Un panorama estival: Warschauer Straße, le 25 juillet |
Vous l’aurez compris, chères Lectrices: cette année, le Soleil est parti en vacances loin de Berlin. Et pourquoi pas après tout? Il a pris sa carte au Deutscher Gewerkschaftsbund (la CGT allemande, en gros) et a gagné le droit de prendre ses congés payés, comme n’importe quel travailleur. Il vit avec son temps, l’astre diurne. On peut avoir 10 milliards d’années et être au fait des derniers acquis sociaux, non mais c’est vrai quoi à la fin. Dix milliards d’années qu’il trime sans relâche, cinq milliards d’années qu’il luit de toutes ses forces pour le bien égoïste notre petite Terre, qu’il la couve sans relâche et la bichonne sans compter ses heures ni ses ères, négligeant scandaleusement Uranus, Neptune et Pluton dans les lointains glacés du système solaire. À force, il frôlait le burn-out notre brave Soleil, et a bien mérité quelques semaines de repos réparateur avec son amour de toujours, l’étoile Proxima du Centaure, une grande sulfureuse au regard de braise.
Bon, espérons tout de même qu’il ne prendra pas tous ses arriérés de congés d’un coup, sinon on n’est pas dans la mouise, nous autres, en Prusse. En attendant, nous voilà abandonnés sous une épaisse couche de nuages perpétuellement gris et menaçants, sous un ciel bas et lourd, qui pèse comme un couvercle sur nos esprits gémissants. La tentation est grande de se blottir devant une cheminée, mais ce serait mal connaître les Berlinois, dont votre dévoué chroniqueur, que de croire qu’ils se laissent abattre par si peu et renoncent à leurs activités estivales sous prétexte qu’il fait 14°C à l’ombre (sachant qu’il n’y a que ça, de l’ombre). Certes, nous avons laissé tombé les baignades au Schlachtensee ou au Badeschiff en attendant des jours meilleurs, mais sur le front du beachvolley, nous ne lâchons rien! Les jours où il ne pleut pas des hallebardes et où il ne vente pas à écorner les bœufs, ce qui nous laisse à peu près deux jours et demi par semaine, les terrains ensablés du Beach Mitte font le plein de sportifs qui viennent taper dans la baballe et s’engourdir les orteils dans le sable froid et humide qui n’a jamais le temps de sécher complètement, ni même partiellement, entre deux déluges. Qu’à cela ne tienne, sans les dilettantes qui ne jouent (et ne friment, surtout) que par beau temps, le niveau n’est que meilleur.
Une scène de jeu à Beach Mitte sous un ciel menaçant, le 24 juillet. |
Pendant le jeu, l’on scrute anxieusement les nuages toutes les 5 ou 10 minutes, et l’on tente d’interpréter leurs formes changeantes et leurs ombres plus ou moins intenses comme la charlatane lisant le marc de café. C’est fascinant toutes ces nuances de gris. Pleuvra? Pleuvra pas? Serons-nous encore secs dans une heure? Parfois, la chance est de notre côté, parfois non, et une averse disperse le dernier carré d’irréductibles, car la balle mouillée et glissante, c’est niet. Comme tout le monde, j’aime l’été, le soleil, la chaleur, les ciels bleus et tout ce que l’on peut faire à Berlin pour profiter du beau temps. Mais je trouve aussi que ces ciels gris vont particulièrement bien à notre métropole teutonne, ils renforcent sa beauté âpre et rugueuse. Pour l’instant, je m’accommode plutôt bien de l’absence prolongée du soleil, même si cela devient usant de devoir expliquer à des touristes grelottants que non, ceci n’est pas un été normal, non, 12°C n’est pas une température estivale même pour Berlin, et oui, nous aussi souhaiterions qu’il fasse meilleur mais devons faire avec faute de mieux. Allez, Soleil, sois sympa: prends plutôt tes congés en hiver, ou sinon, viens au moins passer tes vacances d’été à Berlin au lieu de nous déserter comme ça...
À l'instar du Mauerpark, Beach Mitte occupe un terrain vague de sinistre mémoire: jusqu'en 1989, cet endroit était en faite le Todesstreifen, le no-man's land entre les deux enceintes du mur de Berlin. Aujourd'hui encore, les constructions vont bon train sur cet espace resté longtemps en friche. |
Une singulière construction domine le terrain de Beach Mitte (à part les grues): un parcours d'acro-branches de type "urbain" fait le bonheur des familles qui n'ont pas froid aux yeux |
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