vendredi 21 janvier 2011

Elle est bonne ma saucisse !


Il y a des moments où l'on se sent étranger comme au premier jour dans le pays où l'on a posé ses valises voilà déjà deux ans et demi. On a beau avoir triomphé de la barrière de la langue, vaincu les différences culturelles, terrassé les a prioris, et se sentir enfin chez soi en froid pays prussien comme les armées napoléoniennes en 1806, il arrive toujours ce moment salutaire où l'on prend conscience que non, il y a eux, les Allemands, et nous, les gens normaux.

Est-ce du second degré à l'allemande ou le pire foirage publicitaire depuis que ce jour où KFC, parti à la conquête des vastes marchés asiatiques, a involontairement traduit son Finger Lickin' Good par "Si bon que vous vous en boufferez les doigts", provoquant l'hilarité de bien des Chinois incrédules ?

"De la vraie saucisse pour les hommes, les vrais"
Qu'on se le dise !

Après tout ce temps en Allemagne, je suis assez certain que c'est du premier degré. Eh bien oui, malgré les Village People, malgré le décès tragique de deux des cow-boys de Marlboro, malgré Brokeback Mountain, malgré George W. Bush et son ranch texan, et puis surtout alors qu'un "vacher" qui passe sa vie à surveiller le bétail sur de mornes plaines s'étendant à perte de vue, franchement ça ne devrait vraiment faire rêver absolument personne, le macho, le vrai, porte un stetson vissé sur la tête, des santiags aux pieds (qu'on ne voit pas sur la photo mais elles sont là, c'est sûr), une moustache à la Tom Selleck, une boucle d'oreille et un t-shirt avec un aigle dessus. Et il se gave de saucisses de Halberstadt en conserve... Bonjour les associations d'idées.

Aucun doute, toute l'équipe marketing a été virée après un tel ratage, me demandai-je. Et pourtant, pourtant, j'étais bien le seul à trouver cette affiche drôle au Kaiser's de Warschauer Straße. Autour de moi, l'intrus ne laissait personne indifférent. Les hommes qui passaient bombaient le torse et toisaient ce rival malvenu, et les femmes, séduites, lui adressaient une puis deux œillades furtives en jaugeant sa marchandise. Et dès que leur Jules avaient le dos tourné, elles faisaient main basse sur la virile saucisse du cow-boy de Halberstadt pour la placer subrepticement dans le chariot de courses.

Sans compter que tout ceci ne fait qu'ajouter au sentiment de confusion qui prévaut chez nous, les étrangers installés à Berlin de fraîche date : au bout de quelques mois, nous avions fini par accepter que l'icône même de la virilité, c'était ces trentenaires éternellement adolescents, hirsutes, androgynes et dégingandés, aux goûts vestimentaires intrigants, qui hantent la moitié est de la ville, surtout après 15 heures, car ils émergent rarement plus tôt de leurs antres. Et voilà qu'on nous sert cette pâle copie ringarde de John Wayne. Voilà, c'est réussi, nous sommes complètement désorientés. J'attendrai un peu tout de même avant de jeter ma collection de Converse colorés et de pantalons "slim", au cas où le cow-boy de Halberstadt ne parvient pas à amorcer un retournement de tendance.

La dernière fois où j'ai ressenti un doute profond sur ma capacité à comprendre l'âme teutonne, c'était, étrange coïncidence, en apercevant une affiche où il était encore question de saucisse. Il faut dire que le message était mis en relief de manière assez inhabituelle, surtout aux yeux d'un éventuel public francophone. Mais admettons que nous autres les francophones n'étions pas le cœur de cible, et accordons magnanimement aux publicitaires le bénéfice du doute.

Saucisse et "Pute" (dinde) à la gare de Berlin-Südkreuz


Au fait, en dépit de cette campagne de communication rondement menée, la petite ville de Halberstadt, bourgade assoupie située dans une région rurale au centre de l'Allemagne, n'est pas vraiment connue pour ses saucisses priapiques et encore moins pour ses cow-boys moustachus, mais pour sa cathédrale où se déroule un concert d'orgue, le plus long au monde. Commencé en septembre 2001, le concert se poursuit encore à ce jour et doit durer jusqu'en l'an 2640. Pour ceux d'entre vous qui seraient intéressés, 2011 est une année particulièrement faste dans le déroulement du concert, puisque pas moins de deux notes de la partition seront jouées cette année, le 5 février puis en août ! Attention, toutes les années ne sont pas aussi palpitantes : aucune note ne sera jouée entre 2014 et 2020. Et voilà enfin un concert où le public mélomane ne court pas le risque de se faire piétiner par une foule de jeunes déchaînés et sous l'emprise de psychotropes. À bon entendeur...

9 commentaires:

  1. nb: le cow boy est un vrai mec allemand qui a pour particularité d'avoir réussi son expatriation aux US et d'etre devenu sympatique (et très connu) à la plupart des telespectateurs de Good Bye Deutschland...
    Est-ce qu'il vient de Halberstadt, ca je n"en sais rien!
    Je me dis que s'il avait atterri en Afrique, on l'aurait surement affublé d'un costume Massai pour vendre ces saucisses, quoi qu'il arrive.
    La pub aurait toujours été stupide et moche (comme 99% des pubs)
    ca n"a pas grand chose à voir avec la culture allemande finalement, mais comme dans chaque pays, avec la télévision et ses émissions moisies, qui, au bout du compte, font vendre..
    snif.

    Bonne journée!

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  2. Moi il me fait plutôt penser à Walker Texas Ranger, beurk!
    Pour la pute, ma fille en a mangé en petit pot, mais de la bio, s'il-vous-plaît!
    Et pour l'orgue, j'adore! Mais ce n'est pas vrai qu'aucune note ne sera jouée en 2014 et 2020, les notes sont jouées en continu, c'est juste qu'il n'y aura pas de changement de note ces années là (si j'ai bien compris).

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  3. Il y a trois ans, fraîchement débarquée à Cologne, je me promenais sur un des boulevards du centre ville et, passant devant une sandwicherie turque, j'ai dû m'arrêter de marcher pour mieux pouvoir m'esclaffer.

    Devant moi se trouvait un chevalet de sol en ardoise, 'planté' au milieu du trottoir dans le but d'attirer l'attention du passant sur les délices proposées par la sandwicherie en question, portant l'épique inscription :

    100% PUTE!

    Un grand moment de bonheur bilingue.

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  4. Non mais Mademoiselle K comment sais-tu tant de choses sur ce cow-boy ? C'est vraiment une star ? Ou du pur bluff ???
    JvH je me suis moi aussi posé la question mais ça ne me semblait pas clair que la note soit jouée en continu, alors j'ai opté pour ce qui me semblait le plus plausible.
    Miss Korinthenkackerin (ppffff pas facile à écrire correctement, passé une certaine heure), j'ai pas vu la scène mais je m'imagine très bien l'épisode :-)

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  5. je l'ai simplement découvert avant de décidé de me débarasser définitivement de ma télé, il y a...2 ans.(rapport cause à effet surement!)
    On dira plutot un promi B qu'une star mais c'est un vrai, si, si.
    http://www.derwesten.de/staedte/dortmund/Konny-Reimann-einmal-Texas-und-vielleicht-zurueck-id301808.html

    Heureuse de contribuer à la sous-culture des lecteurs..(euh..désolée ;)!

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  6. "décider" pardon pour les fautes...

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  7. "Konny Reimann ist kult"
    Beurk ! Merci pour ton aimable contribution :-)

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  8. Joyeux anniversaire ! j'espère être le premier sur ce blog a te le souhaite, car sur facebook c'est déjà full.
    ca fait presque que 6 jours que tu n'as pas écrit, tu préparais ton anniversaire?

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  9. Euh non, en effet c'est chaud ces jours-ci, mais je prépare tant bien que mal les prochains billets. Merci pour les souhaits en tout cas !

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Un petit bonjour ?

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