Le weekend est arrivé. Youpi. Fidèles au rendez-vous, des trombes d’eau s’abattent sans relâche sur la ville, et en plus vous vous remettez lentement d’un mauvais rhume, du genre de ceux que d’habitude vous n’attrapez pas avant novembre. La Polizei a lancé un avis de recherche concernant l’individu dénommé Soleil, qui aurait été aperçu pour la dernière fois le 16 juillet vers 18 heures, et n’a pas donné signe de vie depuis. C’est samedi matin. Un coup d’œil à la fenêtre suffit à engloutir votre âme dans un néant gris et aqueux.
Quelles sont donc les options qui s’offrent à vous?
Accourir au solarium du coin, qui fait le plein de clients comme au plus profond de l’hiver? Non, tout de même pas. Vous n’êtes pas encore devenu allemand à ce point et n’êtes pas prêt à faire sauter les sept verrous psychologiques qui vous séparent de la cabine à UV en plein mois de juillet. Surtout si vous êtes un homme. Noir. (Tiens, cela dit, je serais curieux de voir si une grosse séance d’UV me donnerait ce superbe teint orange fluo qui fait fureur chaque hiver dans le S-Bahn; rien que pour la science cela vaudrait le coup d’essayer.) Bref, inconcevable. Alors quoi? Sacrifier, ô sacrilège, cette bouteille de Saint-Émilion que vous destiniez à un dîner exquis, rieur et ensoleillé sur votre balcon, un banquet perpétuellement repoussé aux calendes grecques, pour mieux transformer ladite bouteille en Glühwein maison? La tentation est grande. Rester bien au chaud sous la couette, à regarder des DVD et à vous nourrir exclusivement de pizzas surgelées Dr. Oetker? Ce serait tout à fait envisageable. Malheureusement (et heureusement aussi tout de même), vous aviez de la visite: un ami parisien, un grand naïf a qui l’on a survendu les charmes de l’été berlinois, débarque chez vous dans une heure. Oui, et le coupable de ce dol scandaleux, c’est vous bien sûr. Et voici que ce benêt, qui a gobé tout votre boniment, a décidé de plaquer les miasmes de Paris-Plage pour profiter des Biergarten, des parcs, du Badeschiff et de ces lacs berlinois que vous lui avez si bien vantés... Trois jours avant son départ, vous lui aviez même envoyé un e-mail accrocheur: «N’oublie pas de prendre un maillot de bain!» Ha, la belle affaire!
Le voilà maintenant devant vous, et il fait la tronche, le visiteur, malgré la joie des retrouvailles. Alors, vaille que vaille, vous sortez, pour lui montrer que Berlin a plus d’une carte dans sa manche, et qu’il a bien fait de faire de déplacement. Prater fermé. Zut alors. Strandbars inondés et boueux, sans grande surprise. Terrasses détrempées en jachère. L’humidité se fait rapidement sentir dans vos chaussettes. Après une triste errance dans les rues, au bout de laquelle vous êtes trempé jusqu’au caleçon malgré les manteaux et parapluies, la promenade n’est plus vraiment plaisante. Vous pataugez cahin-caha jusqu’à Oranienburger Kanal (anciennement Oranienburger Straße, avant qu’elle ne disparaisse sous les eaux), et c’est le moment de pousser la porte de la galerie C/O et vous y mettre à l’art-bri et au chaud pendant une heure ou deux.
Après la grande expo Mapplethorpe de l’hiver dernier, prolongée de deux mois grâce à son succès et au sursis accordé à l’institution en instance d’expulsion, le programme est certes moins alléchant, mais la promesse d’un toit au-dessus de votre tête suffit largement, et le visiteur parisien et vous-même n’êtes plus en mesure de faire la fine bouche. Au programme jusqu’à début septembre, 140 polaroids de la grande photographe est-berlinoise Sibylle Bergemann, décédée l’an dernier.
Quelles sont donc les options qui s’offrent à vous?
Accourir au solarium du coin, qui fait le plein de clients comme au plus profond de l’hiver? Non, tout de même pas. Vous n’êtes pas encore devenu allemand à ce point et n’êtes pas prêt à faire sauter les sept verrous psychologiques qui vous séparent de la cabine à UV en plein mois de juillet. Surtout si vous êtes un homme. Noir. (Tiens, cela dit, je serais curieux de voir si une grosse séance d’UV me donnerait ce superbe teint orange fluo qui fait fureur chaque hiver dans le S-Bahn; rien que pour la science cela vaudrait le coup d’essayer.) Bref, inconcevable. Alors quoi? Sacrifier, ô sacrilège, cette bouteille de Saint-Émilion que vous destiniez à un dîner exquis, rieur et ensoleillé sur votre balcon, un banquet perpétuellement repoussé aux calendes grecques, pour mieux transformer ladite bouteille en Glühwein maison? La tentation est grande. Rester bien au chaud sous la couette, à regarder des DVD et à vous nourrir exclusivement de pizzas surgelées Dr. Oetker? Ce serait tout à fait envisageable. Malheureusement (et heureusement aussi tout de même), vous aviez de la visite: un ami parisien, un grand naïf a qui l’on a survendu les charmes de l’été berlinois, débarque chez vous dans une heure. Oui, et le coupable de ce dol scandaleux, c’est vous bien sûr. Et voici que ce benêt, qui a gobé tout votre boniment, a décidé de plaquer les miasmes de Paris-Plage pour profiter des Biergarten, des parcs, du Badeschiff et de ces lacs berlinois que vous lui avez si bien vantés... Trois jours avant son départ, vous lui aviez même envoyé un e-mail accrocheur: «N’oublie pas de prendre un maillot de bain!» Ha, la belle affaire!
Le voilà maintenant devant vous, et il fait la tronche, le visiteur, malgré la joie des retrouvailles. Alors, vaille que vaille, vous sortez, pour lui montrer que Berlin a plus d’une carte dans sa manche, et qu’il a bien fait de faire de déplacement. Prater fermé. Zut alors. Strandbars inondés et boueux, sans grande surprise. Terrasses détrempées en jachère. L’humidité se fait rapidement sentir dans vos chaussettes. Après une triste errance dans les rues, au bout de laquelle vous êtes trempé jusqu’au caleçon malgré les manteaux et parapluies, la promenade n’est plus vraiment plaisante. Vous pataugez cahin-caha jusqu’à Oranienburger Kanal (anciennement Oranienburger Straße, avant qu’elle ne disparaisse sous les eaux), et c’est le moment de pousser la porte de la galerie C/O et vous y mettre à l’art-bri et au chaud pendant une heure ou deux.
Tiens, on dirait que vous n'étiez pas le seul à venir vous abriter au musée... |
“L’instant présent est fugace, fragile, intime et insaisissable. L’instantané et l’éternité s’entremêlent comme nulle part ailleurs dans le Polaroid, cette photo instantanée qui est éphémère précisément car elle se décolore avec le temps. Sibylle Bergemann a utilisé ce support avec lyrisme et empathie pour saisir les contours du moment, et le résultat et un ensemble d’oeuvres documentaires irréelles et sensibles, un remède contre l’oubli [...]”Bref, accrochez-vous au petit laïus, car la galerie C/O a décidé que vous vous passerez de textes, de titres et de légendes explicatives, pendant que vous vous abîmerez les yeux à scruter les Polaroids de Sibylle Bergemann, au format... Polaroid. Pas un mot pour vous guider sur la trace des nombreux portraits d’enfants, les clichés de fleurs, les photos jaunies de scènes exotiques baignées de soleil, les intrigantes photos de poupées mises en scènes et les instantanés berlinois. Rien que les photos et vous. N’oubliez pas vos lorgnons les enfants.
Lorsque vous avez fini de vous écarquiller les yeux sur les derniers Polaroids de Sibylle Bergemann, vous avez la possibilité de monter à l’étage de l’immeuble du Postfuhramt pour voir une autre expo sans aucun rapport, et aux clichés garantis XXXL, In a Lonely Place, constituée de trois séries de clichés du photographe américain Gregory Crewdson.
J’ai été beaucoup moins emballé par les deux autres volets de l’expo, la série Sanctuary et la série Fireflies, mais c’est peut-être parce que des clichés en noir et blanc illustrant la décrépitude solitaire des studios et décors légendaires de la Cinecittà, et les gros plans sur des essaims de vers luisants dans les marais du Massachaussettes, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Peut-être serez-vous d’un avis contraire...
Quoi qu’il en soit, merci à la galerie C/O de ne pas avoir fermé en mars et d’avoir été là ce samedi pour abriter deux pauvres hères! Entre-temps, ce mardi, le soleil a fini par revenir. Mais même mon âme est mouillée et transie, d’avoir vu tant de pluie. Il faudra encore un peu plus de chaleur, de lumière et de ciels bleus pour dissiper le traumatisme! Tiens, d’ailleurs les photos ci-dessous résument bien l’état d’esprit qui a dominé ce mois de juillet que l’on ne demande qu’à oublier au plus vite.
Je trouve que les qques photos de Beneth roses rendent bien compte d'une ambiance glauque...et le brouillard, la nuit, la maison presque fantôme et la porte ouverte de cette voiture glacent la sang...oui on s'attend à une scène de crime. On comprend toujours ce que l'on veut comprendre et c'est toute la magie de l'art qui opère alors!
RépondreSupprimerJe suis hyper déçue, je croyais qu'il n'y avait plus d'expos à la C/O depuis un bout de temps (en tout cas c'est ce qu'on m'avait dit lors d'un cours séjour en juin dernier)...
c'est bien fait pour moi j'aurais dû vérifier; je découvre que Sascha Weidner et les finaliste du Prix allemand Börse Photography exposaient jusqu'au 26 juin.
Pour tes lecteurs sur place, du 10 septembre au 4 décembre, il y aura deux expositions de photos journalisme sur les crises de guerre de Anja Niedringhaus et des photos sur le terrorisme à l'occasion des dix ans du 11 septembre.
Moi je dis qu'il ne faudra pas les râter, notamment pour ceux qui aiment ce type de clichés.
j'ai encore en mémoire les photos de Huet sur la guerre du Vietnam qui furent exposés au MEP du Marais...une immortalisation troublante de la réalité.
Si j'étais à Berlin, la droguée d'infos que je suis irait probablement voir les expositions proposées par Anonyme! :)
RépondreSupprimerChère Anonyme, en effet je suis impressionné par ta capacité à t'enthousiasmer pour l'intégralité du programme de C/O. Tu connais vraiment tous ces photographes??? Quelle culture tout de même... Bien sûr tout cela est très alléchant, et vu que le temps est reparti pour le gros mauvais et que le terrain de beach volley s'est transformé en marécage insalubre (un alligator y aurait été aperçu), eh bien raison de plus pour se précipiter au Postfuhramt! Désolé que tu aies loupé ces expos en juin, sûrement il a dû y avoir un malentendu...
RépondreSupprimerPour info ce soir alors que je rentrais chez moi à vélo, j'ai traversé des nappes de brume chaude et étouffantes pile comme dans la photo avec le taxi. Je m'attendais à tomber sur un cadavre mutilé à tout moment sous les tilleuls sombres au feuillage alourdi par les milliers de litres d'eau, mais non en fait :-)
Bien sûr que non je ne les connais pas tous! heureusement que je ne fais pas des expos seulement lorsqu'il y a des artistes que je connais...ce serait bien dommage..et bien con surtout!
RépondreSupprimerje donnais le pgm parce qu'il m'a paru intéressant et puis j'aime la photo,je suis curieuse et j'aime me laisser surprendre
et en plus les thématiques du C/O sont intéressantes...et puis par rapports aux billets que tu as pu faire sur le lieux, c'est quand même un endroit assez emblématique de Berlin.
....lol pour les malentendus, re-lol même! ça fait longtemps que j'en rigole de bon coeur!
comment tu n'es pas tomber sur un cadavre??? OMG! fais gaffe ce soir alors ...et demain soir aussi!
zénobie rien ne t'empêche de te faire un we à Berlin si ces expos traitent de thèmes que tu as envie d'explorer autrement!
C'est clair que C/O est vraiment un des meilleurs centres culturels de Berlin... c'est excellent qu'ils aient pu bénéficier de ce sursis. Espérons qu'à la fin ce projet pourri d'hôtel de luxe sur cet emplacement ne verra jamais le jour!!!
RépondreSupprimerC'est clair Zénobie, n'hésite pas à revenir pour profiter de toutes ces expos! Le temps pourri ne devrait pas durer pour toujours! On dirait qu'il fait beau à Berlin ce we si on en croit mon petit carré météo. Malheureusement je ne suis pas là pour en profiter!!
JM