lundi 13 juin 2011

Si tu ne vas pas à Rio...



Karneval der Kulturen 2009: Photo empruntée 
à une amie sur Facebook. Heureusement elle ne lit pas ce blog...
«Si tu vas à Rio, conseille un refrain passablement irritant, n'oublie pas ton plus beau chapeau». Ah non, on me souffle à l'oreillette que c'est «n'oublie pas de monter là-haut». Diantre, j'ai toujours dit n'oublie pas ton plus beau chapeau, sans me rendre compte que j'étais à côté de la plaque. Oui, un air qui n'est pas vraiment de ma génération donc. Bref, reprenons.  Mais si tu ne vas pas à Rio, que fais-tu? Eh bien si tu n'y vas pas, soit parce que ça coûte cher, soit parce que tu as été traumatisé par l'accident du vol AF447, ou encore parce que la demi-sœur du voisin de ton collègue s'est fait agresser et dévaliser à Ipanema, ou quelle que soit ta (mauvaise) raison de ne pas y aller, tu peux aussi venir à Berlin pendant le weekend de la Pentecôte et y faire l'expérience, comme chaque année, du Karneval der Kulturen, et c'est Rio qui vient à toi. Et aussi Kingston. Et Bridgetown. Et Fort-de-France.

Le char du bar Yaam descend la Gneisenaustraße, juin 2011
Contrairement aux grandes villes de l'ouest et du sud de l'Allemagne comme par exemple Cologne, Berlin n'a pas de tradition du carnaval, ou alors l'a perdue depuis si longtemps que plus personne ne s'en souvient. C'est d'ailleurs pourquoi les Berlinois ont tendance à se fagoter comme s'ils étaient déguisés en permanence: il leur manque un carnaval pour assouvir leur besoin de porter de temps en temps des accoutrements ridicules, un besoin fondamental et un droit inaliénable de la personne humaine on dirait. Mais je m'égare une fois de plus. Le Carnaval berlinois est donc le fruit d'une initiative très récente, et le résultat de la féconde collaboration entre le Berliner Senat et de nombreuses associations locales, dans le but de promouvoir le dialogue entre les cultures de cette capitale qui se veut et se vit comme multi-kulti, même si la diversité culturelle de la capitale prussienne n'est pas forcément ce qui interpelle au premier chef le visiteur arrivé de Paris, de Londres ou de New York.

Nie wieder Diktatur - Plus jamais la dictature, non, plus jamais.
Le char d'une association Tunisienne défile pour la liberté, entouré
de pancartes disant Dégage! (en français) au despote déchu . 
Si les débuts, dans les années 1990, furent très modestes, la constance du soutien des autorités locales, l'implication grandissante des médias, le dynamisme des associations, et bien entendu l'engouement des Berlinois pour tout ce qui est festif et en plein air, sans parler de l'argument ultra-vendeur de milliers de demoiselles défilant dans des tenues affriolantes, qui se déhanchent lascivement (et Dieu sait si c'est rare, à Berlin) sous les yeux du public ravi et battent la mesure de rythmes venus d'ailleurs, le Carnaval des Cultures est vite devenu un événement majeur du calendrier des réjouissances de la ville, qui attire environ un million de visiteurs chaque année, du moins en fonction de la météo, dans les rues du quartier multi-kulti par excellence, Kreuzberg, une espèce de Brooklyn teuto-turc en quelque sorte, mais oui mais oui, rien de moins.

Trinidad and Tobago présente : les T'n'T Masqueraders !
J'ai du mal à me rappeler exactement pourquoi j'ai si peu profité du Karneval der Kulturen les années passées. Voyages, visiteurs, autres choses au programme, je ne sais vraiment plus. Plus ce sentiment diffus que dix pèlerins sur un char en train de se trémousser à contre-temps sur un rythme de pseudo-samba, ça ne casserait pas trois pattes à un canard de toute façon. Le spectacle que j'ai vu cette année, pour la 17ème édition, m'a fait regretter de ne pas m'être déplacé ces dernières années. Pendant deux jours les rues de Kreuzbronx sont envahies de musiciens venus de partout, des podiums sont installés sur les carrefours, et le dimanche, un immense défilé coloré s'étire sur plusieurs kilomètres. Près de cent chars numérotés et soigneusement décorés se succèdent, avec de leur propre thème, servent généralement de refuge à une étrange faune à plumes, et bombardent le public de cadences tropicales.

Danseuses accompagnant le Caribbean Heatwave
Le Martiniquais que je suis s'est pris au jeu de bon cœur: le Karneval der Kulturen n'est pas une pâle copie sans génie à l'européenne, mais un vrai carnaval comme on le fête dans la Caraïbe, où l'on “s'envoie monter” (attention, voyé monté ça veut juste dire “s'éclater” aux Antilles) au rythme de la soca, et où les danseuses, câpresses, négresses et mulâtresses, ne s'encombrent guère de vêtements superflus et préfèrent s'orner de paillettes et de plumes colorées. Je ne sais toujours pas d'où viennent tous ces Trinidadiens, tous ces Jamaïcains, tous ces Barbadiens qui dansaient dans les rues:  je croise rarement des Africains à Berlin, et des Antillais, presque jamais. Peut-être ont-ils fait le déplacement depuis d'autres villes d'Europe. Alors,  après avoir photographié copieusement le char “Caribbean Heatwave” (aux couleurs de Trinidad) et laissé la musique vibrer dans tout mon corps, j'ai fait un grand sourire à la femme de la photo ci-contre et je lui ai dit, avec une joie fervente “I'm from Martinique!”, pensant que cette révélation allait sûrement l'émouvoir aux larmes et me valoir peut-être une parole amicale, voire une invitation à monter à bord pour fraterniser avec toute la joyeuse troupe d'îliens déracinés. Certes, elle a répété cette nouvelle absolument renversante à sa plantureuse voisine, et puis les deux m'ont gentiment salué de la main et ont poursuivi leur défilé sans plus prêter attention à ce weirdo qui les a interpellées sans raison... Mais qu'importe, je n'étais pas là pour me faire de nouveaux amis de toute façon.

La grande discothèque électro Tresor était là pour rappeler qu'on
était à Berlin, pas à Kingston quand même, hein.
Néanmoins, le Carnaval des Cultures n'est pas uniquement un festival caribéen, mais une fête de toutes les cultures around ze world. De nombreux groupes et chars africains étaient présents, j'ai vu passer un char coréen aux percussions étonnamment endiablées (ils ont des Antillais en Corée?), des Hongrois moustachus avec leurs cavalières en tenue traditionnelle, et puis en fait toutes sortes de groupes hétéroclites dont on pourrait légitimement se demander s'ils ont vraiment un rapport avec le thème: des capoeiristes, des clubs de rap des quartiers, des artisans de das Handwerk, des groupes sans thème précis mais défilant en rollers, un groupe de Palestiniens furieux en keffiehs, etc. Mais ce n'était ni l'heure, ni le lieu, pour se comporter en puriste : l'heure était à la fête et au dialogue entre les cultures, quelles qu'elles soient, alors va pour les rappeurs des cités et pour les Palestiniens énervés. Et puis, Berlin oblige, il y avait tout de même plusieurs chars de musique électro, parce que vous voyez, toutes ces musiques bizarres avec un rythme stable, des paroles intelligibles et que l'on danse sans même prendre de drogues, ça va cinq minutes non mais.

Le rythme soca du char Caribbean Heatwave

Bref, du soleil, des déguisement, des plumes, des paillettes, une foule colorée, pas trop d'alcool, et de la musique de qualité et variée: le meilleur carnaval d'Allemagne, il n'est certes pas à Cologne, mais bel et bien à Berlin! Les 270.000 euros de subventions du Berliner Senat ont été judicieusement dépensés...

Karneval der Kulturen, 2009. Encore une photo empruntée... Oui, Berlin reste la capitale des gens bizarres.


Karneval der Kulturen, 2011. Une autre photo empruntée à un autre ami Facebook.
De toute évidence, le Caribbean Heatwave était une alliance trinidado-barbadienne.
Une reine salue la foule d'un geste majestueux.
Des vahinés chiliennes (de l'île de Pâques peut-être ?)
Un hipster Berlinois trop coooool dans les rues de Kreuzbronx.

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