondie. Hélas, en général, faute de temps, au billet suivant je passe à autre chose, sans revenir sur le sujet en question même lorsque des rebondissements intéressants se produisent par la suite, obligeant alors mes lecteurs et lectrices frustrés et désemparés à se connecter sur des sites comme Spiegel.de, Lemonde.fr ou, comble de l'horreur, Lefigaro.fr, pour ces compléments d'informations dont ils ont besoin pour assouvir leur soif de connaissance et leur désir de comprendre le monde complexe qui nous entoure.

Alors, allons-y sans plus tarder : reprenons quelques vieilles histoires restées en suspens et tâchons derechef de répondre précisément aux questions angoissées de nos lecteurs, qui, je vous le rappelle, sont surtout des lectrices.

Cher Chroniqueur, je suis sur le point de réserver une semaine de vacances en Guadeloupe et j'ai trouvé un gîte canon au Gosier. Mes petits boutchous risquent-ils de se faire dévorer par un barracuda mutant à la Pointe de la Verdure ou pourrons-nous barboter tranquilles ?
Ghislaine, 44 ans, Mouilleron-en-Pareds (Vendée)

Chère Ghislaine, félicitations pour cet excellent choix ! Je ne vous cache pas que cela m'eût comblé d'allégresse que vous m'annonçassiez que vous êtes en partance pour mon pays adoré plutôt que vers l'île sœur, mais enfin, c'est déjà bien et puis aux Chroniques Berliniquaises on n'approuve pas l'esprit de clocher qui prévaut parfois dans nos îles. De surcroît, j'ai une bonne nouvelle pour vous ! Le jour de Noël, deux grosses saloperies d'un mètre de long ont été pêchées et trucidées sans merci à proximité de la plage de la Datcha, là même où le serial-croqueur non identifié avait sévi en octobre. Si ce n'est pas un joli symbole ça... Et il en était grand temps, car les pêcheurs locaux commençaient à s'impatienter et recouraient de plus en plus aux grands moyens. Il était déjà question de dynamiter le récif afin d'en déloger l'encombrant prédateur. Heureusement, l'arme suprême n'a pas été employée, et, même si rien ne permet d'affirmer que les bécunes pêchées soient les coupables, tout le monde est satisfait, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'un bisou de ces deux gros barracudas aurait sûrement fait très mal. Les orteils de vos petiots sont donc en sécurité dans les eaux turquoises du Gosier... ou pas.

Mais n'oubliez pas de prendre de la crème solaire car, barracuda dans l'eau ou pas, le plus grand danger que courent vos bambins est d'attraper un coup de soleil carabiné. Et un autre conseil : allez-y deux semaines plutôt qu'une, en Guadeloupe !

Monsieur, vous voyez bien que j'avais bien raison : malgré vos gémissements insensés, la Galerie C/O à Oranienburger Straße n'a pas fermé ses portes à la fin mars. Vous feriez mieux d'arrêter ce blog, cela vous évitera de proférer davantage d'âneries. Je ne vous salue pas.
Thomas M., 56 ans, Nassau (Bahamas)

Ah, cher Thomas, quel plaisir de vous revoir ici ! Je me souviens que vous m'aviez vertement enguirlandé au sujet de propos que je tenais dans mon article sur l'expo Mapplethorpe. Eh bien je m'incline et reconnais humblement que vous aviez vu juste : C/O Berlin reste ouvert pour au moins quelques mois, peut-être jusqu'à l'année prochaine. Si vous en savez plus, nous sommes preneurs.

Juliette Gréco et Philippe Lemaire
En tout cas, l'exposition Mapplethorpe est prolongée jusqu'au 1er mai, de même que l'expo (gratuite) Shoot - Fotografie Existentiell, où vous pouvez admirer des "photoshoots" au sens littéral : d'étonnants clichés de l'entre-deux-guerres, résultats d'une mode qui faisait fureur à l'époque. Le concept de cette bizarrerie était fort simple : à la fête foraine, le chaland tirait à la carabine vers une cible, et s'il tapait dans le mille, il remportait un cliché de lui-même dans le feu de l'action. Si vous vouliez voir Sartre et Fellini en fous de la gâchette, c'est l'occasion rêvée.

Cependant, mon cher Thomas au vocabulaire ordurier, une victoire contre les forces rampantes de la gentrification n'est jamais qu'un répit de courte durée à Berlin, puisque juste après le prolongement du bail de C/O, on apprenait que tout le rez-de-chaussée de Tacheles mettait la clé sous la porte, évacué par ses artistes et ses cafés. On peut dire adieu au Café Zapata. Comme quoi, il ne faut jamais crier victoire face aux forces de l'argent-roi.

Cher Chroniqueur, après le succès historique du livre de Thilo Sarrazin et la fondation du premier parti xénophobe "soft" du pays, l'Allemagne s'est-elle enfin mise au diapason de ses voisins européens en matière de surenchère démagogique et populiste ? René Stadtkewitz sera-t-il le Lothar Matthäus qui conduira l'Allemagne vers le titre de champion du monde du repli identitaire ?
Carole, 33 ans, Corps-Nuds (Ille-et-Vilaine)
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, avec son homologue italien, Roberto Maroni, le 8 avril à Milan.
Duo de charme : Claude Guéant et Roberto Maroni.
Beurk et re-beurk.

Chère Carole, permettez-moi de vous rassurer : le nouveau parti populiste Die Freiheit (La Liberté) s'est fait très discret sur la scène médiatique ces derniers mois. Pire encore (du moins, selon le point de vue adopté), la presse fait plutôt état de graves dissensions au sein de la mouvance populiste de droite berlinoise, notamment du fait des soupçons d'homosexualité qui pèsent sur un responsable. En Autriche, feu Jörg Haider nous avait pourtant montré de fort belle manière qu'homosexualité et xénophobie pouvaient faire très bon ménage, et même parfois faire couche commune, mais il semblerait que beaucoup, dans les courants "presque-nazis-mais-pas-antisémites" d'Allemagne, ne l'entendent pas de cette oreille. Le populisme berlinois sera homophobe ou ne sera pas. Ce qui risque de leur coûter beaucoup de voix dans le havre de tolérance qu'est Berlin, mais c'est à eux de décider après tout. Si j'étais un xénophobe allemand avec un brin d'ambition politique, je dirais, inspiré par la sagesse d'Henri IV, "Berlin vaut bien une Gay Pride". Mais franchement, l'opinion publique allemande, malgré quelques déclarations fracassantes du nouveau ministre de l'Intérieur, qui vaut presque son pesant de Guéants, n'est guère attentive à ces gesticulations moisies. Elle est bien plus préoccupée par des thèmes comme la mort de Knut, la sortie du nucléaire ou le nombre d'arbres qui devront être sacrifiés pour construire la nouvelle gare de Stuttgart. Le verdict tombera aux élections régionales berlinoises en septembre.

Cher Monsieur, je vous ai trouvé bien cruel à l'égard de ce pauvre Knut. Que vous a-t-il donc fait de mal ? Il était tellement mignon avec sa petite truffe noire, ses yeux de biche et ses grands crocs acérés de 8 cm de long. Berlin a-t-il réussi à se remettre d'un tel choc ?
Brigitte B., 74 ans, Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime)

Cher Croniqueur, est-ce que le gentil Knut est aller au Paradie des ours ?
Pamela, 9 ans, Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin)

http://www.generation-flux.com/images/knut-anniversaire.jpg
Les naïfs parmi nous, qui avaient candidement espéré qu'on allait enfin arrêter de leur casser les pieds avec du Knut à toutes les sauces en ont été pour leurs frais : l'hystérie a redoublé d'intensité et commence à peine à se calmer, après trois semaines de délire intégral. Il a d'abord fallu trouver un coupable, et vite, pour le désigner à la vindicte populaire. Malheureusement, Al-Qaida n'a pas revendiqué l'assassinat du plantigrade assoiffé de sang et amateur de croissants, démentant l'une des hypothèses favorites d'un public inconsolable. Après des jours d'un insoutenable suspense, durant lesquels le calvaire des Japonais et celui des Libyens se sont vus relégués au second plan, éclipsés par le vrai drame planétaire de ce mois de mars, le verdict est tombé : le gentil Knut souffrait d'un désordre cérébral grave, s'est écroulé dans son enclos, victime d'une crise d'épilepsie ursine massive, a dégringolé dans le bassin et s'y est noyé. Gloups.

Mais la saga gore est loin de s'arrêter en si bon chemin. Le Zoo de Berlin, qui a fermé le livre de condoléances après deux semaines d'un deuil fort médiatisé, élèvera un monument à la mémoire de sa lucrative mascotte, tandis que le corps de Knut est désormais voué à l'immortalité ! Il sera écorché et plastifié par le "Dr Tod". Et puis non en fait, ça c'était le poisson d'avril de la presse berlinoise. Ouf, on y avait vraiment cru ! Il faut dire que c'était un poisson d'avril diablement plausible. Et pour te répondre, chère Pamela, je ne sais pas si Knut est au "Paradie" des Ours, mais une chose est sûre, c'est que de nombreux Berlinois endeuillés, tabloïds en tête, n'avaient pas hésité à réclamer des "funérailles" à l'église pour le gentil ourson de 300 kilos. L'évêque, ce sale rabat-joie, a protesté (en même temps, c'est sa religion) et refusé d'accéder à cette demande de ses ouailles éplorées. Quel manque navrant de sensibilité et de sens des affaires chez ces hommes de religion : nul doute qu'une messe d'enterrement de Knut aurait vu les églises berlinoises battre tous leurs records historiques d'affluence. Et en cette terre d'impiété et de péché, ce serait déjà pas mal.

Cher Monsieur, le baron von und zu Guttenberg est vraiment un type formidable: jeune, beau, élégant, éloquent, de bonne famille. Il a rendu au débat politique allemand la classe qui lui faisait cruellement défaut depuis l'abdication du Kaiser. Cette honteuse cabale dont il est victime a-t-elle enfin été dénoncée ? Je vois qu'outre-Rhin, tout comme en France ou chez nous en Belgique, la bassesse et l'outrecuidance du camp socialo-communiste n'ont vraiment aucune limite ! Je suis scandalisée, une fois.
Sibylle S.-V. de W., 37 ans, Uccle (Bruxelles-Capitale)

Chère Sybille, vous traduisez bien là le sentiment qui prévaut dans la catholique Bavière natale de notre baronneau à l'irréprochable coiffure gominée. Cependant, il n'y a pas eu de machination : Herr Guttenberg a bel et bien triché, et ce, sciemment, selon les dernières accusations de l'université de Bayreuth, après enquête. Et plus l'affaire avance, moins il se distingue par son comportement de gentleman. Lorsqu'il s'accrochait encore à son poste ministériel, et clamait haut et fort son innocence, drapé de sa dignité de gentilhomme, défendant son honneur prétendument bafoué, il avait appelé de ses vœux une enquête diligente et approfondie et demandé que les résultats en soient rendus publics, pour prouver sa bonne foi. Depuis, il est un peu moins droit dans ses bottes, et tente, par l'intermédiaire de ses avocats, d'empêcher que l'université n'en dévoile (à ce niveau-là on pourrait dire "déballe") davantage au public goguenard. Pourtant, il n'a plus grand chose à perdre, le Baron von Cool : il s'est complètement discrédité dans tout le pays, sauf dans son fief bavarois, où même au plus fort de la "crise", des manifestations pro-Guttenberg étaient régulièrement organisées. Ils sont vraiment singuliers nos amis bavarois. Enfin, eux ils ont Guttenberg, et nous, à Berlin, on a Knut. Match nul.

Cher Chroniqueur, comment se porte la "greffe de printemps" sur les trottoirs de Friedrichshain ?
Gilles, 27 ans, Quesnoy-sur-Deûle (Nord)


À merveille. Herbe jaunie, pancarte piétinée, crottes de chien sur le modeste carré de gazon... La greffe a donc réussi et est maintenant parfaitement intégrée à son paysage urbain. Willkommen in Friedrichshain! Malheureusement, j'ai perdu la super photo que j'ai prise l'autre jour. Il ne me reste plus qu'à espérer pouvoir en remettre une ici très bientôt, dès mon retour à Berlin. C'est bon je l'ai ajoutée maintenant. Voyez plutôt.

Ah, l'effet Friedrichshain a encore frappé !



4 commentaires:

  1. Cher chroniqueur,

    C'est Jeannine, la soeur de Gilles
    Cette fermeture de tacheles me bouleverse!
    J'ai d'autres questions...qu'en est-il du KdR et du Bar 25?
    y es-tu retourné?
    et le Kino? il existe encore rassure-moi...
    Et Angela, t'en as pas parlé...aurait-elle fait une réduction mammaire?
    Je t'en prie, éclaire-moi; j'ai prévu d'aller à Berlin au moi de juin prochain et je souhaite y aller avant les prochaines gentrifications.... je pourrais ainsi avancer mon billet!
    tiens-moi au courant.

    tchuss

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  2. Bonjour Jeannine, enchanté et bienvenue aux Chroniques. Tacheles est encore ouvert (en principe), c'est juste le rez-de-chaussée qui a fermé. Il reste les étages... mais les bars ne sont plus là. Enfin, je n'ai pas encore pu constater les dégâts in situ. Bar 25 devrait réouvrir en mai, s'ils font comme l'an dernier. Mais on ne sait jamais avec eux. Le KdR est encore là. Les tabloïds n'ont rien relevé d'anormal quant à la taille de bonnet de la chancelière. Et tu es la bienvenue en juin ! :-)

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  3. merci pour les précisions!
    mais à propos d'Angela, crois-tu que les prochaines élections lui seront fatales?
    Je viendrai en juin avec mon Jules et j'espère bien te rencontrer ...pourquoi pas!
    Gilles et ma cousine Andrea m'ont parlé de ton blog et je te lis depuis quelques mois presque tous les matins au réveil avec mon cappuccino et ma tartine; tu as contribué à les transformer en moments délectables, piquants,et euphoriques!

    tchuss

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  4. Euh, les prochaines élections générales c'est dans un bon bout de temps (2013 je crois), mais il y a cette année des élections régionales dans plusieurs Länder. La CDU a déjà pris une dérouillée à Hambourg et surtout dans le Bade-Wurtemberg. Les élections du land de Berlin auront lieu en septembre je crois, mais là la CDU ne gouverne pas et n'a aucune chance d'être élue...

    Bref, ton jules et toi êtes les bienvenus. Bon cappuccino matinal !

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Un petit bonjour ?

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