mardi 22 mars 2011

Monde cruel

C'est peut-être à cela qu'on mesure le bonheur d'un peuple : quand les Libyens sont assaillis par les chars de Kadhafi et les bombes des Occidentaux, quand les Japonais ont la terre qui se dérobe sous leurs pieds, la mer qui dévore leurs villes, le froid et la neige qui transissent les survivants, et bien entendu une catastrophe nucléaire pour couronner le tout, quand les Haïtiens n'ont plus de maisons, mais ont le choléra à la place, bref, quand le monde entier ne semble être qu'une vallée de larmes et un creuset de malheurs, Berlin pleure Knut son nounours vedette, mort brutalement sur scène, devant les caméras et des centaines d'admirateurs choqués et éplorés, comme seuls y parviennent les plus grands d'entre les grands, tels Molière, Martin Luther King, John Kennedy ou encore Ayrton Senna. 



C'est sûr que c'est un bien triste événement que le décès d'un plantigrade de quatre ans à peine alors qu'il aurait pu vivre encore trente années de plus. C'est sûr que Berlin aime passionnément les ours depuis des siècles : entre les armoiries de la ville, les trophées d'or et d'argent de la Berlinale, l'équipe locale de hockey sur glace (les Berliner Eisbär), et la mascotte du zoo de Berlin, il y a une remarquable constance. C'est sûr qu'il était meugnon tout plein, bébé Knut. Mais l'ourson tellement craquant qui a éclipsé le Bouba de notre enfance était rapidement devenu un très gros animal aux pattes puissantes, aux dents acérées. Lui faire des bisous et des câlins n'était plus au programme depuis bien longtemps : ouf, Bouba, lui, est toujours aussi gentil.

Knut et son gardien
Et voilà qu'il a trépassé, comme ça, d'un coup, d'un seul, deux ans après son gardien, Thomas Dörflein, surnommé Knuts Papa par les tabloïds. Il flotte autour de Knut comme un parfum de tragédie. Les employés du zoo de Berlin, qui à l'époque ne se sont pas ménagés pour sauver le bébé Knut et ont bravé les critiques acerbes des écologistes, sont sans doute les plus sincèrement attristés. Le zoo de Berlin, lui, enterre surtout la poule aux œufs d'or, grâce à laquelle il a battu tous ses records de fréquentation en 150 ans, et la rumeur dit qu'il érigera un monument à la mémoire de sa lucrative mascotte... Les journaux, eux, devront désormais trouver autre chose pour vendre leurs feuilles de choux, et arrêter de nous faire croire que nous devrions vraiment nous intéresser aux amours orageuses de Knut et de Gianna sa "petite amie" de 300 kilos.

Alors adieu petit Knut. J'espère que tu as retrouvé ton "père adoptif" Thomas au paradis des ours, et qu'il te chantera à nouveau du Elvis pour t'endormir. Et pour nous la vraie vie continue, avec ses bons moments et ses malheurs, qui en général sont tout de même un peu plus tragiques.

Pour ceux d'entre vous qui ne peuvent pas faire leur deuil et redemandent du Knut, consolez-vous : le Berliner Morgenpost vous offre un magnifique diaporama de 144 photos !

4 commentaires:

  1. Knut me tape sur le système à moi aussi. Enfin pas lui, mais plus précisément la foule en larmes qui ne parle que de lui. J'ai l'impression qu'il envahit ma vie pour la seconde fois- déjà la première était pénible alors là... La radio m'a imposée hier le témoignage d'une femme qui a été très malade il y a trois ans et est sortie de l'hôpital pour découvrir que Knut existait, et qu'elle pouvait donc avoir confiance en la vie. Et maintenant qu'il est mort, vers qui doit-elle se tourner? (elle le disait vraiment comme ça!!). Bon, ça m'a fait lâcher mon petit déj, appétit coupé. Etape suivante: aller au boulot et passer 4 fois devant le gros titre de Bild devant les revendeurs, annonçant que Knut s'est noyé. Superbe une, n'est-ce pas, même venant de Bild j'en ai des frissons, pour un peu je l'aurais acheté. On se pose ensuite pour le déj, ça tombe dans la conversation entre collègues. Les soucis plus immédiats, tels que se préoccuper un peu plus de ses Mitmenschen, c'est plus dur pour tout le monde visiblement(on pleure la mort de Knut à grosses larmes, connaît-on le nom de son voisin de pallier et se soucie-t-on de son existence? Faire le test autour de soi. Ou offrir à son voisin une reconversion professionnelle en costume de Knut, ça peut être une idée pour sortir de l'anonymat et combler le deuil populaire). Fukushima? 20 000 morts? L'eau du robinet tokyoite imbuvable pour ses habitants? On en est plus là, faut suivre: Knut, lui, était proche de nous, donc une priorité ab-so-lue. Il était là, au zoo, sous contrôle, rassurant, pas dérangeant, un peu patachon, bref un joujou national qui nous permettait de tenir face aux terribles assauts de la vie (rhume, torticolis, 1ère ride, hypocondrie pour certains sans doute). La Libye? Quoi la Libye? Il se passe quelque chose en Libye? On devrait remettre la question du règne animal à l'ordre du jour pour en revenir aux sujets d'actualité(intéressant d'ailleurs: un groupuscule d'ours mal pelés enfermés dans un enclos= règne animal...?)
    Si on pouvait refaire le monde...

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  2. Tu es assez remontée Pauline, dis donc ! Knut noyé !!! Quelle horreur, je n'y avais même pas pensé. Pauv' ti Knut... non je rigole, mais quand même c'est moche :-)
    Allez, maintenant on a les résultats de l'autopsie, on aura le monument et on va tourner la page hein, espérons !

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  3. En effet...désolée d'avoir été aussi virulente. Pour ma défense je digère vraiment très mal les événements japonais, et Knut étant décédé par dessus...Na ja, ist aber keine Entschuldigung, ich weiss.
    Bon allez, la Pauline va reprendre du poil de la bête et oublier l'épisode Knut, c'est encore le plus simple;).

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  4. La presse ne semble pas disposée à lâcher l'affaire, comme tu as dû voir ! Pour oublier Knut, pars en vacances ! Après tout, les vacances, c'est bien d'alleurs :-)

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Un petit bonjour ?

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