vendredi 6 mai 2011

1er mai à Berlin (2ème partie) : Guerre des bisous à Kreuzberg

45 avant J-C. Depuis des années, une minuscule parcelle de résistance, un lointain confetti d'Armorique, nargue la puissance de Rome, qui peine à se faire respecter et à circonscrire les effets délétères de ce fiasco. Alors, contre toute attente, un jeune technocrate romain aux idées innovantes, Caïus Saugrenus, parvient pendant un temps à pacifier le village d'Astérix en détournant les Gaulois rebelles de leurs habitudes guerrières grâce à un astucieux stratagème : il achète la trève et impose la pax romana à nos sympathiques mangeurs de sangliers par la ruse et le commerce (de menhirs, mais oui). En convertissant les villageois braillards aux vertus civilisatrices de l'économie de marché et de la concurrence libre et non faussée, il ouvre une parenthèse de décadence mercantile, qui se referme brutalement lorsque ce plan coûteux s'emballe et tourne au désastre : l'Empire romain tout entier, grisé par des retours sur investissement à deux chiffres, est la proie d'une frénésie spéculatrice sans précédent sur “la pierre” (au sens le plus littéral) qui vampirise toute l'activité économique, et vacille bientôt au bord de la banqueroute. Ces aventures désopilantes et étrangement prophétiques prennent corps dans Obélix et Compagnie. Dick Fuld, Allan Greenspan et pas mal de décideurs politiques et économiques, auraient peut-être dû lire un peu plus de bédés et un peu moins de Milton Friedman pendant leur enfance tiens... Mais passons.

Encore 1600 ans et je pourrai me fumer un bon havane...
 
1er mai 2011. On ne nous avait promis rien de moins que la bataille de la Somme dans les rues de Berlin, ou alors un déchaînement de violence entre néo-anarcho-communistes et néo-nazis dans un esprit très néo-1945. Pendant deux jours, plusieurs rues de Kreuzberg et de Friedrichshain se sont entièrement vidées des milliers de véhicules qui y sont habituellement stationnés, et retirer des espèces au distributeur de billets est devenu une gageure : les banques ont barricadé leurs agences pour éviter d'avoir une fois de plus à réparer des vitrines vandalisées. Et alors ? Alors, contre toute attente, ce n'est pas un Caïus Saugrenus qui débarque avec une solution ingénieuse, c'est toute la ville qui, pour faire barrage à la violence, se transforme en Berlinus Saugrenus. Et cette fois, au lieu de faire pleuvoir les sesterces et les menhirs (ce serait une idée intéressante à creuser pourtant...) sur les belligérants, le stratagème a consisté à noyer l'agressivité sous les décibels, le beat des meilleurs sons électro, et le fait de ne pas abandonner les rues aux casseurs mais d'occuper le terrain tous ensemble : jeunes, vieux, policiers, familles avec enfants, Turcs, touristes - les rues de Kreuzberg avaient des allures de grande fête foraine plutôt que champ de bataille. Bon, il y a bien eu quelques manifestations mais bien moins violentes que les années précédentes. De plus, parmi les blessés figurent... des policiers en civil, blessés par le friendly fire de leurs propres collègues en uniforme, ce qui en dit long sur la propension des forces de l'ordre à taper dans le tas sans raison valable... Tiens, tiens.

Bataille de plumes multicolores à Görlitzer Park

Ainsi, cette année, la grande perdante du 1er mai, c'était la violence. C'est plutôt cool l'ambiance de fête de la musique plutôt que des émeutes. Espérons que cette stratégie ne tournera pas au fiasco comme celle de Saugrenus, et permettra à une pax berlinica de s'installer durablement dans nos rues.

Festival de hard rock sur Wühlischplatz, à Friedrichshain

1. Mai 2011, Klasse gegen Klasse - "Classe contre classe" dit la banderole en haut de l'immeuble

Harmonie de cycles et cerceaux sur la Skalitzer Straße

Kottbusser Tor. L'équipe "anti-conflit" a le temps de se la couler douce.



Il y en a qui n'hésitent pas à braver les menaces en famille... Courageux et un brin inconscients.

Prudence bancaire à Frankfurter Tor
Marée de fêtards à Görlitzer Park

2 commentaires:

  1. Vive les bisous!
    ....only love can do that :)
    tchussssss

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  2. Oui la musique et les bisous c'est tout de même bien mieux que les voitures brûlées (aussi une spécialité berlinoise, y'a pas que dans les banlieues françaises), les vitrines cassées, les grenades lacrymogènes et tout ça !

    Passe un bon weekend !

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Un petit bonjour ?

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